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Approche moléculaire

Par salame — Dernière modification 18/07/2016 16:20

 

A - Intérêt pédagogique d’une étude des gènes impliqués dans la domestication chez le maïs

1 – Un nombre réduit de gènes majeurs sont impliqués dans la domestication

Les différences dans la morphologie de la plante, dans celle des inflorescences femelles et des semences entre le maïs cultivé et le téosinte sont très nettes, ce qui a fait supposer que le passage d’une forme à l’autre au cours de la domestication a fait intervenir des mutations dans de nombreux gènes.

Au début des années 70, Beadle a testé cette idée en exploitant le fait que les hybrides entre maïs et téosinte sont fertiles. Il a examiné 50000 plantes F2 résultant d’un croisement entre hybrides. Il a constaté que la fréquence de réapparition de maïs et de téosinte de type parental chez ces plantes de seconde génération était approximativement de 1 pour 500.

Il a confronté ces résultats avec des prévisions théoriques. En admettant que les maïs et les téosintes sont de lignée pure pour les caractères envisagés et que les gènes en jeu sont situés sur des chromosomes différents, il a calculé la probabilité de réapparition des phénotypes parentaux en F2 en fonction du nombre de gènes impliqués.

Dans la première partie du programme de terminale relative aux conséquences génétiques de la fécondation, il est proposé de réaliser une analyse statistique simple des résultats d’une fécondation. Le réinvestissement de cet apprentissage conduit à établir que les génotypes parentaux doivent réapparaître en F2 avec une fréquence de 1/4 ; 1/16 ; 1/64 ; 1/256 ; 1/1024, ... 1 sur un million environ, si respectivement 1, 2, 3, 4, 5, ... 10 gènes sont impliqués. La confrontation des résultats effectivement obtenus (1/500) avec les prévisions théoriques laisse à penser qu’une évolution touchant un  petit nombre de gènes majeurs, 4 ou 5, suffit pour rendre compte du passage des caractéristiques du téosinte à celles du maïs.

Cette expérience célèbre de Beadle est certes critiquable. Il y a d’abord le postulat que les gènes impliqués ségrègent de façon indépendante. Il y a aussi le fait que ce qu’il observait était le phénotype des plantes et qu’il assimilait les phénotypes parentaux réapparus en F2 à des lignées pures pour les gènes considérés, ne prenant pas en compte le phénomène de dominance. Néanmoins ces données expérimentales plaidaient en faveur de l’idée qu’un petit nombre de différences génétiques était cause des différences majeures entre téosinte et maïs.

Durant les 20 dernières années, les spécialistes, notamment l’équipe de Doebley, ont recherché la nature des innovations génétiques en cause, confirmant l’idée que des mutations affectant un petit nombre de gènes étaient à l’origine des caractères de la domestication. Ce sont ces recherches qui peuvent servir de support pour l’étude d’un exemple sur la diversification des êtres vivants.

2 – Des différences morphologiques dues à l'action d'un seul gène (documents 1 et 2)

Le mutant du maïs trouvé par Doebley et son équipe de généticiens a une morphologie très différente du maïs (Document 1) : il est abondamment ramifié dès la base (talage) et toutes les ramifications se terminent par une inflorescence mâle. En outre, il n'y a pas d'inflorescences femelles. Les hybrides F1 résultant du croisement entre maïs de phénotype normal et maïs de phénotype mutant indiquent que le phénotype mutant est récessif. Les proportions statistiques de la génération F2, voisines de 3/4 - 1/4 indiquent que les différences phénotypiques sont dues à l'action d'un seul gène.

 Le document 2 montre que le phénotype du mutant est proche de celui du téosinte par l'importance des ramifications. Il en diffère toutefois par l'absence d'inflorescences femelles.

 Comme pour les croisements du document 1, ceux du document 2 indiquent que les différences morphologiques entre maïs et téosinte sont dues à un seul gène et que l'allèle téosinte est dominant et celui du mutant récessif. En conclusion, il semble exister un gène dont les allèles différents chez le maïs normal, le maïs mutant et le téosinte sont à l'origine des morphologies différentes.

