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Exploitation pédagogique cinquième partie

Par Naoum Salamé Dernière modification 16/02/2024 15:12

Introduction

L’objectif des trois dernières parties (5, 6, et 7) du dossier n’est pas de faire une étude exhaustive des pratiques thérapeutiques ayant pour objet de réduire voir supprimer les symptômes de la DM1 et ainsi d’améliorer les conditions de la vie des malades, sans pour autant guérir de la maladie. Il est d’envisager des recherches très récentes de thérapie génique faisant appel aux connaissances sur les mécanismes moléculaires et cellulaires de la DM1, ainsi que sur les progrès des techniques d’édition des gènes dont le plus novateur et le plus utilisé depuis la fin des années 2010 s’intitule CRISPR-Cas9.

En relation avec cet objectif, dans la partie « Données et questionnement » conçue pour les élèves, un schéma récapitule les points principaux des mécanismes moléculaires en action dans la DM1 (schéma de conclusion de la 4ème partie). On leur demande de proposer, en s’aidant des rappels de la figure et de leurs connaissances, d’agir sur les causes de la maladie à trois niveaux. Au niveau des allèles mutés du gène DMPK, ils devraient proposer qu’une méthodologie ayant pour effet de supprimer l’expansion des répétitions des triplets CTG pourrait être efficace puisque ce sont ces expansions qui sont à l’origine de la maladie. Ils pourraient dire qu’on devrait opérer de même au niveau de l’ARNm des allèles DMPK mutés, puisque l’expansion des triplets CTG du gène se retrouve dans la séquence des ARNm (expansion des triplets CUG). Enfin, des symptômes de la maladie sont causés par des défauts d’épissage de nombreux gènes, défauts engendrés par la séquestration des protéines MBNL1 par les ARNm des allèles mutés du gène DMPK. Une action imaginable est de trouver un mécanisme supprimant cette séquestration et rétablissant ainsi la fonction de ces protéines.

Dans cette cinquième partie, les élèves doivent exploiter des documents relatifs à la thérapie génique ayant pour objectif de rétablir l’efficacité de la fonction d’épissage des protéines mBNL1.

La compréhension de la thérapie génique des allèles mutés du gène DMPK par le système CRISPR-Cas9 exige d’abord de connaître les principes de ce système puis de voir son application dans le cas de la thérapie de la DM1. C’est pourquoi, cette thérapie sera étudiée dans une sixième partie.


 

Rappel : Données et questionnements. Cinquième partie


- Stratégies thérapeutiques récentes

 

Exploitation pédagogique

Stratégies thérapeutiques récentes

Les recherches relatives à ces thérapies ne sont pas encore au stade des essais cliniques. Elles ont débuté par des expériences sur des modèles cellulaires, c’est-à-dire des cultures de cellules ayant les caractéristiques phénotypiques de la DM1. Les résultats sur ces modèles cellulaires ayant montré l’efficacité du protocole utilisé, les chercheurs sont passés à des expérimentations sur des modèles animaux, surtout la souris. Pour cela, ils ont conçu un modèle animal présentant les caractéristiques de la DM1 humaine.

Denis Furling directeur de recherche au CNRS et responsable d’une équipe du centre de recherche en myologie qui a participé à la recherche relative à la restauration des fonctions des protéines MBNL1 dit : « Des étude additionnelles sont nécessaires avant de pouvoir transposer cette thérapie en clinique. Son développement pré-clinique, avec notamment des études de doses de toxicité de vecteur AAV, devra encore être réalisé afin d’envisager une potentielle application clinique. »

Les documents sur les deux thérapies rapportent donc des données obtenues sur des modèles cellulaires et animaux.

A - Une thérapie génique prometteuse sur un modèle cellulaire

1 - Le protocole expérimental.

Les chercheurs ont expérimenté sur des cultures de cellules musculaires obtenues chez des patients présentant toutes les caractéristiques de la DMI : un allèle DMPK avec un nombre de répétitions du triplet CTG en expansion, ce qui se retrouve, sous forme de triplets CUG, dans les ARN messagers, une séquestration des protéines MBLN1 par les agrégats d’ARN messagers mutés, ce qui entraîne des défauts d’épissage des ARNm de plusieurs gènes à l’origine de protéines dont la séquence est anormale et la fonction perturbée.

Les chercheurs traitent ensuite ces cellules par des protéines désignées MBNL1Δ. Ils font l’hypothèse que ces protéines exogènes réaliseront un épissage normal de nombreux gènes ou qu’elles restaureront la capacité des protéines MBNL1 endogènes des cellules DM1 à épisser normalement plusieurs gènes.

