Le glucose, le gène PDX1 et l'expression du gène de l'insuline
Le glucose, le gène PDX1 et l'expression du gène de l'insuline
Le programme demande de développer l'idée que le phénotype moléculaire d'une cellule dépend de son patrimoine génétique (donc des allèles des gènes qu'elle possède) et de la nature des gènes qui s'expriment sous l'influence de facteurs externes et internes variés.
Les cellules bêta du pancréas sont un excellent support pour introduire ces notions. En effet la synthèse et sécrétion de l'insuline est stimulée par un facteur externe, le glucose, et par un facteur interne la protéine codée par le gène PDX1. En outre, on connaît des mutations du gène PDX1 qui influencent l'expression du gène de l'insuline et sont à l'origine d'un phénotype particulier le phénotype MODY (Maturity-onset diabetes of the young).
1 - Le diabète MODY4 et le gène régulateur PDX1
A - Le Phénotype MODY4
Les diabètes MODY ou diabètes de l’adulte jeune sont caractérisés comme tous les diabètes par une glycémie à jeun supérieure à 1,26 g/l, donc une hyperglycémie, mais ils sont différents des diabètes de type1 et de type2. Ils sont détectés souvent à partir d’une analyse sanguine de routine, chez un adulte jeune, entre 20 et 30 ans. Ces diabètes MODY représentent environ 5% de tous les diabètes. Il en existe plusieurs types ; le MODY4 est un MODY très rare (1% de tous les diabètes MODY) avec un âge d’apparition un peu plus élevé (autour de 30-35 ans) que les autres diabètes MODY.
L’arbre généalogique ci-dessous illustre la fréquence de ce diabète au cours de plusieurs générations dans une famille.
D'après "Impaired Insulin Secretion and Increased Insulin Sensitivity in Familial Maturity-Onset Diabetes of the Young 4 (Insulin Promoter Factor 1 Gene)"; Diabetes. 2000 Nov;49(11):1856-64.
En noir individus atteints du diabète MODY avec indication de l'âge d'apparition. En blanc individus non diabétiques. En hachuré enfant né sans pancréas, présentant une déficience des fonctions pancréatiques digestives et diabétique.
Le fait que le phénotype MODY se retrouve dans toutes les générations alors que c’est un phénotype très rare dans la population témoigne du caractère héréditaire du phénotype. Il reste à préciser le modèle génétique rendant compte des observations faites dans l’analyse de ce cas familial. L’interprétation la plus simple est qu’un seul gène est en jeu et que l’allèle causant le phénotype MODY4 est dominant et l’allèle « normal » récessif.
Les élèves peuvent donc proposer des génotypes pour chacun des membres de cette famille. Les personnes atteintes de diabète MODY sont hétérozygotes et on peut supposer que l'enfant en V 1 est homozygote avec 2 allèles MODY.
B - Le gène en cause
Les chercheurs ont identifié ce gène désigné par l’abréviation PDX1 (Pancreatic and duodenal homeobox 1). C’est un gène situé sur le chromosome 13 ; il code pour une protéine de 283 acides aminés. Ce gène s’exprime en particulier dans les cellules bêta sécrétrices d’insuline du pancréas endocrine.
Le fichier de séquences des allèles de PDX1 chez les membres diabétiques et non diabétiques de cette famille (Famille MODY.edi) permet de tester le mode de transmission du phénotype proposé à partir de l’analyse de l’arbre généalogique. Tous les individus diabétiques sont bien hétérozygotes avec un allèle normal et un allèle muté dominant. L'enfant gravement atteint est homozygote avec 2 allèles mutés. On peut rechercher la nature de la mutation : il s’agit de la délétion d’une cytosine au codon 63. Elle entraîne un décalage du cadre de lecture au cours de la traduction de l’ARNm avec une séquence de 59 acides aminés avant l’arrêt de la traduction (codon stop anticipé). La figure ci-dessous est un extrait d'une comparaison simple de la protéine normale et de la protéine mutée. Elle montre que la protéine mutée est tronquée par rapport à la protéine normale.
L’allèle muté code donc pour une protéine non fonctionnelle. La dominance de l'allèle MODY est liée au fait que les cellules bêta des individus hétérozygotes produisent moins de protéine PDX1 que les individus possédant 2 allèles fonctionnels. La possession de 2 allèles mutés conduit à l'absence de développement du pancréas, ce qui révèle que le gène PDX1 joue un rôle crucial dans le développement de cet organe.
Tous les diabètes MODY sont des diabètes monogéniques contrairement aux diabètes de type 1 et 2, mais le gène en cause est différent d’un MODY à un autre.
