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Voies visuelles afférentes, traitement de l'information visuelle et pathologies

Par jauzein — Dernière modification 25/08/2024 14:23

Les mécanismes impliqués dans le traitement de l'information visuelle au niveau cérébral, ont été étudiés (notamment par Sami Zéki) comme l'exemple permettant d'accéder aux principes de base du fonctionnement du cerveau.

La conception moderne du cortex visuel ne s'est développé que depuis une trentaine d'années. Les premiers neurologues, à la fin du XXème siècle, supposaient que les objets transmettaient des codes visuels par la lumière qu'ils émettaient ou réfléchissaient. Ils pensaient que l'image "s'imprimait" sur la rétine comme sur une plaque photographique et, qu'une fois transmises au cortex visuel, ces "impressions" y étaient décodées, ce décodage conduisant à la vision.
La compréhension de ce qui est vu, c'est à dire l'élaboration du sens donné aux "impressions" et leur traduction en objets visuels semblait être un phénomène particulier résultant de comparaison de ces impressions avec d'autres impressions similaires perçues antérieurement. Cette conception du fonctionnement cérébral a été admise jusque dans les années 1970, elle était plus philosophique que neurologique et séparait la sensation de la compréhension, en supposant chacune de ces fonctions assurée par une région différente du cerveau.

C'est l'étude des aires corticales d'association (le cortex visuel d'association, aujourd'hui renommé cortex préstrié, est constitué de plusieurs aires corticales séparées de l'aire V1 par l'aire V2) qui a finalemnt infirmé cette conception dualiste de l'organisation du système visuel.

Une ségrégation anatomique et fonctionnelle du traitement de l'information visuelle

L'idée que le cerveau opère à partir d'éléments en parallèle est le thème émergeant le plus fort de la connaissance actuelle des mécanismes sensoriels.

De la rétine aux aires cérébrales, l'information visuelle est découpée en éléments caractéristiques (pour simplifier: la forme la couleur et le mouvement) qui sont véhiculées en parallèle, sans être vraiment modifiées, jusqu'aux aires corticales spécialisées qui les traitent individuellement et coopèrent à la reconstitution d'une image "pertinente" unique.

 

voies du quoi et du où
Figure 1. voies du quoi et du où (macaque)

Les données anatomo-cliniques et le développement de l'imagerie médicale ont permis de différencier plusieurs modes et localisation du traitement cérébral de l'information visuelle:

  • la voie du "QUOI" est représentée par une voie nerveuse occipito-temporale (ou ventrale), reliant le cortex strié (aire V1) aux aires préstriées (pour simplifier V2 et V3) et , de là, gagnant le cortex inféro-temporal (aire V4)

    cette voie est préférentiellement impliquée dans le traitement de l'identification des objets et de leurs attributs (forme, couleur, texture...)

    l'interruption de cette voie anatomique (tout particulièrement dans le cas de lésions bilatérales ou de l'hémisphère gauche) serait responsable des agnosies visuelles d'objets ou d'image

    Exemples de cas cliniques: Cas N°11 Prosopagnosie

    AireVisuQuoi.jpg
    Figure 2: exemple de paradigme permettant en IRMf de localiser les aires cérabrales activées lors d'une reconnaissance d'objet
  • la voie du "OU" est représentée par une voie nerveuse occipito-pariétale (ou dorsale), reliant le cortex strié (aire V1) à la partie postérieure du lobe pariétal

    cette voie est préférentiellement impliquée dans le traitement des données spatiales et du mouvement : perception du mouvement aire V5 (ou MT) et capacité à guider visuellement un mouvement)

    l'interruption de cette voie anatomique (tout particulièrement dans le cas de lésions bilatérales ou de l'hémisphère droit) semble entraîner un déficit de la relation spatiale entre les objets, mais aussi du comportement visuo-moteur correspondant à des agnosies spatiales pouvant être associées à des ataxies optiques ou des négligences d'un hémi-champ visuel

    Exemples de cas cliniques: Cas N°3 Hémi-négligence, Cas N°10 Akinétopsie

  • une "troisième voie visuelle" sembe exister, elle serait responsable de la "vision aveugle" (ou "blindsight" ou "vision implicite") qui persiste chez des sujets ayant une lésion bilatérale des aires striées (V1)

    cette vision est définie comme un ensemble de capacités visuelles résiduelles existant dans des zones du champ visuel que des explorations périmétriques ont déclarées aveugles: il s'agit d'une perception inconsciente du mouvement rapide et de sa direction (mais pas du mouvement lent), du caractère variant (vacillement ou clignotement) de stimuli visuels grossiers et contrastés permettant en particulier au patient l'évitement des obstacles lors de son déplacement

    cette voie serait constituée de neurones partant de la rétine, et passant par le colliculus supérieur ou le pulvinar et aboutissant directement dans les zones occipito-pariétales (aire V5) sans passer par les aires visuelles primaires (V1).

