Approche historique 8 - Passage du proto-oncogène à l'oncogène
8 - Passage du proto-oncogène à l'oncogène
1 - De multiples oncogènes rétroviraux
La longue histoire des recherches sur le virus du sarcome de Rous a donc débouché sur l’existence d’un oncogène, le v-src, dans le génome du virus, oncogène qui a pour origine un proto-oncogène, le c-src, présent dans le génome de toutes les cellules du Poulet mais aussi de tous les vertébrés. L’oncogène est une forme mutée du proto-oncogène et c’est cette mutation qui rend la cellule cancéreuse.
La découverte du proto-oncogène c-src a déclenché à la fin des années 70 et au début des années 80 de nombreuses recherches sur les autres rétrovirus connus pour provoquer des cancers chez les animaux, en particulier chez les rongeurs, souris et rats. Ces travaux ont conduit à l’identification d’autres oncogènes que v-src chez ces virus ainsi qu’à celle des proto-oncogènes cellulaires dont ils sont issus.
Un des oncogènes viraux le plus étudié a été l’oncogène Kras qui cause un cancer chez le rat et la souris. Dès 1982 on a déterminé la séquence nucléotidique de cet oncogène ainsi que celle du proto-oncogène du rat, qui est son pro-géniteur.
Document « Passage du proto-oncogène à l'oncogène ». Point 1
Exploitation
La comparaison de leurs séquences révèle une forte homologie (7 différences ponctuelles). L’oncogène viral dérive donc du proto-oncogène cellulaire à la suite de 7 mutations ponctuelles.
Tous deux codent pour une protéine, appelée p21, qui comprend 189 acides aminés. Les deux protéines P21, l’oncogénique virale et la pro-oncogénique cellulaire du rat, ne diffèrent que par 4 acides aminés. Les deux protéines activent la prolifération cellulaire.
La protéine pro-oncogénique oscille entre deux états, l’un actif (lors de l’activation d’un récepteur membranaire par un signal) l’autre inactif. La protéine oncogénique virale, est constamment active et c’est une conséquence des différences ponctuelles qu’elle a par rapport à la protéine pro-oncogénique. Il en résulte que cette protéine oncogénique active en permanence la prolifération cellulaire. On retrouve ici la même idée que pour le gène src : la protéine oncogénique a des propriétés différentes de la protéine pro-oncogénique de par sa capacité d'activation permanente de la prolifération cellulaire.
L’étude des cancers rétroviraux a donc enrichi l’éventail des oncogènes viraux (une trentaine ont été identifiés dès le milieu des années 80) et des proto-oncogènes cellulaires. Ainsi, on commençait à découvrir la panoplie des gènes cellulaires ayant le potentiel de devenir causes de cancers.
2 - Devenir un oncogène sans l’intervention d’un virus
Les chercheurs ont ensuite expérimenté pour voir si un proto-oncogène pouvait être transformé en oncogène sans intervention d'un virus mais sous l'action d'agents, notamment chimiques, connus pour être cancérigènes.
Document « Passage du proto-oncogène à l'oncogène ». Point 2
Exploitation
Le protocole expérimental (expérience de transfection) est semblable à celui utilisé pour étudier l'activité oncogénique du virus du sarcome de Rous mais en remplaçant le virus par de l'ADN extrait de cellules cancéreuses.
Les chercheurs ont constaté qu’il apparaissait dans cette culture cellulaire des foyers constitués par des cellules cancéreuses. Sous l’action du seul ADN extrait de cellules cancéreuses, certaines des cellules saines de la culture étaient devenues des cellules cancéreuses. La même expérience avec de l’ADN extrait de cellules saines n’avait aucun effet sur les cellules en culture. Cela montrait bien que le cancer était une maladie génétique et que sans intervention d’un virus, les cellules cancéreuses d&rsrsquo;où on avait extrait l’ADN, possédaient dans leur génome au moins un oncogène. Cet oncogène devait provenir de la mutation d’un proto-oncogène cellulaire causé par le mutagène chimique.