Aller au contenu. | Aller à la navigation

Outils personnels

Plateforme - ACCES
Navigation

Une sélection positive

Par Naoum Salamé Dernière modification 30/03/2024 12:33

4 – Une sélection positive

Intuitivement, on peut penser que la possession d’un grand nombre de copies du gène AMY1, en conférant une plus grande capacité à digérer l’amidon,  a entraîné un avantage sélectif à ces personnes par rapport à celles qui n’avaient qu’un nombre réduit de copies. Cet avantage n’existant bien sûr que si les populations avaient un régime alimentaire riche en amidon.

Pour tester cette hypothèse, Perry et son équipe ont déterminé le nombre de copies dans deux groupes de populations situées sur la carte ci-dessous.

localisation populations-1.jpg

D'après J. November et al. : Adaptive drool in the gene pool. Nature Genetics 39, 1188 - 1190 (2007)

Le premier groupe comprend 3 populations qui consomment traditionnellement beaucoup d’amidon : les Japonais, les européens et les Hazda (population de cueilleurs chasseurs de Tanzanie qui se nourrissent beaucoup de tubercules riches en amidon).

Le deuxième groupe comprend 4 populations dont le régime alimentaire est traditionnellement pauvre en amidon : deux populations de chasseurs cueilleurs africains : les Biaka et les Mbuti, et une population pastorale africaine les Datog, et les Yakut asiatiques.

La figure suivante regroupe d’une part les populations à faible consommation d’amidon et d’autre part celles à forte consommation.

NB copies histogramme.jpg

D'après Perry et al. Nature Genetics 39, 1256 - 1260 (2007).

La figure suivante illustre pour chacune des populations la proportion cumulative d’individus possédant au plus tel ou tel nombre de copies du gène. Ce graphique a été construit à partir des données de la figure pré-précédente. Pour le comprendre, on peut s’appuyer sur une des populations, celle des Biaka par exemple. ; 2 copies, 2% ; 3 copies : 13% (2+11%) ; 4 copies : 38%(13+25%) ; 5 copies 58% (38+20%) etc…

 Fréquence cumulative.jpg

D'après Perry et al. Nature Genetics 39, 1256 - 1260 (2007).

Si on considère les données de la figure a, on constate dans le groupe à régime pauvre en amidon 70% des individus possèdent moins de 6 copies du gène de l'amylase alors que dans la population à alimentation riche en amidon 70% des individus possèdent 6 copies ou plus du gène de l'amylase. En outre le graphique cumulatif  montre que les courbes des 4 populations du régime « pauvre en amidon » se trouvent toutes nettement à gauche de celles des 3 populations de l’autre groupe. Cela indique une nette différence dans le nombre de copies du gène en fonction du régime alimentaire.

A partir de l'état ancestral, il y a donc une évolution différente du nombre de copies du gène de l'amylase en fonction de la richesse en amidon de l'alimentation.

En conclusion, il semble que les duplications géniques contribuant à doter les individus d’un grand nombre de copies du gène de l’amylase aient conféré un avantage sélectif dans les populations consommant de l’amidon.

Néanmoins, dans les populations consommant peu d’amidon, la majeure partie de la population possède un nombre de copies supérieur à l’état ancestral. Si on admet qu’en l’absence d’amidon, l’augmentation du nombre de gènes ne procure aucun avantage sélectif, on est conduit à penser que dans ces populations l’expansion du nombre de copies résulte de la dérive génique.

On ignore à quel moment dans la lignée humaine s’est généralisée la possession d’un grand nombre de copies du gène AMY1. Néanmoins le fait que les séquences des copies présentent une très grande similitude, laisse à penser que cela a eu lieu récemment, essentiellement durant l’histoire des Homo sapiens. Il est fort probable que les débuts de l’agriculture il y a 10.000 ans, avec la domestication de plantes dont les graines sont riches en amidon comme les céréales, ont joué un rôle important dans l’évolution du nombre de copies du gène de l’amylase salivaire. On retrouve là l’idée qu’une évolution culturelle, en modifiant l’environnement (ici le régime alimentaire) des Hommes, a entraîné une évolution biologique.