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Rétinotopie des aires visuelles chez l'homme

Par fjauzein — Dernière modification 25/08/2024 14:38

Nos connaissances sur le système visuel chez l'homme sont basées essentiellement sur des observations neuropsychologiques (observation sur des patients présentant des lésions du système visuel) et sur des extrapolations d'observations faites en électrophysiologie chez le singe macaque. des données précises concernant la délimitation des aires visuelles dites "de bas niveau d'intégration" (aires V1, V2, V3) ont pu être obtenues par une méthode particulière d'IRMf.

Rétinotopie des aires visuelles: principes généraux

Les relations spatiales que les cellules ganglionnaires entretiennent entre elles au sein de la rétine, sont préservées au niveau de leurs cibles centrales. Les structures visuelles centrales présentent donc une représentation ordonnée, ou "carte" de l'espace visuel.

La partie de l'espace visuel que voit chaque oeil constitue son champ visuel.
A des fins descriptives on divise chaque rétine et son champ visuel en quadrants. La surface de la rétine est divisée par une ligne horizontale et une verticale se croisant au centre de la fovéa. La ligne verticale divise la rétine en champ nasal et champ temporal, la ligne horizontale divise la rétine en champ supérieur et champ inférieur. Dans l'espace visuel ces lignes se croisent au point de fixation (point de l'espace visuel situé dans l'alignement de la fovea) et délimitent les quadrants du champ visuel. La passage des rayons lumineux émanant d'un objet, à travers les milieux transparents de l'oeil, inverse les images des objets du champ visuel sur la surface d ela rétine, dans le sens bas-haut et droite-gauche. Les objets de la partie temporale sont vus par le champ rétinien nasal et ceux de la partie supérieur du champ visuel par le champ rétinien inférieur.

La structure fondamentale de la rétinotopie est relativement simple. Du fait de la séparation au niveau du chiasma optique des nerfs optiques provenant des parties gauches et droites des deux rétines, l’hémisphère gauche reçoit une information uniquement de l’hémi-champ visuel droit et l’hémisphère droit reçoit une information uniquement de l’hémi-champ visuel gauche (ce qui correspond pour chaque hémisphère, à des informations en provenance des deux yeux).

Avec les deux yeux ouverts, les deux fovea ont normalement pour cible un même point de l'espace visuel de sorte que les champs visuels des deux yeux se recouvrent. Ce champ de vision binoculaire consiste en deux hémichamps visuels symétriques, l'un droit, l'autre gauche. Chaque hémichamp visuel comprend le champ nasal de l'oeil contralatéral et le champ temporal de l'oeil ipsilatéral. Les champs visuels temporaux étant plus étendus que les champs visuels nasaux, la vision de la périphérie du champ visuel est purement monoculaire.

Oeil_champs_cerveau_(FF).jpg
Figure 1. Champs, voies visuelles et aire visuelle primaire

Au sein des aires visuelles rétinotopiques de plus bas niveau; V1, V2, V3, VP=V3ventral, V3A, V4v (v = ventral), la fovéa est représentée proche du pôle occipital, alors que les régions excentrées, périphériques, sont projetées sur les parties plus antérieures de la surface corticale, la coordonnée d’excentricité étant donc « encodée » dans la direction postéro-antérieure.
La coordonnée d’angle polaire se trouve représentée au sein de ces aires de façon à créer avec la représentation de l’excentricité un système de coordonnées approximativement orthogonales localement. Les limites entre ces aires coïncident avec les représentations des méridiens verticaux et horizontaux.

L’aire visuelle primaire V1 contient une représentation de l’hémi-champ controlatéral.
Cette aire est localisée tout au long d’une scissure particulière située au sein du pôle occipital du cerveau : la scissure calcarine. Voir l'organisation de l'aire V1

Pour analyser la rétinotopie de manière quantitative, on définit un système de coordonnées dans le champ visuel. Les coordonnées les plus adaptées au système visuel sont des coordonnées polaires (r,a). On caractérise alors une position dans le champ visuel par son excentricité r par rapport au centre du regard et par son angle polaire a, mesuré par exemple par rapport au méridien vertical inférieur.

RetinotopieMacaque.jpg  
Figure 2: Organisation rétinotopique de l'aire visuelle droite chez le macaque  

Rétinotopie de l'aire V1


Au sein de l’aire V1, le méridien horizontal se trouve projeté le long du fond de cette scissure et les quarts de champ visuel supérieur (et inférieur) sont représentés sur les parties inférieure, (respectivement supérieure), de la scissure calcarine.
Le méridien vertical est représenté aux limites entre l’aire visuelle primaire et les deux parties de l’aire V2 qui entourent l’aire V1, de part et d’autre de la scissure calcarine. La représentation du champ visuel dans la surface corticale est lisse, même à travers les frontières entre les aires visuelles. Ainsi, l’angle polaire représenté au sein de l’aire V2, proche de la limite avec l’aire V1, correspond également au méridien vertical.

