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Nature de l’avantage sélectif

Par Naoum Salamé Dernière modification 30/03/2024 12:35

5 - Nature de l’avantage sélectif

Les données statistiques sur les génomes des populations indiquent donc que la possession de nombreuses copies du gène de l’amylase résulte de l'avantage sélectif qu’elle conférait. Le problème est de savoir en quoi consiste l’avantage sélectif de sécréter beaucoup d’amylase salivaire. Cette enzyme commence la digestion de l’amidon dans la bouche et ensuite elle passe avec le bol alimentaire dans l’estomac où est produit le suc gastrique. Or ce suc gastrique est acide et comme le montre le graphe ci-dessous, l’amylase salivaire est inactivée, dénaturée dès que le ph est  inférieur à 4.

 Amylase-Ph.jpg

D'après Fried M et al.: Passage of salivary amylase through the stomach in humans. Dig Dis Sci. 1987 Oct;32(10):1097-103.

Or le Ph du suc gastrique est voisin de 2 ce qui fait qu’on dit souvent que non seulement l’action de l’amylase salivaire sur l’amidon ne se prolonge pas dans l’estomac mais que, de plus, elle est définitivement inactivée par l’acidité du milieu gastrique. L’action de l’amylase salivaire serait donc réduite et de courte durée ce qui ne permet guère de comprendre l’avantage sélectif que confère la production de beaucoup d’amylase. En réalité dans l’estomac, l’amylase salivaire, du fait du tampon partiel assuré par le bol alimentaire, n’est pas soumise à un ph aussi bas et des études faites sur le contenu du duodénum ont montré que de l’amylase encore active se trouve dans l’intestin. On estime que 15% de l’amylase présente dans le contenu intestinal est d’origine salivaire, et 85% d’origine pancréatique. L’amylase salivaire, surtout si elle est produite en quantité, peut donc jouer un rôle non négligeable dans la digestion de l’amidon, surtout en cas d’insuffisance pancréatique.

En outre, il a été suggéré que la digestion orale de l’amidon pourrait être critique lors des épisodes de maladies causant des diarrhées importantes.

Dans une étude publiée en 2012, Mandel et Breslin rapportent leurs recherches sur l’évolution de la glycémie suite à l’ingestion d’une solution de 50g d’amidon par deux groupes de personnes, le premier avec un petit nombre de copies du gène AMY1 (entre 2 et 4), l’autre avec de nombreuses copies (entre 4 et 11).

Le graphique ci-dessous indique les résultats obtenus :

Amylase-Glycémie.jpg

D'après A.L. Mandel et al. : High Endogenous Salivary Amylase Activity Is Associated with Improved Glycemic Homeostasis following Starch Ingestion in Adults. J Nutr. 2012 May; 142(5): 853–858.

Concentration plasmatique  du glucose en mmol/l suite à l’ingestion d’une solution de 50g d’amidon. Pour exprimer les concentrations de glucose en g/l, il faut multiplier par 18,02 les valeurs extraites du graphique. LA = Salive pauvre en amylase; LH = Salive riche en amylase.

On pourrait s’attendre à ce que la glycémie des personnes ayant le plus grand nombre de copies du gène s’élève davantage et plus rapidement que celle des personnes de l’autre groupe étant donné qu’ayant davantage d’amylase, ces personnes devraient digérer plus rapidement l’amidon ingéré. Or c’est le contraire qu’on constate. L’élévation de la glycémie est plus faible chez les personnes ayant le plus grand nombre de copies donc produisant le plus d’amylase. Par exemple, 1h après l’ingestion, la glycémie est environ de 1,5g/l dans un groupe et de 1,1g/l dans l’autre groupe ce qui fait une différence de 0,4g/l tout à fait significative.  Cela traduit une meilleure régulation de la glycémie chez les personnes produisant beaucoup d’amylase. Cela a pu avoir au cours de l’histoire des populations humaines un impact sur la survie des individus et contribuer à un avantage sélectif en faveur de ceux ayant de nombreuses copies du gène de l’amylase. Il reste à comprendre la relation existant entre la quantité d’amylase et la régulation de la glycémie. Les auteurs font l’hypothèse que c’est par l’intermédiaire d’une sécrétion précoce d’insuline, mais cela n’est pas prouvé. Et les spécialistes disent qu’il est nécessaire vu le faible effectif des deux groupes de cette étude, de confirmer ces données.