Exploitation pédagogique du gène MC1R chez l'Homme
A - Le gène MC1R chez l'Homme
Les expériences chez la souris ont mis en évidence l'implication du gène MC1R dans la pigmentation de la peau. L'importance de lhomologue humain de ce gène dans la pigmentation de la peau humaine est illustrée par l'observation du cas d'une personne possédant 2 allèles de MC1R mutés codant pour deux protéines non fonctionnelles. Cette personne avait le phénotype peau très claire et cheveux roux. Cela signifie qu'en l'absence de protéine MC1R la synthèse des pigments par les mélanocytes est très faible et que le pigment synthétisé est de la phéoméaline non de l'eumélanine. Le gène MC1R fonctionnel stimule la production de pigments dans les mélanocytes et plus précisément la synthèse d'eumélanie.
La mutation d’un des allèles consiste en une insertion d’un nucléotide à adénine entre les nucléotides 86 et 87. Cela entraîne un décalage du cadre de lecture et l’apparition d’un codon stop anticipé 12 codons plus loin. La protéine codée par cet allèle est donc très tronquée et à coup sûr non fonctionnelle.
La mutation de l’autre allèle consiste en l’insertion d’un nucléotide à cytosine entre les nucléotides 537 et 538. Cela entraîne aussi un décalage du cadre de lecture et l’apparition d’un codon stop anticipé 58 codons plus loin. Là aussi la protéine codée par cet allèle est tronquée et non fonctionnelle.
Mais ce génotype n’a été détecté que chez une seule personne. Ce n’est donc pas lui qui est cause de la peau claire des européens. Néanmoins il fournit une référence pour diagnostiquer une faible expression d’allèles du gène MC1R.
B - La protéine MC1R et la pigmentation de la peau
Le document sur la protéine codée par le gène MC1R permet :
a - de revoir la notion de récepteur et par là de justifier partiellement le nom donné au gène.
Le schéma montre une molécule de la protéine MC1R localisée dans la membrane plasmique du mélanocyte ; en réalité il existe des centaines d’exemplaires de cette protéine enchâssés dans la membrane plasmique. On voit aussi que deux molécules extracellulaires hormonales, MSH et la protéine agouti sont capables de se lier à la protéine MC1R. En outre, la liaison de MSH à MC1R entraîne un changement dans l’activité du mélanocyte, avec une production accrue d’eumélanine. Cela implique une activation de la voie de synthèse de l’eumélanine et non de la phéomélanine. La protéine agouti, au contraire, inhibe la synthèse d’eumélanine. La capacité à se lier à un signal extracellulaire et d’entraîner, suite à cette liaison, un changement dans l’activité de la cellule sont des propriétés communes à tous les récepteurs. Le terme de mélanocortine provient du fait que MSH fait partie d’une famille de polypeptides désignée sous le nom de mélanocortines.
La protéine agouti joue un rôle important dans la pigmentation du pelage de la Souris ; son rôle semble beaucoup plus réduit chez l’Homme. On a aussi montré qu’en dehors de toute liaison avec ses ligands, le récepteur MC1R a une activité de base dans le mélanocyte ; le rôle de MSH est de stimuler cette activité.
b - d’expliquer le mécanisme du bronzage et par là d’établir la distinction entre pigmentation constitutive et pigmentation facultative.
Sous l’action du rayonnement solaire et plus particulièrement des rayons UV, la sécrétion de MSH par les kératinocytes augmente ; en conséquence, les mélanocytes sont davantage stimulés et la synthèse d’eumélanine est plus forte. Dans les mélanocytes, le nombre de mélanosomes, leur dimension, leur charge en eumélanine s’accroissent. Le transfert de mélanosomes aux kératinocytes est plus important. Il en résulte un brunissement de la peau, le bronzage. On peut donc distinguer la pigmentation constitutive de la peau, en dehors de toute exposition aux rayons solaires, et la pigmentation facultative acquise suite à l’exposition. Comme le récepteur MC1R intervient dans les deux cas, on comprend qu’il existe un même déterminisme génétique pour ces deux aspects de la pigmentation de la peau.
C – Le polymorphisme du gène MC1R dans les populations humaines
1 – L’allèle ancestral du gène MC1R
Le document sur l’allèle ancestral du gène MC1R humain permet de placer l’étude du polymorphisme du gène MC1R dans une perspective évolutive.
Cette étude a pour objectif de rechercher des corrélations entre ce polymorphisme et la diversité des pigmentations cutanées. Ce polymorphisme est le résultat des mutations du gène survenues au cours de l’histoire des populations humaines à partir de l’allèle ancestral présent dans les premières populations africaines d’Homo sapiens. Bien entendu, on n’a pas d’accès direct à cet allèle et on ne peut affirmer à coup sûr qu’il n’y en avait qu’un malgré un effectif réduit des populations initiales. Deux allèles dont la fréquence est très élevée en Afrique sont considérés comme de bons candidats.
