Le virus du sarcome de Rous et les cellules en culture
1 - Le virus du sarcome de Rous et les cellules en culture
Ce n'est que plus de 60 ans après la découverte de l'origine virale du sarcome de Rous que le mécanisme par lequel le virus RSV (Rous Sarcoma Virus) déclenche un cancer chez le Poulet sera élucidé. C'est l'introduction d'une nouvelle technique qui s'est révélée une piste prometteuse.
Durant la fin des années 50, Rubin et Temin, deux virologues, ont mis au point un milieu de culture permettant d’obtenir le développement dans des boîtes de pétri, de cellules de la peau, des fibroblastes, prélevées sur un embryon de Poulet. La figure ci-dessous montre une observation microscopique d’une telle culture.
D'après : Cancer cells in culture
Ils ont alors ajouté à de telles cultures une suspension de virus du sarcome de Rous. La figure (A) ci-dessous montre deux boîtes de Pétri. Celle de droite est avec un apport viral dilué 10 fois par rapport à celle de gauche. Chaque point représente un foyer d’infection. En (B) figure une observation en microscopie électronique d’un tel foyer.
D'après : Robin A. Weiss et Peter K. Vogt : 100 years of Rous sarcoma virus. JEM vol. 208 no. 12 2351-2355. 2011
Cette technique a permis d'étudier la biologie du virus RSV de façon approfondie. Les chercheurs ont ainsi trouvé que les cellules de la peau en culture produisaient des particules virales (ou virions) qui étaient libérées dans le milieu. Cependant, cette reproduction du virus à l'intérieur des cellules parasitées n'entraînait pas la mort des cellules.
2 - Une autre caractéristique des cellules cancéreuses révélée par la technique des cellules en culture
En 1951, Henrietta Lacks, consulta à l’hôpital Johns Hopkins de Baltimore (USA) où il fut diagnostiqué qu’elle souffrait d’un cancer du col de l’utérus. L’hôpital avait un laboratoire de recherches biologiques dirigé par le docteur George Gey. Son équipe essayait de mettre au point des protocoles de culture de cellules humaines, mais sans succès, comme toutes les autres équipes dans le monde. Inexorablement, les cellules cessaient de se diviser au bout d’un temps plus ou moins long et mouraient. Le médecin qui opéra Henrietta Lacks de son cancer fit des prélèvements de sa tumeur et les transmis au laboratoire de Gey. Ce dernier fit alors une culture de ces échantillons en utilisant, notamment, un milieu de culture mis au point précédemment. Ces prélèvements et leur mise en culture l’avaient été sans demander le consentement d’Henrietta Lacks, qui mourut de son cancer quelques mois plus tard.
Rebecca Skloot a consacré un livre « La vie immortelle d’Henrietta Lacks » à cette histoire médicale. Elle relate ainsi les essais de mise en culture des cellules cancéreuses d’Henrietta Lacks : " Non seulement les cellules d’Henrietta survivaient, mais elles se développaient à une vitesse prodigieuse… Le volume des cellules filles doublait toutes les 24 heures ; elles s’empilaient par centaines sur des centaines d’autres, s’accumulaient par millions. Elles poussaient comme du chiendent. Tant qu’elles étaient nourries et maintenues au chaud, les cellules cancéreuses d’Henrietta semblaient impossibles à arrêter."
Les cellules cancéreuses d’Henrietta furent appelées Cellules HELA par l’équipe de Gey en prenant les initiales du prénom et du nom. Elles furent distribuées à tous les laboratoires du monde. Des sociétés privées se spécialisèrent dans leur culture pour répondre aux besoins de la communauté scientifique, réalisant ainsi d’importants profits sans que la famille Lacks en profite. On estime à au moins 20 tonnes la masse de cellules HELA ayant été produites à partir des cellules initiales d’Henrietta. Ces cellules ont été utilisées pour des recherches dans de nombreux domaines, la première d’entre elles, en 1952 ayant contribué à la mise au point du vaccin Salk contre la polio, et nécessité la mise au point de cultures à l’échelle industrielle.