2 - Comparaison des séquences des protéines endogènes MBNL1 et exogènes MBNL1Δ.

Fichier : MBNL1.edi

On constate que les deux protéines ont initialement une séquence identique de 269 acides aminés et qu’ensuite la séquence de la protéine conçue in vitro par ingiénérie s’arrête alors que celle de la protéine MBLN1 se prolonge. Le document indique que la séquence en amont de MBNL1 confère la capacité de la protéine à se lier aux expansions des triplets CUG des ARNm DMPK mutés. Cela laisse supposer que les protéines MBNL1Δ ont la capacité à se lier aux CUG des expansions des ARNm mutés. En revanche, dépourvues de la séquence de MBNL1 intervenant dans l’épissage des ARN pré-messagers d’autres gènes, ces protéines exogènes n’ont pas d’activité d’épissage. Cela infirme une des hypothèses précédemment émises sur leur rôle.

3 - Action de MBNL1Δ sur l’épissage de l’exon 78 du gène DMD.

Le gène DMD code pour la protéine dystrophine impliquée dans la maladie de Duchenne (voir le dossier). Le document indique que le pourcentage d’inclusion de l’exon 78 chez une personne saine est quasiment de 100% ce qui signifie que la séquence de cet exon (en ARN) est présente dans toutes les molécules d’ARNm du gène DMD. Chez une personne atteinte de la DM1 le pourcentage d’inclusion de l’exon est de 10% environ ce qui indique que la grande majorité des ARNm du gène DMD chez les personnes DM1 ne possèdent pas la séquence de cet exon. Cela a des répercussions sur la séquence de la dystrophine. L’exclusion de l’exon 78 modifie le cadre de lecture de la fin de l’ARN messager induisant un codon stop plus tardif. La dystrophine a une queue terminale de 31 acides aminés au lieu de 13 lorsque l’exon 78 est présent. Cela entraîne un changement dans la conformation de la dystrophine contribuant à la faiblesse musculaire caractéristique de la DM1.

Dans les cellules DM1 traitées par la protéine MBNL1Δ, le pourcentage d’inclusion de l’exon 78 du gène DMD est de 80%, proche de celui d’une cellule « saine ». Cela signifie que cette protéine qualifiée de « leurre » a restauré les capacités d’épissage des cellules DM1. Cela n’est pas dû à une action directe de la protéine sur l’épissage des ARN pré-messagers car elle est dépourvue de la séquence des protéines MBNL1 assurant l’épissage, la maturation des ARN messagers. On arrive à la conclusion qu’elles rétablissent au moins partiellement un épissage normal en restaurant l’activité des protéines MBNL1.

4 - Modalités de l’action des protéines « leurre » MBNL1Δ.

Pour préciser la façon dont les protéines « leurre » peuvent influencer l’activité des protéines MBLN1, les chercheurs ont étudié l’évolution de plusieurs paramètres dans les cellules DM1 durant les 8 heures suivant l’induction de la production de protéines MBNL1Δ.

Le premier point est que conformément aux caractéristiques de leur séquence, ces protéines MBNL1Δ se lient aux ARNm des agrégats, traduisant une forte affinité pour les triplets CUG de ces ARNm. Ainsi, les deux types de protéines se lient aux mêmes ARNm mutés.

Le deuxième point est que celle liaison des protéines « leurre » s’accompagne d’une diminution de la quantité de protéines MBNL1 séquestrées par les ARNm. Les protéines MBNL1 et MBNL1Δ entrent en compétition vis-à-vis de la fixation aux triplets CUG des ARNm. Les protéines MBNL1Δ en quantité suffisante provoquent le relâchement des protéines MBNL1 par les ARNm mutés du gène DMPK.

On peut supposer que cela s’accompagne d’une restauration de la capacité d’épissage de ces protéines MBLN1 libérées et libres dans le nucléoplasme. Cela est testé par l’évolution de l’épissage de l’exon 78 du gène DMD au cours des 8 heures : il se rapproche de plus en plus de l’épissage trouvé dans les cellules musculaires « saines ».

Dans ce modèle cellulaire de la DM1, les protéines MBNL1Δ synthétisées in vitro par les chercheurs fonctionnent comme un leurre prenant la place des protéines endogènes MBNL1 séquestrées sur les agrégats nucléaires des ARNm. Ce faisant, les protéines MBNL1 libérées ont une activité d’épissage restaurée et les phénotypes moléculaires des cellules musculaires DM1 se rapprochent de la normalité.

