Ciel, on a oublié les géographes !
L’affaire est entendue : la planète se réchauffe et les hommes sont la cause principale de cette catastrophe. Les bons scientifiques l’affirment, Bush et les méchantes compagnies pétrolières sont démasqués, le G.IE.C. et Al Gore, détenteurs d’ « une vérité qui dérange » reçoivent légitimement le prix Nobel de la paix fin 2007.
Et voilà pourtant que les géographes nous font entendre un autre son de cloche. Les modèles utilisés par le G.I.E.C ne seraient pas fiables, les scientifiques consultés (biochimistes, physiciens et autres climatologues) n’entendraient rien au fonctionnement de l’atmosphère, le discours scientifique officiel serait caricatural voire mensonger. Mais que se passe-t-il donc dans le monde scientifique ? Allons-nous assister à une nouvelle guerre entre sciences « dures », quantitatives, froides et fascinées par la technologie qu’elles dénoncent et sciences dites « molles », qualitatives et humaines mais prétendant appréhender seules toutes les dimensions d’un problème très complexe ?
Le malaise nous semble bien réel et nous pensons qu’il est urgent de faire une place aux géographes dans les organismes officiels qui travaillent sur la question du changement climatique mais aussi dans les media. Urgent parce qu’ils ont des choses importantes à dire, parce que leur exclusion ne plaide pas en faveur d’un monde scientifique ouvert, pluraliste et responsable et parce que le public mérite, pour peut que l’on souhaite le voir averti, éclairé et responsable, de connaître la réalité des débats qui agitent la communauté scientifique.
Les géographes peuvent en effet aider à la compréhension et donc à la dédramatisation du problème en rappelant, pour commencer, que le climat n’a rien d’un invariant, et ce à toutes les échelles temporelles, même en l’absence de toute activité humaine. La dramatisation excessive n’est-elle pas aussi dangereuse que la cécité ?
Ils peuvent surtout montrer que la relation de cause à effet présentée souvent comme irréfutable entre activités humaines, production de gaz à effet de serre, réchauffement global et catastrophes climatiques est encore soumise à de nombreuses interrogations. Quid de la variété des dynamismes régionaux et locaux des masses d’air ? Quid de la représentativité des mesures ? Quid du rôle joué par la vapeur d’eau dans le phénomène de l’effet de serre ? Quid du rôle joué par les variations de l’activité solaire ? Quid des interactions entre atmosphère, lithosphère, océans et biosphère ? Quid également des contextes économique, social, politique voire culturel qui ont permis à cette question d’occuper depuis plusieurs années maintenant une place de choix dans le panorama politique, scientifique et médiatique mondial ?
Il faut certes éclairer les acteurs politiques des enjeux énergétiques actuels en lien avec la problématique du changement climatique. En cela la question du rejet des gaz à effet de serre mérite bien sûr d’être posée mais cela doit-il passer par une simplification extrême du problème ? Nous pensons qu’il est néanmoins dangereux de répandre l’idée qu’il existe des constats désormais évidents et autant de solutions miracles pour sauver la planète et que seuls les intérêts de quelques méchantes grandes compagnies s’opposent à la mise en place de ces solutions.
Le défi que le changement climatique lance à l’humanité est complexe, à commencer par sa compréhension. Il faudra toutes les compétences, celles des biochimistes et des physiciens de l’atmosphère comme celles des géographes, spécialistes de géographie physique, humaine et d’aménagement, pour l’analyser et enfin y répondre efficacement.