Exploitation pédagogique
1 - Existence d’une association entre l’Elysia et les chloroplastes d’une algue
Le premier point à établir est l’existence et l'origine d’une association de longue durée entre le mollusque et l’algue. Pour cela, on dispose de films, de photographies et d’électronographies.
On dispose aussi d’un schéma sur le cycle de vie de l’Elysie associé à un court texte qui fournit des informations complémentaires.
En exploitant ces documents, les élèves doivent conclure à l’existence d’une association de longue durée entre le mollusque et les chloroplastes de l’algue Vaucheria, ce qui explique la couleur verte de l’animal. Cette association s’établit au cours de la vie du mollusque au moment de la métamorphose de la larve en forme juvénile à la suite de la consommation de filaments de l’algue par le juvénile. Le contenu des cellules de l’algue est digéré sauf les chloroplastes qui sont phagocytés par les cellules épithéliales de l’appareil digestif du mollusque et conservent leur structure au sein des cellules du mollusque. Il faut noter que les chloroplastes ne sont pas transmis de génération en génération. Les oeufs et les larves ne sont pas verts. L'algue est absolument nécessaire à la métamorphose (fixation de l'algue) et à la croissance.
2 - Nature de cette association : une endosymbiose.
Pour préciser la nature de cette association, on dispose d’un document rapportant des données obtenues expérimentalement sur la biologie et la physiologie du mollusque.
En l’absence de consommation de Vaucheria (et de toute matière organique) la jeune Elysie qui a intégré dans les cellules de son appareil digestif des chloroplastes, continue à croître, se reproduit et accomplit donc un cycle de vie normal. Cela pose le problème de l’origine des matières organiques nécessaires à la croissance de l’animal et débouche sur l’hypothèse de la photosynthèse réalisée par les chloroplastes comme mécanisme susceptible d’élaborer les matières organiques ensuite utilisées par l’animal. Les données sur les échanges gazeux du mollusque confirment que les chloroplastes demeurent fonctionnels pendant plusieurs mois chez le mollusque. Ce dernier tire donc profit de cette association avec les chloroplastes de l’algue. Les chloroplastes de l’algue isolés dans un milieu physiologique ne gardent leur structure et ne restent fonctionnels que pendant quelques jours. Au sein des cellules du mollusque, ils restent fonctionnels beaucoup plus longtemps ce qui indique qu’ils bénéficient de l’environnement cellulaire du mollusque. C’est donc une association à bénéficie réciproque ce qui justifie de nommer cette association une symbiose et puisqu’un des partenaires a été incorporé dans des cellules de l’autre, une endosymbiose
3 – La longévité exceptionnelle des chloroplastes et l’idée d’un transfert horizontal de gènes
Pour compléter, on peut approfondir l’étude de l’association entre l’Elysia et les chloroplastes en essayant d’expliquer en quoi les cellules de l’Elysia hébergeant des chloroplastes contribuent à leur longévité exceptionnelle. Pour cela, on dispose d’un texte fournissant des données de base, d’une représentation de l’ADN chloroplastique de l’algue avec indication des gènes situés dans cet ADN, et de données sur la séquence d’un gène PsBO qui code pour une protéine chloroplastique de l’algue.
La lecture du texte doit conduire les élèves à préciser le problème à résoudre : comment les chloroplastes des cellules du mollusque peuvent-ils rester fonctionnels pendant plusieurs mois alors que leurs constituants doivent être renouvelés ?
Normalement, puisqu’un certain nombre de protéines chloroplastiques sont codées par des gènes situés dans le noyau, les chloroplastes du mollusque devraient cesser de réaliser la photosynthèse au bout de quelques jours. Plusieurs hypothèses ont été proposées :
- Rétention de noyaux de l’algue
Les chercheurs ont initialement pensé que les cellules du mollusque capturaient non seulement les chloroplastes mais aussi des noyaux de l’algue. En s’exprimant, les gènes de ces noyaux codant pour des protéines chloroplastiques assureraient le renouvellement des protéines chloroplastiques indispensables au maintien de l’activité photosynthétique des chloroplastes. Toutes les études microscopiques n’ont jamais mis en évidence ces noyaux de sorte que cette hypothèse a été abandonnée.