B - Application locale de cette thérapie sur un modèle animal

Suite aux résultats positifs de la thérapie génique avec l’utilisation de protéines leurres sur un modèle cellulaire in vitro, les auteurs de cette recherche ont expérimenté pour voir si cette thérapie pouvait être efficace in vivo. Pour cela, comme c’est indiqué dans les données et questionnement, ils ont travaillé sur une souche de souris HSALR présentant les caractéristiques moléculaires et physiologiques de la DM1 humaine (pour simplifier, on la désigne par souris DM1) Ils ont utilisé un vecteur viral de thérapie génique AAV9 (virus adéno-associé) dans le génome duquel ils ont inséré la construction génique codant pour la protéine MBNL1Δ. Ils ont injecté ce vecteur dans un muscle gastrocnémien de souris DM1 et ainsi obtenu dans les cellules musculaires, la production de protéines MBNL1Δ. Sept semaines après l’injection, ils ont étudié le profil d’épissage de plusieurs gènes dans les cellules du muscle gastrocnémien traité ainsi que l’intensité de la myotonie de ce muscle.

1 - L’épissage de 3 gènes dans les cellules du muscle traité.

Le document 2A (données et questionnement) montre que pour les 3 gènes, l’épissage de l’exon étudié est différent dans les cellules musculaires des souris DM1 et les cellules des souris « saines ». Les souris DM1 traitées ont des cellules musculaires avec un profil d’épissage qui se rapproche de celui des cellules des souris saines. Ces résultats indiquent que la thérapie génique pratiquée remédie au moins partiellement aux anomalies d’épissage des cellules DM1 et a donc une certaine efficacité in vivo. Le cas du gène CLCN1 qui code pour une protéine canal chlore dans les cellules musculaires illustre l’intérêt de cette thérapie.

Chez les souris saines, les molécules d’ARN messager du gène CLCN1 sont dépourvues de l’exon 7a. Chez les souris DM1, l’exclusion de cet exon n’est pas totale et des ARNm de ce gène possèdent la séquence correspondante. L’inclusion de cet exon 7a entraîne l’apparition d’un codon stop anticipé prématuré aboutissant à la production d’une protéine CLCN1 (le canal chlore) tronquée, non fonctionnelle. De ce fait, l’anomalie d’épissage de ce gène chez les souris conduit à une perte de fonction du canal chlore musculaire, qui serait responsable de la myotonie.

2 - Action des protéines MBNL1Δ sur la myotonie des souris DM1.

L’intensité de la myotonie d’un muscle est traduite par le temps de relaxation de ce muscle. Plus il est long, plus le muscle a des difficultés à se relâcher après une contraction. Le document 2b indique que le temps de relaxation du muscle gastrocnémien de souris DM1 est nettement supérieur à celui d’une souris « saine ». Par contre, le temps de relaxation du gastrocnémien d’une souris ayant eu le traitement de thérapie génique est du même ordre que celui d’une souris saine. La thérapie par action d’une protéine leurre in vivo s’avère donc efficace vis-à-vis d’une caractéristique physiologique de la DM1 due à une anomalie d’épissage du gène CLCN1 .

3 - Une action durable.

Les auteurs de cette recherche ont voulu savoir pendant combien de temps les effets bénéfiques de cette thérapie in vivo persistaient. Pour cela, ils ont reproduit les mêmes études d’épissage et de détermination de l’intensité de la myotonie dans les muscles gastrocnémiens un an après avoir fait l’injection du vecteur AAV9 (virus adéno-associé) possédant l’information codant pour la protéine leurre. Ils ont obtenu les mêmes résultats. L’efficacité de ce protocole de thérapie vis-à-vis de la DM1 semble donc durable ce qui est très important pour une utilisation éventuelle en clinique humaine.

C - Efficacité par voie systémique de cette thérapie génique.

Au lieu d’injecter localement dans un muscle leur construction génique, les chercheurs ont poursuivi leurs travaux en l’injectant par voie systémique, donc dans la circulation générale. Ce faisant, les cellules de divers organes, pouvaient exprimer les protéines MBNL1Δ.

7 semaines après l’injection, ils ont étudié l’épissage de gènes dans les cellules des souris DM1 traitées. Le document de « données et questionnement » montre qu’on retrouve sur deux muscles, le gastrocnémien et le quadriceps, les mêmes données caractéristiques d’épissage que par injection locale. Cette thérapie génique semble pouvoir agir sur les défauts d’épissage de plusieurs cellules de l’orgnisme à la suite d’une restauration de l’activité des protéines MNBL1 endogènes. Cela se traduit aussi par la restauration des propriétés physiologiques des cellules comme l’illustre le document sur la myotonie.