Enquête sur la place du modèle dans l’enseignement des sciences de la Terre en classe de seconde
Ce travail s’inscrit dans le cadre des travaux de notre équipe qui visent à identifier la place du modèle et des activités de modélisation dans l’enseignement des sciences de la Terre. Nous renvoyons à nos précédentes publications les lecteurs qui souhaiteraient prendre connaissance de ces travaux.
La présente enquête a donné lieu à la mise en ligne d’un questionnaire qui demandait aux personnes interrogées de juger de la pertinence de 7 propositions d’activités-élèves pour le chapitre « dynamique des enveloppes terrestres » du programme de sciences de la vie et de la Terre de la classe de seconde. Nous demandions également d’indiquer si les activités proposées étaient mises en œuvre dans la classe des personnes interrogées. Cette enquête s’est déroulée durant le mois de mars 2006. Les résultats sont consultables sur :
http://acces.inrp.fr/acces/dossiers/enquetes/resultat
Le premier constat que nous faisons est le nombre important de personnes qui ont répondu à cette enquête (420) dont 95,5 % enseignent ou ont enseignés les sciences de la vie et de la Terre en classe de seconde.
Nous indiquons ici quelques commentaires préliminaires concernant les réponses de ces enseignants .
Proposition 1 : Demander aux élèves de manipuler de manière à obtenir des résultats relatifs au mécanisme de l’effet de serre
C’est la proposition jugée pertinente par le plus grand nombre d’enseignants de SVT (81,3%) et c’est aussi celle qui est le plus souvent mise en œuvre dans la classe (71,6%). Peu d’enseignants qui jugent cette activité pertinente ne la réalisent pas dans leur classe. On retrouve ici l’importance que les enseignants accordent à la manipulation dans leur enseignement alors même que le thème choisi pose problème du point de vue de l’obtention de résultats dans le cadre d’une activité de classe car la modélisation de l’effet de serre est difficile techniquement et le plus souvent peu satisfaisante scientifiquement.
Proposition 2 : Demander aux élèves de concevoir un montage permettant de vérifier que le CO2 est bien impliqué dans l’effet de serre
Là encore, cette activité est jugée pertinente pas un grand nombre d’enseignants (73,1%). Pourtant ils sont beaucoup moins nombreux à la mettre en œuvre dans la classe (28,2%). C’est cette proposition qui recueille l’écart le plus important entre le pourcentage d’enseignants jugeant l’activité pertinente et le nombre qui la mette en œuvre dans la classe. Nos résultats n’apportent pas d’éléments permettant d’expliquer cet écart mais à titre d’hypothèse nous pouvons dire que les enseignants subissent des contraintes, en particulier du point de vue du temps disponible, qui les conduisent à organiser peu d’activités de construction de protocole dans la classe alors même qu’ils semblent juger ce type d’activité intéressant du point de vue des apprentissages.
Proposition 3 : Pour commencer l’étude de ce thème, donner aux élèves un schéma décrivant les différents facteurs et mécanismes impliqués dans l’effet de serre et leur demander d’indiquer ce qu’il faudrait vérifier expérimentalement pour que le schéma soit jugé correct
Cette activité dont la pertinence est placée au dernier rang (43,9%), n’est pas pour autant rejetée complètement C’est aussi l’activité la moins mise en œuvre dans la classe (11%). Les enseignants ne semblent, pour la plupart d’entre eux, pas favorables à l’idée de rendre explicite, dès le début de l’étude d’un thème, le modèle scientifique sur lequel les élèves travaillent. Il est donc probable que le scénario qui prévaut majoritairement dans la classe est celui pour lequel le modèle scientifique est « caché » aux élèves. Les différentes activités qui seront conduites aurons alors pour objectif de le « reconstruire ». La nature implicite du modèle pose problème au regard de la démarche conduite par le géologue. Le travail d’investigation qu’il conduit l’amène à expliciter aussi clairement que possible les modèles qu’il utilise afin de les confronter aux observations qu’il réalise. Force est de constater que ce n’est généralement pas la démarche que les enseignants adoptent avec leurs élèves.
