circulation thermohaline
Le Gulf Stream, acteur essentiel de
la circulation thermohaline
La circulation du Gulf Stream s'inscrit dans une circulation globale, la circulation thermohaline, qui relie tous les courants océaniques majeurs de la Terre, qu'ils soient froids ou chauds, de surface ou de profondeur. On peut résumer les interrelations par les documents suivants (les courants de surface sont chauds, en rouge, et les courants profonds sont froids, en bleu) :
Circulation thermohaline globale (modifié par Eric Denoux, d'après http://amap.no/acia/) |
Gulf Stream et circulation thermohaline globale (http://amap.no/acia/)
|
La principale zone de plongée convective d'eau de mer se situe au niveau de la mer de Norvège et au large de l'Islande (la deuxième zone, très minoritaire, se trouve près de l'Antarctique, en mer de Wedell). La dérive nord-atlantique apparaît donc comme le principal fournisseur d'eau de surface par sa plongée en Mer du Norvège. Or, cette dérive est alimentée par les eaux du Gulf Stream.
On voit immédiatement que le Gulf Stream occupe une place prépondérante dans cette circulation. On peut donc, en extrapolant, affirmer que le Gulf Stream alimente les courants océaniques profonds de la Terre entière (par l'intermédiaire de la dérive nord-atlantique).
Les moteurs de la circulation thermohaline :
Les deux moteurs principaux sont la température et la salinité de l'eau de mer :
-- la température : la chaleur spécifique de l'eau de mer est 4 fois plus élevée que celle de l'air. Ainsi, les premiers 10 mètres d'eau peuvent emmagasiner autant de chaleur que toute l'épaisseur d'atmosphère au-dessus ! Les océans sont donc de formidables réservoirs de chaleur. Cette quantité de chaleur emmagasinée dépend de la latitude (plus importante à l'équateur), des saisons (plus importante en été) et de la couverture nuageuse (plus importante par ciel dégagé) : en moyenne, près de l'équateur, ce flux de chaleur est de l'ordre de +200 à +250 W/m2 (contre +40 W/m2 aux hautes latitudes).
==> Une augmentation de température diminue la densité de l'eau.
--la salinité : elle varie selon les océans (l'Atlantique est plus salé que le Pacifique, par exemple), mais elle reste généralement comprise entre 33 g/L et 37 g/L. La salinité est plus importante à l'équateur qu'aux pôles.
==> Une augmentation de salinité augmente la densité de l'eau.
Température et salinité ont donc des effets contraires sur la densité de l'eau de mer. Le document ci-dessous traduit la relation entre la température et la salinité dans la définition de la densité de l'eau de mer :
Densité de l'eau de mer selon sa température et sa salinité (source : http://www.u-picardie.fr/~beaucham/mbg6/oceano/oceano.htm) |
Température et salinité sont à la base de la circulation thermohaline :
|
Principe schématique de la circulation thermohaline (et de sa relation avec les vents de surface) |
Contrairement à une idée largement répandue, le mouvement de convection océanique ne s'initie pas à l'équateur par les masses d'eau chaudes de surface, mais par les eaux froides de surface des hautes latitudes (notées B). Leur température n'est plus suffisante pour contrer les effets de la salinité : la densité augmente alors et les eaux plongent vers le fond : c'est la plongée convective. Nous verrons plus loin les raisons précises de cette augmentation de densité.
Cette plongée convective est le véritable moteur de la circulation thermohaline, car elle va "aspirer"quot; en amont des masses océanique de surface, mais cette fois-ci chaudes (provenant des zones équatoriales et tropicales, notées A), car leur faible densité les rend propice à de tels mouvements horizontaux. Attention cependant : cette aspiration n'est pas suffisante pour entraîner un mouvement convectif de l'équateur aux pôles (distance trop importante !), mais les eaux chaudes équatoriales sont apportées par le couplage avec les vents de surface.
Au cours de leur périple, ces courants chauds vont céder une grande partie de leur chaleur à l'atmosphère : c'est le déstockage. Ce phénomène se fait de deux manières :
-- une petite partie par transmission directe de chaleur (conduction, convection) : environ -10 w/m2 en moyenne, mais peut parfois dépasser -50 w/m2.
-- la majeure partie par évaporation : -70 W/m2 en moyenne. Ce flux est d'autant plus important que l'air est loin de la saturation et en cas de vent fort. Il est donc plus important dans les zones tropicales (-150 w/m2) qu'aux hautes latitudes (-30 W/m2), et peut grimper à -200 W/m2 pour le Gulf Stream.
Le déstockage des masses d'eau chaudes, essentiellement par évaporation, entraîne une augmentation graduelle de la salinité, alors que la température de l'eau diminue. C'est cependant la température qui l'emporte sur la salinité; la densité reste donc encore suffisamment faible pour maintenir les masses d'eau en surface (même si la base du courant chaud s'approfondit). Cependant, en-dessous d'une température "seuil" (généralement autour de 2°C), l'équilibre est rompu : la salinité l'emporte enfin et entraîne les masses d'eau refroidies et salées vers le fond. Nous avons donc l'explication de la plongée convective.
On peut préciser que le gel de la surface océanique en hiver est un autre facteur augmentant fortement la salinité (car le réseau cristallin de la glace n'incorpore pas le NaCl), ce qui accentue la plongée convective. On comprendra aisément que ce phénomène est crucial dans l'océan glacial arctique.
Mais revenons à ces masses chaudes et salées de surface, en déplacement vers les hautes latitudes. Un nouveau phénomène d'"aspiration" va avoir lieu aux zones équatoriales, mais ce sont des eaux froides et peu salées des profondeurs (notées C) qui vont alors remonter lentement : c'est la remontée convective. A leur tour, ces eaux vont se réchauffer au contact de l'énergie solaire, et aspirée vers les hautes latitudes, vont progressivement céder cette chaleur à l'atmosphère. La boucle est bouclée !
Pour se rendre compte de l'importance des forces en jeu, il faut bien comprendre que rien n'oblige initialement les eaux profondes à remonter. En effet, leur densité est de toute façon plus forte que celle des eaux de surface. Ce sont les forts vents de surface qui, en repoussant vers les hautes latitudes les masses d'eau de surface, vont "aspirer" les eaux profondes. Puis le déséquilibre thermohalin des eaux froides de surface, aux hautes latitudes, va prendre le relais : le mouvement océanique global est donc la résultante d'un couplage océans-atmosphère (majoritaire) et du déséquilibre thermohalin aux hautes latitudes (minoritaire).
Enfin, n'oublions pas que tous les courants de surface ne sont pas obligatoirement chauds et salés. C'est l'exemple du courant du Labrador (poussé par un vent froid venant du pôle N), qui est un courant froid de surface provenant du cercle polaire. Sa densité étant plus importante, il repousse vers le Nord-Est le Gulf Stream qui vient à sa rencontre.