    Exemple de cas clinique: Cas N°15 Cecité corticale

    VOIR : Organisation fonctionnelle du traitement cérébral de l'information visuelle

Les étapes du traitement cérébral de l'information visuelle

Il est possible d'analyser le traitement cérébral de l'information visuelle, non plus selon sa topologie, mais selon sa chronologie, en partant de l'objet présenté à l'individu et en allant jusqu'à sa dénomination par celui-ci. On décrit classiquement trois étapes successives du traitement:

  • la première, durant laquelle l'image est ciblée et décomposée

    c'est l'étape du traitement sensoriel: les yeux s'orientent vers la cible et le stimulus est saisi par la rétine qui code les caractéristiques de base de la scène (forme, couleur, mouvement) qu'elle envoie vers les aires corticales

  • la deuxième, durant laquelle l'image est recomposée à partir de ses différentes propriétés (taille, format, orientation, contraste, épaisseur)

    c'est l'étape du traitement perceptif qui consiste à "extraire la forme du fond" , on y distingue trois types de processus

    1. des processus perceptifs précoces qui consistent à détecter les composants élémentaires de la forme ou "primitives visuelles" (lignes, courbes, bords, coins); il n'y a aucun classement ni orientation, ce sont des informations en 1 ou 2 dimensions

    2. des processus perceptifs intermédiaires qui regroupent ces composants élémentaires selon des critères comme la continuité, la colinéarité, la cloture; ce traitement aboutit à une représentation de la forme distincte du fond (l'expérimentateur y voit de la profondeur, des surfaces, de la perspective, des orientations) mais ces éléments ne permettent pas de se représenter la forme comme un tout , ce sont des informations en 2D et demi

    3. des processus perceptifs tardifs qui permettent d'aboutir à une représentation élaborée de la forme, laquelle est maintenant, non seulement distincte du fond mais est conçue comme "invariante" (présentée sous une autre orientation, elle est toujours identifiée), c'est une information unique, en 3D

  • la troisième, durant laquelle la perception obtenue est comparée aux représentations mentales stockées en mémoire

    c'est l'étape du traitement associatif qui a lieu une fois réalisée l'élaboration de la représentation visuelle en 3D, il y a confrontation entre cette représentation et des images mentales d'objets préalablement stockées dans la mémoire à long terme (catégories) auxquelles elle va (ou non) pouvoir être associée

On peut également présenter ce traitement en parlant de 3 niveaux de la vision :

  • la vision de bas niveau qui concerne les caractéristiques telles que la contraste, la couleur, la direction, l'orientation et la vitesse

  • la vision de niveau moyen qui concerne la forme, la figure et son fond, la texture, la colinéarité, le groupement, la symétrie

  • la vision de haut niveau qui concerne la catégorisation, la reconnaissance

Cas pathologiques

Des déficits papthologiques de ces traitements constituent des agnosies.
Une agnosie est une altération de la capacité de reconnaître des informations visuelles antérieurement connues par le patient, en l'absence de troubles sensoriels (pas de déficience oculaires ou des nerfs optiques, pas de déficience du langage ou cognitifs).

On distingue deux grands types d'agnosies visuelles: les agnosies d'objets ou d'images (difficulté de reconnaissance) et les agnosies spatiales (difficultés de localisation).

Les agnosies d'objet se retrouvent dans les lésions de la voie du QUOI (voie ventrale).
On y distingue

  • les agnosies aperceptives qui correspondent à un trouble de la synthèse des informations sensorielles

    le sujet a conscience de voir mais il ne parvient pas à effectuer les relations ou les classements nécessaires pour organiser ce qu'il voit, il prend un détail pour un tout, fait des erreurs d'échelle....

     

     

    Agnosie de la forme après empoisonnement par le CO2

    Figure 3. Agnosie de la forme après empoisonnement par le CO2

    Une personne empoisonnée au dioxyde de carbone a perdu ses capacités de perception des formes. A gauche: elle ne parvient plus à trouver, parmi plusieurs dessins, celui qui correspond à un motif particulier. A droite: elle ne parvient plus à reproduire des lettres ou des formes simples (DF Benson Archives of Neurology).

    Chez ce patient une lésion corticale diffuse de l'aire V1 a été provoquée par un empoisonnement au monoxyde de carbone. Son système de détection des formes, dans l'aire V1, est endommagé.

  • les agnosies associatives concernent des sujets qui analysent correctement la forme de l'objet, peuvent la comparer, la décrire ou la copier mais sont incapables de reconnaître cet objet, souvent la difficulté à identifier des images est encore plus grande que celle à identifier les objets eux-mêmes. Si le patient ne peut donner la fonction de l'objet vu, on parle d'agnosie asémantique, s'il en connait la fonction mais ne peut retrouver le nom, on parle d'aphasie optique (Freud, 1889). Dans le cas d'une absence de reconnaissance des visages on parle de prosopagnosie (Cas N°11 Prosopagnosie)

     

     

    Agnosie de la forme après atteinte du cortex préstrié

    Figure 4. Agnosie de la forme après atteinte du cortex préstrié

    La personne ayant subi une lésion du cortex préstrié reste capable de reproduire un dessin mais ne comprend pas ce que son dessin représente , ici, la cathédrale Saint-Paul de Londres (Lawrence Erisbaum Associates).

    Le cortex préstrié de ce patient a été très abîmé par un infarctus qui a épargné l'aire V1. Ce patient a reproduit un croquis de la cathédrale Saint-Paul de Londres de façon très précise, mais il y a passé beaucoup de temps et ne comprend pas ce qu'il a dessiné. Grâce à ses aires V1intactes, cette personne identifie les éléments locaux de forme (angles, profils) mais sa lésion préstriée l'empêche d'intégrer ces lignes dans un tout et de voir que son dessin représente un batiment.

Les agnosies saptiales se retrouvent dans des lésions de la voie du OU (voie dorsale).
On rencontre dans ces cas de lésion des troubles spécifiques de la localisation, de la distance ou du mouvement (Cas N°10 Akinetopsie) , ou plus globaux comme le syndrome de Balint (Cas N°8 Syndrome de Balint) ou une héminégligence (Cas N°3  Hémi-négligence).