Proposition 4 : Demander aux élèves de proposer des hypothèses qui permettraient d’expliquer l’augmentation de la température du globe mesurée par les climatologues
La pertinence de cette activité est relevée par une grande majorité d’enseignants (81,8%). Néanmoins, ils sont moins nombreux à mettre cette activité en œuvre dans la classe (55,9%). Là encore, on peut, à titre d’hypothèse, évoquer des contraintes en terme de temps disponible. Il faut aussi évoquer le fait que les hypothèses sont contenues dans les modèles scientifiques et que, dès lors que les modèles en jeu sont implicites, formuler une hypothèse devient une activité très difficile à réaliser.
Proposition 5 : Utiliser des résultats expérimentaux, des observations, des mesures pour construire, avec les élèves, un schéma permettant de représenter les différents facteurs et mécanismes impliqués dans l’effet de serre
C’est l’activité qui obtient le score le plus élevé du point de vue de sa pertinence (87,8%) et le second rang (61,1%) du point de vue de sa mise en œuvre dans la classe. C’est le modèle d’enseignement qui semble le mieux partagé : conduire les élèves à accumuler des résultats d’observation ou de mesure qui leur permettront de se construire un modèle de l’effet de serre. Ce résultat semble renforcer des résultats obtenus lors d’une enquête antérieure. Le modèle semble perçu, par la majorité des enseignants, comme un objectif d’enseignement plutôt que comme un outil d’investigation.
Proposition 6 : Fournir aux élèves un schéma représentant les différents facteurs et mécanismes impliqués dans l’effet de serre ainsi que différentes données (mesure, résultats expérimentaux, observations…) et demander aux élèves en quoi ces données corroborent ou infirment le schéma proposé
Cette activité jugée plutôt pertinente par les enseignants (65,1%) n’est néanmoins pas réalisée dans la majorité des classes (26,9%) alors que ce type d’activité a donné lieu à un sujet de baccalauréat (session 2004 de la série S). La formulation de la question ne permet pas de savoir si ce rejet est lié à l’explicitation du modèle ou à l’activité de confrontation des données au modèle qui est proposée.
Proposition 7 : A partir d’un schéma représentant les différents facteurs et mécanismes impliqués dans l’effet de serre, et de mesures données aux élèves sur l’évolution du CO2 atmosphérique au cours du temps, leur demander de prévoir l’évolution future possible de la température sur la Terre
Cette proposition visait à tester l’accord des enseignants pour la mise en œuvre de la fonction prédictive du modèle par les élèves. Les scores sont assez élevé du point de vue de la pertinence (70,6% des enseignants jugent cette activité pertinente) mais beaucoup plus faible du point de vue de sa mise en œuvre dans la classe (40,8% la réalisent). Cette fonction du modèle semble relativement peu prise en compte dans les activités qui sont réalisées en classe.
Ces résultats très partiels permettent néanmoins de souligner deux aspects du statut du modèle dans l’enseignement des sciences de la Terre :
Le type d’enseignement qui semble dominer est celui de la construction progressive d’un modèle scientifique à partir de résultats obtenus lors d’activités pratiques dans la classe. Le statut du modèle généralement retenu dans la classe ne semble pas de nature à lui permettre de jouer son rôle d’outil pour conduire une démarche d’investigation.
Le statut que les enseignants attribuent majoritairement au modèle dans les activités qu’ils organisent dans la classe ne semble pas uniquement lié à un manque de formation épistémologique. Certaines fonctions du modèle semblent assez largement reconnues mais elles sont peu mises en œuvre en raison de contraintes qui restent à préciser.
Cette enquête a été conduite par :
Valérie Fontanieu (valerie.fontanieu@inrp.fr)
Michèle Prieur (michele.prieu@inrp.fr)
Eric Sanchez (eric.sanchez@inrp.fr)