Croquis représentant la face interne de l'hémisphère gauche et la projection du champ visuel droit sur l'aire V1gauche Figure 3. Croquis représentant la face interne de l'hémisphère cérébral gauche humain et la projection du champ visuel droit sur l'aire V1 gauche
La scissure calcarine qui court dans les aires visuelles a été artificiellement soulignée de façon à mieux représenter la topographie du demi-champ visuel droit, celui-ci étant développé dans la partie droite du croquis.
La région centrale de la rétine jusqu'à 10° d'angle visuel occupe une large zone de l'aire striée au niveau du pôle postérieur, elle est la zone la plus sensible du fond de l'oeil. La ligne pointillée la plus externe représente la limite supérieure, inférieure et temporale du champ visuel droit et celle qui court à l'intérieur de ce champ, la limite nasale du champ visuel gauche
 

La carte rétinotopique est souvent déformée, ceci est lié au fait que l'espace visuel n'est pas uniformément échantillonné au niveau de la rétine, en effet le nombre de champs photorécepteurs est plus important dans la partie centrale (fovea). Il ya sur-représentation, dans la plupart des structures cibles de la rétine, de la région centrale; on parle de magnification.

 

Rétinotopie des aires visuelles: méthode IRMf rétinotopique

Toutes les aires visuelles (de bas niveau d'analyse) présentent une rétinotopie. Chez l'homme celle-ci peut être étudiée par IRMf, lors de l'observation de mires.

Les stimuli visuels utilisés en IRMf rétinotopique (ou IRMf Fourier) sont conçus pour encoder la position dans le champ visuel par un décours temporel spécifique. On utilise des stimuli périodiques parcourant lentement le champ visuel. Ce sont soit des anneaux concentriques en expansion ou en contraction et centrés sur le point de fixation, soit un seul ou deux secteurs opposés tournant auotur du point de fixation. Ils associent chaque position dans le champ visuel (défini par ses coordonnées polaires r=distance au centre et alpha = angle) à un délai qui est la phase de réponse fonctionnelle au stimulus. Cette phase est déterminée par une analyse de Fourier d'où le nom de cette méthode.

L'information concernant la phase qui est récupérée à l'issue de l'IRMf doit être traitée pour être interprétable comme une activation d'une surface corticale. Toutes les zones activées par ce type de stimulus sont des aires visuelles. On peut obtenir une représentation de cette surface en 3D, mais elle pose encore des difficultés d'interprétation car une grande partie des aires visuelles est "cachée" dans les sillons.

 

Information focntionnelle visuelle calquée sur une représentation surfacique 3D du pôle occipital

Figure 4. Information focntionnelle visuelle calquée sur une représentation surfacique 3D du pôle occipital

Une stimulation de l'hémichamp droit par secteur tournant a été réalisée, la phase de reponse des différentes zones a été enregistrée et reportée sur une surface 3D du pôle occipital de l'hémisphère cérébral gauche. La représentation des quarts-champs visuels inférieur (rouge) et supérieur (bleu) de l'aire V1 gauche est bien visible de part et d'autre de la fissure calcarine.

On peut rendre cette surface plane soit en gonflant ce cerveau, soit en segmentant cette surface corticale dans un volume morphologique puis en représentant cette surface corticale sur une surface plane, comme ci-dessous.

 

Représentation en 2D de l''activation des aires visuelles par une mire constituée d'anneaux en expansion
Représentation en 2D de l''activation des aires visuelles par une mire constituée de secteurs tournants
Figure 5. Représentation en 2D de l''activation des aires visuelles par une mire constituée d'anneaux en expansion Figure 6. Représentation en 2D de l''activation des aires visuelles par une mire constituée de secteurs tournants
On peut ainsi obtenir une délinéation, sur la surface corticale, des aires visuelles de bas niveau (celles qui présentent une rétinotopie).
 
Délimitation des différentes aires visuelles par IRMf rétinotopique

Figure 7. Délimitation des différentes aires visuelles par IRMf rétinotopique

La rétinotopie au sein de l’aire V2 est séparée en deux quarts de champ, les aires V2d (dorsal) et V2v (ventral) représentant les quarts de champ controlatéral inférieur et supérieur, respectivement.
La représentation de l’angle polaire au sein de l’aire V2 est inversée par rapport à celle de l’aire V1, de manière à ce que la limite entre les aires V2d et V3 (au niveau dorsal par rapport à la scissure calcarine), et la limite entre les aires V2v et VP (au niveau ventral par rapport à la scissure calcarine), représentent le méridien horizontal.
Les aires V3 et VP sont de type quart de champ, tout comme les aires V2d et V2v, avec une représentation de l’angle polaire qui est une nouvelle fois inversée par rapport à celle des aires voisines V2d et V2v.

Attention les aires visuelles sont orientée sur cette image de façon opposée aux précédentes: les aires V1 sont ici vers l'extérieur alors qu'elles étaient vers l'intérieur dans les figures 5 et 6.

Pour aller plus loin sur le sujet de l'IRMF rétinotopique

  • "Utilisation de l'IRMf pour l'étude du fonctionnement du cerveau, application à la vision,"  une conférence de Michel Dojat
    (UM 549 Inserm-UJF, Neuroimagerie fonctionnelle et métabolique Université Joseph Fourrier, BP 53, 38041 Grenoble Cedex 09)
    Voir l'enregistrement vidéo en bas débit ou en haut débit (avec le logiciel Realplayer) et télécharger la présentation.