C - Le gène PDX1 et son action sur la transcription du gène de l'insuline
Les chercheurs ont étudié les conséquences sur l’insulinosécrétion du génotype MODY4. Dans les conditions normales, l’intensité de l’expression du gène de l’insuline dépend des messages captés par les cellules bêta. Le glucose est un puissant stimulant de l’expression du gène de l’insuline et de la sécrétion de cette hormone. Les chercheurs ont donc comparé la réponse au glucose des cellules bêta des diabétiques et non diabétiques de cette famille.
Pour cela, ils ont utilisé la technique du clamp hyperglycémique. Il s’agit, grâce à des perfusions de glucose, d’élever par paliers la glycémie d’une personne. Outre la glycémie, on analyse l’évolution de l’insulinémie plasmatique suite à ces augmentations de la glycémie. Les graphiques ci-dessous illustrent les résultats obtenus.
D'après "Impaired Insulin Secretion and Increased Insulin Sensitivity in Familial Maturity-Onset Diabetes of the Young 4 (Insulin Promoter Factor 1 Gene)"; Diabetes. 2000 Nov;49(11):1856-64.
Glycémie durant le clamp hyperglycémie en 5 étapes de sujets Mody4 (NM) et de sujets non diabétiques (NN) ; Les lettres indiquent les paliers : A : glycémie à jeun, B ; A+5,6 ;C : B+2,8 ; D :C+2,8 ; E : D:+2,8 ; F:E+2,8 mmol/l ; Chaque palier dure une heure.
D'après "Impaired Insulin Secretion and Increased Insulin Sensitivity in Familial Maturity-Onset Diabetes of the Young 4 (Insulin Promoter Factor 1 Gene)"; Diabetes. 2000 Nov;49(11):1856-64.
Evolution de l’insulinémie plasmatique au cours du clamp hyperglycémique chez les personnes Mody4 et les non diabétiques aux différents paliers. insérée l'évolution de l'insulinémie 20 minutes avant et 20 minutes après la première perfusion. (Noter le changement d'échelle).
Comme prévu, on constate que la glycémie à jeun est supérieure chez les MODY4 à celle des non diabétiques. L'insert montre que l’insulinémie à jeun des diabétiques est inférieure à celle des non diabétiques. Et surtout, alors que l’insulinémie augmente nettement chez les non diabétiques avec l’élévation de la glycémie sous l'impact des perfusions, elle évolue peu chez les MODY4. Ceux-ci ont donc des cellules bêta qui répondent mal à l’augmentation de la glycémie. Il y a une défaillance dans l’augmentation de l’expression du gène de l’insuline et de la sécrétion de l’hormone chez les MODY4. La quantité de la protéine PDX1 synthétisée par les individus MODY4 est plus faible que celle des individus non diabétiques puisque les MODY4 possèdent un allèle non fonctionnel. Les données indiquent que cette diminution de la protéine PDX1 entraîne une diminution de l'expression du gène de l'insuline. PDX1 est donc une protéine codée par un gène qui agit sur l'expression d'un autre gène. C'est une caractéristique d'un facteur de transcription. Cette notion de facteur de transcription est essentielle pour la suite, notamment en classe terminale où on met l'accent sur l'importance des gènes homéotiques au cours de l'évolution. Or, tous les gènes homéotiques codent pour des facteurs de transcription qui agissent sur l'expression d'autres gènes en se fixant sur leur séquence régulatrice .
D - Interaction entre glucose et protéine PDX1 dans l'expression du gène de l'insuline
Le glucose, facteur externe à la cellule bêta, stimule l'expression du gène de l'insuline ; la protéine PDX1, facteur de transcription intracellulaire, stimule également l'expression du gène de l'insuline. Il reste à préciser l'interaction entre ces deux facteurs dans l'expression du gène de l'insuline.
La figure ci-dessous représente de façon très simplifiée les modalités de l’action du glucose sur l’expression du gène de l’insuline.
D'après "Transcriptional Regulation of Metabolism". Physiol Rev. 2006 Apr;86(2):465-514.
Le glucose qui a pénétré dans la cellule béta par un transporteur membranaire (mglut2/hGlut1) n’active pas directement la transcription du gène de l’insuline. Le glucose par l'intermédiaire de l'enzyme P13K entraîne une modification du facteur de transcription PDX1 (phosphorylation de la protéine) qui facilite sa liaison aux sites activateurs de la région régulatrice du gène de l’insuline. La transcription de ce gène est ainsi stimulée.
Le gène PDX1 joue donc un rôle crucial dans la stimulation de la transcription du gène de l’insuline initiée par le glucose.
Cet exemple illustre le fait que l'activité d'un gène n'est pas isolée au sein de la cellule mais dépend de l'action d'autres gènes par l'intermédiaire des facteurs de transcription codés par ces gènes.
Comme l'illustre cette représentation plus complète, on voit que de multiples facteurs de transcription contrôlent l'expression du gène de l'insuline. Ce dernier est un gène effecteur à l'extrémité d'un réseau de gènes