20-Enquête sur la sexualité en France
BAJOS Nathalie, BOZON Michel, BELTZER Nathalie
Enquête sur la sexualité en France. Pratiques, genre et santé.
Ed. La Découverte, 2008, 609 p.
Site de l’enquête : http://gazette.kb.inserm.fr/csf/Accueil.html
Les sociologues Nathalie Bajos, Directrice de recherche à l’INSERM et Michel Bozon, Directeur de recherche à l’INED, livrent les résultas d’une nouvelle enquête sur la sexualité à laquelle douze mille personnes âgées de 18 à 69 ans ont accepté de répondre.
« L’enquête « Contexte de la Sexualité en France » (CSF) a adopté une perspective large. Elle appréhende les trois composantes de la sexualité que sont les actes, les relations et les significations, en les inscrivant à la fois dans les trajectoires individuelles, dans le contexte social, les conditions de vie et les formes prises par les rapports entre les hommes et les femmes.
Une approche de type « Santé et Sexualité » a été privilégiée en envisageant l’infection à VIH mais aussi la contraception, les IVG, les IST (Infections sexuellement transmissibles), les violences sexuelles, les dysfonctions et autres problèmes sexuels.
L’enquête comprend en outre une extension épidémiologique visant à étudier, pour la première fois en France, la prévalence de l’infection à Chlamydiae Trachomatis et les facteurs de risque de la contamination. » (extrait du site de l’enquête).
« La cinquième partie [de l’ouvrage], consacrée aux rapports entre sexualité et santé, montre que les femmes sont plus nombreuses que les hommes à éviter de s’exposer à des risques, que les hommes déclarent quatre fois plus souvent que les femmes de ne pas avoir prévenu leur partenaire principal au moment où ils ont découvert qu’ils avaient une infection sexuellement transmissible (IST) et qu’en cas d’IST 88 % des femmes, mais seulement 61 % des hommes, affirment avoir suivi la totalité du traitement (p. 472).
[…] Au long de l’ouvrage, on constate que la différenciation des attitudes et comportements sexuels selon le milieu social est forte, mais tend à diminuer. La fréquence de l’utilisation d’un préservatif dans différentes situations à risques (notamment lors du premier rapport sexuel) est proportionnelle au niveau de diplôme, celle du recours à une interruption volontaire de grossesse est inversement proportionnelle à ce niveau.
La différenciation entre les comportements masculins et féminins est faible parmi les personnes très diplômées, et forte dans les milieux populaires. Elle se module fortement selon la religion : parmi les musulmans affirmés, deux tiers des filles de 18-19 ans, mais un quart seulement des garçons, déclarent ne jamais avoir eu de relations sexuelles ; chez les chrétiens affirmés, à l’inverse, une fille sur cinq mais deux garçons sur cinq déclarent ne jamais avoir eu de relations sexuelles ; chez ceux qui accordent moins d’importance à la religion ou qui se déclarent sans religion, la différenciation entre femmes et hommes est minime (p. 162). Les musulmans sont donc aujourd’hui en France les principaux tenants d’un « modèle du sud », où l’entrée dans la sexualité est beaucoup plus tardive pour les femmes que pour les hommes.
[…] Un autre ensemble de résultats originaux concerne l’homosexualité et la bisexualité. 4 % des femmes comme des hommes déclarent avoir des pratiques homosexuelles au cous de leur vie […]. Dans toutes les générations, les personnes ayant un niveau d’études supérieur sont beaucoup plus nombreuses que les moins diplômées à rapporter des pratiques avec un partenaire de même sexe. Sexuellement plus précoces, plus actifs, plus enclins à entretenir des relations avec des partenaires de rencontre, les homosexuels sont souvent des bisexuels. Les hommes dits « homosexuels » sont concernés par le risque d’IST dans le cadre de leurs relations avec d’autres hommes, mais aussi parce qu’ils ont des relations sexuelles avec des femmes (p. 251). Les femmes qui ont des pratiques homosexuelles, largement exclues des discours préventifs au prétexte que le risque de transmission de l’infection à VIH est extrêmement faible entre deux femmes, sont surexposées au risque d’IST dans le cadre de leurs relations avec des hommes. […] Les jeunes homo-bisexuel-le-s déclarent plus souvent que les autres avoir été déprimés au cours des douze derniers mois, et avoir subi des rapports sexuels contraints. Si les jeunes générations apparaissent plus tolérantes que leurs aînées, les attitudes de rejet à l’égard de l’homosexualité sont encore présentes, en particulier chez les hommes et chez les personnes ayant un faible niveau d’études. » (extraits d’un résumé de l’enquête, Alain CHENU, Revue Française de Sociologie, n°49-3, 2008, pp. 648-652)
« La question de l’asymétrie persistante en matière de sexualité entre femmes et hommes est un des thèmes centraux de l’ouvrage. Celle-ci est une des expressions des inégalités entre sexes qui prévalent dans le monde social (travail, famille, vie publique). L’opposition normative […] entre une sexualité affective et un désir sexuel impérieux produit des exigences contradictoires qui rendent plus difficile l’adoption de pratiques préventives, notamment pour les femmes.» (présentation de l’éditeur).