La comparaison de ces deux séquences (Fichier MC1R-Pan-Homo.edi) avec Anagène, révèle qu’elles ne diffèrent qu’au codon 314 (ACA contre ACG). Comme on peut le suspecter du fait que c’est le 3ème nucléotide du codon qui diffère, cette différence n’a pas de conséquence au niveau protéique : dans les deux cas, on trouve en position 314 l’acide aminé Thréonine. Les deux allèles sont donc également fonctionnels. Pour savoir quel était l’allèle ancestral, il faut comparer avec la séquence trouvée chez le Chimpanzé : en position 314 on trouve dans la séquence du Chimpanzé, le codon ACG. On peut donc penser que ce codon ACG314 était aussi présent dans la séquence de l’ancêtre commun à l’Homme et au Chimpanzé. L’allèle humain possédant le codon ACG en position 314 est donc l’allèle ancestral. Comme la protéine codée par ces deux allèles est la même, on peut considérer par la suite qu’ils représentent globalement l’allèle ancestral.
2 -Comparaison du polymorphisme du gène MC1R dans les populations africaines, européennes et asiatiques
Dans les trois documents fournis, les tableaux correspondent aux fichiers de séquences (Africains.edi, Européens.edi, Japonais.edi) relatives au polymorphisme du gène MC1R dans les trois populations. Seuls ont été pris en compte les allèles dont la fréquence est supérieure à 1%, sauf exception. Il est bien sûr possible de comparer la séquence de chaque allèle avec celle de l’allèle ancestral, de façon à identifier la nature de la mutation. C’est toutefois un travail bien fastidieux. Le symbolisme retenu pour chaque allèle dans les tableaux est informatif. Toutes les mutations sont des substitutions de nucléotides, les unes non synonymes, les autres synonymes.
- Exemple : l’allèle R151C. Ce symbolisme indique que c’est le codon 151 qui est muté dans cet allèle et que cette mutation fait que l’acide aminé arginine (R) présent dans la protéine ancestrale est remplacé par l’acide aminé cystéine (C) dans la protéine MC1R mutée.
- Autre exemple : T314T : cette fois, c’est le codon 314 qui est muté mais c’est une mutation synonyme qui ne provoque pas de changement d’acide aminé.
· Si on considère le polymorphisme au niveau protéique, on constate qu’il est très peu important dans les populations africaines. Globalement les allèles résultant de mutations non synonymes ont une fréquence voisine de 3% (0,4+0,4+2,1= 2,9%). Les africains ont pratiquement tous la même séquence protéique MC1R.
· Chez les européens, le polymorphisme du gène est beaucoup plus important car la fréquence globale des allèles mutés non synonymes est de l’ordre de 43% avec plusieurs d’entre eux ayant une fréquence nettement supérieure à 1%. Les allèles ancestraux sont présents à 57%.
· Chez les asiatiques, la fréquence des allèles mutés non synonymes est de l’ordre de 80 à 90% mais avec une singularité remarquable dans ces populations : un des allèles mutés R163Q a une fréquence comprise entre 70 et 80%. Cet allèle est absent dans les populations africaines mais se retrouve à une fréquence de 4 à 5% chez les européens. Caractère remarquable chez les asiatiques : la faible fréquence des allèles ancestraux.
· En bilan de cette approche globale, on peut mettre en relief le très faible polymorphisme du gène MC1R en Afrique à l’inverse de ce qu’on constate pour l’Europe et la forte incidence d’un allèle muté en Asie. C’est un constat propre au gène MC1R car pour la très grande majorité des gènes étudiés c’est en Afrique qu’on trouve la plus grande diversité allélique. La recherche de la signification de ce constat est l’objectif majeur de cette étude.
D – Interprétation du polymorphisme MC1R chez les africains
1 - L’allèle ancestral et la pigmentation noire de la peau
L’allèle ancestral n’est pas exclusif aux africains car on le retrouve aussi chez les européens et chez certains asiatiques. On ne peut dire que cet allèle à lui seul régit une forte pigmentation de la peau. On retrouve là la notion que plusieurs gènes interviennent dans la coloration de la peau : c’est un caractère polygénique. Néanmoins la fréquence beaucoup plus forte de cet allèle chez les personnes à peau noire (corrélation) suggère qu’il joue un rôle important dans la synthèse d’eumélanine par les mélanocytes.
2 – La filiation entre allèles
Le document sur le polymorphisme du gène MC1R dans les populations africaines ébauche une filiation entre les allèles trouvés chez les africains. En comparant avec Anagène les allèles mutés aux deux allèles ancestraux, on peut prolonger plus ou moins cette filiation. Le document ci-dessous indique le résultat qu’on peut obtenir.
Cet exercice permet de réinvestir l’idée de mutation ponctuelle et donc de faire revoir qu’un allèle provient de la mutation d’un allèle préexistant. Il permet aussi de visualiser la prédominance des mutations synonymes par rapport aux mutations non synonymes chez les africains.
