Le système immunitaire du tube digestif et sa tolérance
Le tube digestif : une zone de contact avec l'extérieur
Les trois portions de notre tube digestif; estomac, intestin grêle et gros intestin, présentent une structure similaire : un épithélium constitué d'une seule couche cellulaire recrouvre un tissu conjonctif riche en vaisseaux sanguins et lymphatiques. Cet épithélium constitue une interface avec le "milieu extérieur", notre tube digestif étant ouvert sur ce monde extérieur à ces deux extrêmités.
La surface de cet épithélium est fortement augmentée grâce à ses nombreuses villosités et on l'estime à 300 m2, ce qui est sans commune mesure avec celle de la peau (1.5 m2).
Le tube digestif est donc la plus grande interface que présente notre organisme avec le milieu extérieur qui est constitué ici par le bol alimentaire et de nombreux micro-organismes, dont certains sont des "permanents" de notre corps avec lequel ils vivent en commensaux (commensalisme)
Tous ces éléments, qu'il s'agisse des aliments ou des micororganismes, représentent des corps étrangers pour l'organisme et notre système immunitaire réagit vis à vis de ces derniers, comme on peut l'observer dans les cas d'allergies alimentaires.
Il s'ensuit donc un paradoxe:
comment pouvons-nous , la majorité du temps, tolérer les aliments indispensables à notre survie alors que ceux-ci sont des corps étrangers pour notre organisme???
Les antigènes et les acteurs de la défense immunitaire
Dans la lumière du tube digestif les aliments sont en cours de fragmentation moléculaire. Les protéines qui pourraient constituer des antigènes identifiables par notre système immunitaire sont dégradées en acides aminés qui ne sont pas allergéniques. Cependant des protéines alimentaires peu ou pas dégradées peuvent traverser l'épithélium et devenir alors des sources d'allergènes potentiels.
L'autre source d'allergènes et constituée par les micro-organismes présents dans la lumière du tube digestif, et constituant sa "flore".
La flore dite commensale est constituée de bactéries qui ont colonisé très tôt le tube digestif de l'individu (voir l'origine de la flore commensale). Ces bactéries sont peu nombreuses au niveau de l'estomac et du duodenum car elles sont détruites par l'acidité gastrique et les sels biliaires, mais leur nombre augmente dans la partie basse de l'intestin et est très important dans le colon où celles trouvent des conditions favorables à leur implantation (bactéries anaérobies). On estime le nombre de ces bactéries à 1014 , elles sont ainsi 10 fois plus nombreuses que l'ensemble des cellules de l'organisme.
Outre ces bactéries non pathogènes, la lumière du tube digestif abrite des micro-organismes pathogènes comme des virus ou des bactéries. Ils peuvent perturber la fonction de digestion de l'intestin ou pénétrer dans l'organisme et perturber celle d'autres organes. Comme pour les micro-organismes de la flore commensale, ce sont les éléments de leur paroi qui représentent des allergènes pour l'individu.
Les cellules immunitaires qui , dans le tube digestif, constituent le premier rempart de défense sont les polynucléaires et les monocytes qui établissent une réponse immunitaire innée , peu spécifique. Ils sont rapidement recrutés dans les tissus infectés et détruisent les bactéries en les phagocytant ou en produisant des substances qui les tuent.
Cette réponse innée est relayée par une réponse plus spécifique déclenchée par les cellules dendritiques, les principales cellules présentatrices d'antigènes. Elles sont postées en sentinelle dans les tissus. Au niveau du tube digestif on les trouve dans les plaques de Peyer, ces ganglions riches en cellules immunitaires de la paroi intestinale, et juste sous l'épithélium. Elles sont capables d'entrer en contact avec les micro-organismes de la lumière intestinale, grâce aux prolongements qu'elles émettent à travers l'épithélium intestinal, ou avec les protéines alimentaires ayant traversé cet épithélium. Elles captent les micro-organismes et les protéines puis les digèrent en fragments ou peptides qui sont ensuite associés aux molécules d'histocompatibilité et exposés à leur surface. Les cellules dendritiques ainsi chargées des allergènes migrent vers les ganglions lymphatiques (plaques de Peyer) où elles présentent ces peptides antigéniques aux lymphocytes T.
L'acquisition de la tolérance
On connait deux fonctions importantes au système immunitaire intestinal.
La première concerne la fabrication d’anticorps qui se déclenche lorsque notre tube digestif est en contact avec des bactéries, virus ou parasites dangereux, souvent responsables de diarrhées.
La deuxième fonction concerne, au contraire, le blocage de la quasi-totalité des réactions immunitaires envers les protéines alimentaires, phénomène essentiel pour la nutrition.
Cette deuxième fonction exercée par le système immunitaire intestinal, qui est donc d’empêcher les réactions immunitaires de se produire vis-à-vis des aliments, s’appelle « la tolérance orale » (tolérance aux aliments).
Dès 1970 les immunologistes ont montré ce phénomène chez la souris. Quand on administre par voie orale une protéine à une souris, des anticorps contre cette protéine sont détectés de façon transitoire dans le sang de cet animal. Après plusieurs ingestions de cette même protéine, les anticorps dispraissent du sang et ne sont plus jamais refabriqués lors de la consommation ultérieure de cet antigène. Les réactions immunitaires contre cet antigène sont "éteintes", c'est ce que l'on appelle tolérance.
Comment cette tolérance se met-elle en place ?
La microflore intestinale acquise au cours de la petite enfance est impliquée dans cette tolérance. Elle permet la maturation du système immunitaire avec une tolérance vis-à-vis de notre propre microflore, qui joue un rôle important pour la tolérance des protéines alimentaires (évite les allergies alimentaires).
En cas de prise répétée d’antibiotiques on détruit cette micro-flore. Par contre l’ingestion de probiotiques permet de l’enrichir de bactéries non pathogènes qui vont entrer en compétition avec d’éventuelles bactéries pathogènes, et augmenter la tolérance du système immunitaire intestinal.
Actuellement, des lactobacilles proches de L. bulgaricus sont utilisés en association avec les bactéries du yaourt, dans des produits laitiers probiotiques.
Electronographie de bactéries du yaourt : lactobacillus bulgaricus (forme de batonnet) et streptococcus thermophilus (forme de chapelet). |
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Flore commensale et maturation du système immunitaire intestinal
Allergie alimentaire et déséquilibre des voies Th1 et Th2
- Sources de la page:
L’allergie alimentaire http://www.passeportsante.net/fr/Ma...
Allergie ou intolérance alimentaire http://www.immuno-nutrition.com/int...
L’aliment peut-il agir sur nos défenses immunitaires ? http://www.caducee.net/DossierSpeci...
- Pour aller plus loin
MICI et dysfonction immunitaire http://www.afa.asso.fr/presse/604mcrIm.htm
A l'occasion d'une mise au point sur deux maladies inflammatoires chroniques intestinales (MICI), la maladie de Crohn (MC) et la recto-colite hemorragique (RCH), on trouvera sur cette page des notions fondamentales sur le système immunitaire du tube digestif.
Probiotiques et MICI: faut-il y croire http://www.afa.asso.fr/presse/707miciPro.htm
Avec des résultats d'études cliniques de l'effet des probiotoqiues sur les maladies chroniques de l'intestin
- Pour faire travailler les élèves...
Résistances des bactéries aux antibiotiques http://svt.ac-rouen.fr/spip/article.php3?id_article=12