- Autonomie exceptionnelle des chloroplastes de l’algue Vaucheria.
On a aussi supposé que les chloroplastes de Vaucheria avaient des propriétés spéciales par rapport aux chloroplastes en général et qu’en particulier, ils possédaient dans leur génome chloroplastique tous les gènes nécessaires à leur fonctionnement. Autrement dit, alors que chez tous les organismes chlorophylliens les gènes nécessaires au maintien de l’activité chloroplastique sont situés pour les uns dans l’ADN chloroplastique et pour les autres dans l’ADN nucléaire, chez Vaucheria, ils seraient tous dans l’ADN chloroplastique. Les chercheurs ont alors séquencé l’ADN chloroplastique de Vaucheria et déterminé les gènes présents dans cet ADN. Ils n’ont rien trouvé d’original dans cet ADN chloroplastique de Vaucheria. Autrement dit, chez Vaucheria aussi, de nombreuses protéines chloroplastiques sont codées par des gènes nucléaires. En explorant attentivement le génome chloroplastique fourni, on constate par exemple que la protéine PsBO n’est pas codée par un gène chloroplastique. Cette hypothèse a été en conséquence abandonnée.
- Transfert horizontal de gènes
L’hypothèse la plus récente et la plus largement débattue est qu’au cours de l’histoire de l’association entre le mollusque et l’algue, des gènes nucléaires de l’algue ont été transférés au génome du mollusque. Ces gènes codant pour des protéines chloroplastiques et faisant partie désormais du génome du mollusque, assureraient en s’exprimant le maintien fonctionnel des chloroplastes que le mollusque capture à la suite de ses repas. Ces gènes se transmettraient de génération en génération et seraient donc présents dans le génome de l’œuf.
Dans une publication de 2008, Rumpho et al. indiquent avoir mis en évidence le gène PSBO dans le génome d’Elysia adultes à jeun depuis plusieurs mois, ainsi que dans celui d’œufs. Ce sont les séquences de ce gène chez l’algue et chez le mollusque que nous avons fournies. Cette publication confirme donc l’hypothèse d’un transfert horizontal de gènes.
Des travaux ultérieurs, notamment ceux de l’équipe de Pierce en 2012, basés sur l’analyse des protéines (transcriptome) synthétisées dans les cellules du mollusque ont révélé que des protéines chloroplastiques étaient synthétisées, à faible taux toutefois. Ces données corroborent l’idée d’un transfert de plusieurs gènes de l’algue dans le génome du mollusque.
Mais dans une publication de juin 2013, Rumpho et son équipe relatent les résultats d’une analyse très précise du génome du mollusque extrait d’œufs et disent n’avoir pas trouvé de preuves de la présence de gènes de l’algue dans l’ADN du mollusque. Cela est contradictoire avec les résultats précédents de la même équipe relatifs à PsBO.
Cependant, pour tenir compte des résultats de l’équipe de Pierce, ils font l’hypothèse qu’à chaque génération, à la suite des repas, des fragments d’ADN de l’algue seraient conservés dans les cellules du mollusque, sans être pour cela incorporés dans les chromosomes. Certains de ces fragments doivent en s’exprimant permettre la synthèse des protéines chloroplastiques indispensables au fonctionnement des chloroplastes. En somme il y aurait un transfert transitoire à chaque génération !!
Mais le problème n’est pas considéré comme résolu. Cela n’empêche pas cependant de sensibiliser à l’idée d’une possibilité de transfert horizontal de gènes entre deux organismes eucaryotes, transfert qui contribue à une diversification du vivant car débouchant sur un animal photosynthétique.