3 – Idée d’une sélection au cours de l’histoire des populations africaines
Ce qui caractérise la variabilité du gène MC1R n’est pas tant le petit nombre d’allèles que leur faible fréquence. En outre les allèles mutés non synonymes sont nettement moins nombreux que les allèles synonymes. Cela indique que les allèles entraînant un changement dans la protéine MC1R n’ont pas réussi, au cours de l’histoire des populations africaines, à se répandre. Cela suggère aussi que la possession de ces allèles confère un désavantage sélectif aux personnes qui en sont porteuses. Les caractéristiques du polymorphisme en Afrique font donc penser à une sélection naturelle négative, éliminant ou maintenant à une fréquence très faible les allèles mutés susceptibles de modifier l’activité de la protéine MC1R et par là, la synthèse d’eumélanine. Cette sélection maintient une forte pigmentation de la peau.
4 – Dérive génétique au cours de l’histoire des populations africaines
L’allèle ancestral et l’allèle muté T314T ont à peu près la même fréquence en Afrique. Cela suppose que l’allèle muté se soit répandu dans les populations africaines. Comme les deux allèles codent pour la même protéine, la sélection naturelle ne semble pas être cause de cette expansion de l’allèle muté. On peut penser que la dérive génique explique l’expansion de l’allèle muté, à une période où les populations de sapiens étaient peu nombreuses sans toutefois conduire à une fréquence de 100%.
E – Interprétation du polymorphisme dans les populations européennes
1 - Deux interprétations possibles
Les allèles mutés trouvés dans les populations européennes n’existent pas en Afrique. Ce sont en majorité des allèles non synonymes. Certains se retrouvent dans les populations asiatiques (V92M ; R163Q) mais les autres sont propres à l’Europe. Tous ces allèles résultent de mutations survenues lors de la migration des sapiens hors d’Afrique vers l’Asie et l’Europe notamment. Cela signifie que les facteurs de sélection qui contribuent à l’élimination des allèles mutés en Afrique sont moins contraignants en Asie et en Europe.
Une autre explication possible est que la possession d’allèles mutés ait représenté un avantage sélectif dans les conditions d’environnement de l’Europe et de l’Asie.
2 – Le polymorphisme du gène MC1R en Europe est-il associé à une réduction de la pigmentation de la peau ?
- Le document sur les allèles du gène MC1R dans une population irlandaise révèle une association entre le phénotype « cheveux roux » et la possession de certains allèles MC1R. La fréquence des allèles Arg151Cys, Arg160Trp et Asp294His est beaucoup plus importante chez les personnes à cheveux roux que chez les autres. En l’absence d’expression du gène MC1R, le phénotype des cheveux est aussi « cheveux roux ». Cela laisse à penser que ces allèles sont peu ou pas fonctionnels de sorte que les mélanocytes des follicules pileux ne synthétisent pas d’eumélanine mais de la phéomélanine. Les données sur la couleur de la peau et la capacité à bronzer indiquent que ces trois allèles sont plus fréquents chez les personnes à peau très claire, que chez celles à peau plus sombre (sans être noires). En revanche, l’allèle Val60Leu bien que fréquent dans la population étudiée ne semble pas avoir d’impact sur la pigmentation de la peau.
- Les expériences de transgénèse fournies dans le document "Relation entre la couleur de la peau et des cheveux et certains allèles MC1R" permettent de confirmer, dans une certaine mesure, que ces allèles entraînent une réduction de la pigmentation. En effet, tous les animaux transgéniques, ont un pelage plus sombre que les souris témoins « jaunes ». Cela signifie que les transgènes humains Arg151Cys, Arg160Trp et Asp294His ont entraîné la production d’eumélanine par les mélanocytes des souris transgéniques. Toutefois cette production est nettement moindre qu&rsquorsquo;avec l’allèle ancestral MC1R, en particulier pour l’allèle Asp294His. Ce ne sont pas vraiment des allèles « perte de fonction » mais des allèles à efficacité réduite, c'est-à-dire n’activant que très modérément la synthèse d’eumélanine.
La faible efficacité des allèles Arg151Cys et Arg160Trp s’explique par une réduction de leur expression au niveau de la membrane des mélanocytes alors que celle de l’allèle Asp294His est due à une moindre capacité à lier l’hormone MSH et à activer la voie de biosynthèse de l’eumélanine.
F – Interprétation du polymorphisme de MC1R dans les populations asiatiques
Le fait le plus remarquable du polymorphisme du gène MC1R chez les asiatiques est la fréquence très élevée de l’allèle Arg163Gln. Une explication possible est qu’au cours de la migration en Asie, un goulot d’étranglement démographique ait réduit à un moment les populations de sapiens. La dérive génétique agissant sur une population de faible effectif aurait conduit à une forte augmentation de la fréquence de cet allèle. Néanmoins, des études récentes dans la population japonaise ont révélé une association significative entre la possession de l’allèle R163G et une peau claire. Il semble donc que la possession de cet allèle entraîne une moindre pigmentation de la peau. Il est alors possible que la sélection naturelle en faveur d’une peau claire en Asie ait aussi contribué à l’augmentation de fréquence de l’allèle.