Le gène Tb1 (teosinte branched1 gene) chez le maïs

Les chercheurs ont ensuite identifié le gène en cause et l’ont appelé tb1 à cause du phénotype du mutant du maïs, proche de celui du téosinte. Ils ont cloné ce gène et déterminé sa séquence.

A partir des séquences codantes des allèles du gène tb1 trouvés chez les maïs, on peut avec Anagène traduire ces séquences en protéines. La comparaison de ces protéines tb1 révèle un certain polymorphisme mais ce dernier est neutre puisque les protéines conduisent au même phénotype et sont donc fonctionnelles. La séquence de l'allèle mutant est caractérisée par l'insertion d'une séquence d'un segment d'ADN qui a pour effet d'introduire un codon stop anticipé et donc à une protéine non fonctionnelle. Puisque le mutant ne produit pas de protéine fonctionnelle TB1, la comparaison des phénotypes des maïs normal et mutant conduit à dire :

- que la protéine TB1 normale inhibe la croissance des ramifications à partir de leurs bougeons axillaires ;

- que la protéine TB1 est indispensable à la formation d'inflorescences femelles.

On a montré que la protéine codée par le gène TB1 est un facteur de transcription qui, en se fixant à des séquences régulatrices de gènes impliqués dans le cycle cellulaire et l’élongation des rameaux, en contrôle l’expression en ayant un effet inhibiteur.


 Le gène Tb1 (teosinte branched1 gene) et l'évolution du phénotype téosinte en phénotype maïs

Puisque l'architecture du mutant de maïs est semblable à celle du téosinte on peut faire l'hypothèse que le passage du phénotype téosinte au phénotype maïs est dû à un changement dans le gène TB1 d'où résulte un effet répressif sur les bourgeons axillaires. On dispose des séquences nucléiques de plusieurs téosintes. On peut comparer ces séquences à celles des différents allèles de maïs. On constate qu'elles ont une très forte similitude. Néanmoins, à deux sites, on constate que les séquences TB1 du maïs diffèrent de celles des téosintes. Cela peut laisser penser que ces différences pourraient être à l'origine de différences fonctionnelles entre les protéines de TB1 chez le maïs et le téosinte. Mais si on compare les protéines TB1 des téosintes (obtenues après traduction) à celles du maïs, on constate que les deux différences nucléiques ne se traduisent pas au niveau protéique. Cette comparaison montre qu'il n'existe pas de sites spécifiques aux protéines du maïs, c.a.d. des sites où l'acide aminé est le même chez toutes les protéines TB1 du maïs et différent de celui trouvé chez le téosinte. Cela indique que les protéines TB1 du maïs et du téosinte ont la même fonction : la différence morphologique entre la plante cultivée et la plante sauvage ne s'explique pas par des mutations au niveau de la séquence codante du gène TB1.

Les chercheurs ont alors fait l'hypothèse que si la fonction de la protéine TB1 n'a pas changé, il est probable que des changements dans l'expression du gène sont cause du changement phénotypique. Ils ont dosé la quantité d'ARN messager du gène TB1 présente chez le maïs et le téosinte, d'une part au niveau des bourgeons axillaires, d'autre part au niveau des ébauches d'inflorescences femelles.

Le document 3 indique des différences importantes dans l'expression du gène TB1 chez le maïs et le téosinte. Chez le maïs il est fortement exprimé au niveau des bourgeons axillaires et inhibe donc la croissance des ramifications. Chez le téosinte in est très peu exprimé à ce niveau ce qui explique la production de ramifications. L'expression du gène au niveau des ébauches des inflorescences femelles explique que celles-ci se développent normalement puisque le gène TB1 est indispensable à leur formation.

Conclusion :

L'exemple de l'évolution morphologique du téosinte vers le maïs illustre bien la phrase du programme : «  s’agissant des gènes impliqués dans le développement, des formes vivantes très différentes peuvent résulter de variations dans la chronologie et l’intensité d’expression de gènes communs ». Le lien évolutif est démontré. La différence morphologique est nette. La protéine a gardé la même fonction. C'est le fait qu'elle est produite en plus grande quantité qui est le facteur déterminant du changement morphologique. Le changement d'expression d'un gène implique un changement dans la régulation de son expression. Récemment, on a mis en évidence des changement au niveau des régions cis-régulatrices qui contrôlent l'expression de TB1.