Réaction de l'organisme aux allogreffes
A - Description du devenir des greffes de peau chez l'homme
Le plus souvent, pour couvrir la plaie d'un homme, on effectue une greffe à 'aide de lambeaux de peau prélevée sur la cuisse du même homme. Au bout du 3ème jour, en règle générale, la peau greffée est vascularisée et présente un aspect normal au microscope. Dès le 4ème jour, on n'observe, en l'absence d'infection, aucun infiltrat cellulaire, hormis quelques cellules liées à l'inflammation causée par le traumatisme chirurgical.
Lorsqu'on ne peut pas prélever chez le brûlé lui-même des lambeaux de peau, on peut prélever chez un autre individu n'ayant aucun lien de parenté avec le brûlé. Au départ, le comportement du greffon est le même que celui décrit précédemment, d'où son intérêt médical pour recouvrir les plaies des brûlés.
Cependant, vers le 5ème jour, la greffe s'épaissit et commence de se nécroser. Elle est envahie de cellules lymphoïdes (ph.9). Vers le 10ème jour, l'afflux sanguin cesse, les artères s'obstruent, la greffe se nécrose complètement. Vers le 14ème jour, le greffon est éliminé complètement, laissant la place à un espace rapidement comblé par la peau saine marquée d'une cicatrice.
B - Données sur la survie des greffes de peau chez l'homme
Au début des années 1960, des volontaires ont accepté de se prêter à des greffes expérimentales de peau, ceci afin d'élucider les caractéristiques du rejet de greffe. Voici quelques uns des résultats obtenus.
1 - Les greffes entre jumeaux vrais sont toujours acceptées.
2 - En dehors des jumeaux vrais, les greffes entre individus finissent toujours par être rejetées. Au cours d'une expérimentation portant sur 71 cas, Rappoport et coll. ont rlevé des durées de survie du greffon consignées dans le tableau suivant.
Durée de survie (en jours) |
Fréquence (nombre de cas) |
Durée de survie (en jours) |
Fréquence (nombre de cas) |
6 jours | 3 | 14 jours | 2 |
7 jours | 8 | 15 jours | 4 |
8 jours | 16 | 16 jours | 0 |
9 jours | 8 | 17 jours | 0 |
10 jours | 12 | 18 jours | 1 |
11 jours | 3 | 19 jours | 0 |
12 jours | 5 | 20 jours | 0 |
13 jours | 8 | 21 jours | 1 |
D'après les travaux de Rapoport et coll., Journal of clinical investigation, 1962.
3 - Les chercheurs ont aussi étudié la durée de survie des greffons de "seconde intention". Il s'agit d'une greffe de peau pratiquée sur un receveur après qu'il ait rejeté un premier greffon... et le deuxième greffon provenant du même donneur. Le tableau suivant indique les durées de vie constatées sur 18 cas.
Durée de survie (en jours) | Fréquence (nombre de cas) |
4 jours | 9 |
5 jours | 5 |
6 jours | 4 |
Au cours d'expérimentations de ce type, les chercheurs ont greffé chez un volontaire (MAR) la peau d'un donneur (NIG). Après le rejet du greffon, ils ont greffé en même temps , un morceau de peau de NIG et de 6 autres personnes. La durée de vie de ces greffons est consignée dans la tableau suivant.
Receveur | Donneurs | Durée de survie du greffon (en jours) |
MAR | NIG | 4 |
ABR | 9 | |
PAC | 9 | |
BAR | 6 | |
ARO | 5 | |
SHE | 5 | |
CAS |
9 |
C - Origine du rejet des greffes
Ces données montrent que l'organisme est capable de reconnaître les cellules d'une autre personne comme étrangères. Cela implique qu'il existe des marqueurs cellulaires différents d'un individu à un autre. Le fait qu'il n'y ait pas de rejet lorsque le greffon provient d'un jumeau (qui partagent le même patrimoine génétique) indique que ces marqueurs ont un déterminisme génétique.
Les gènes impliqués sont ceux du CMH (Complexe majeur d'histocompatibilité) existants chez tous les mammifères et appelés système HLA (Human leucocyte antigen) dans l'espèce humaine. |
On peut extraire du dossier les allèles de quelques gènes HLA afin de mettre en évidence les différences plus ou moins nombreuses entre ces allèles, uniquement des substitutions.
Il est par exemple intéressant de comparer les allèles du gène HLA A pour constater qu'il y a un grand nombre de différences entre des allèles de spécificité différente (HLA A1, HLA A2, HLA A11, HLA A24, etc.), et peu de différences entre variants d'une même spécificité (HA A0201, HLA A0210, HLA A0211, HLA A0212). Les allèles de spécificité étroite résultent de mutations survenues au cours de l'histoire des populations humaines, alors que les mutations de spécificité différente sont héritées d'espèces ancestrales de l'espèce humaine. (Voir le partage d'allèles entre le Chimpanzé et l'Homme, héritage de leur ancêtre commun).
L'intérêt d'aborder l'étude des mutations par les constats relatifs à la variabilité du système HLA est de sensibiliser à l'idée qu'une mutation n'est pas toujours délètère (ce que laisserait penser l'étude des maladies génétiques) mais peut avoir des conséquences fonctionnelles indispensables à l'organisme.