33-Prévention Sida : une histoire en quatre temps
DESTOMBES Christelle
Prévention Sida : une histoire en quatre temps
Dossier spécial : Gays, les défis de la prévention, Le Journal du Sida. Cahier spécial en supplément du n° 179, 2005, p. 4
Disponible en ligne : http://www.arcat-sante.org/publi/docs/jds179supp_2.pdf
Texte de l'auteur
« En France, les sociologues ont coutume de déterminer quatre grandes périodes de la prévention. Entre 1981 et 1986, dans l’indifférence publique vis-à-vis du sida, la communauté gay se mobilise et adopte des comportements de prévention. La pratique de la pénétration anale baisse et de nouvelles pratiques apparaissent (les « jack-off parties » de l’association Santé et plaisir gai). Entre 1986 et 1989, la mobilisation s’étend à d’autres cibles communautaires (jeunes, toxicomanes, etc.) et l’enjeu de santé publique est affirmé. Entre 1989 et 1996, stabilisation des campagnes publiques, et affirmation de l' objectif de maintenir les comportements de prévention, alors que la thématique du « relapse », relâchement, apparaît. Après 1996, c’est ce que Michel Setbon nomme la « normalisation paradoxale du sida » avec d’un côté l’apparente normalisation sociale des homosexuels (le Pacte civil de solidarité, etc.) et de l’autre la représentation du sida comme maladie chronique qui ne concernerait que les personnes atteintes. Par-delà cette normalisation, les phénomènes de bareback et de relapse prennent une ampleur croissante : la désaffection pour la prévention s’accompagne d’une perception du risque comme individuel, connu et maîtrisable… Pour Jean-Yves Le Talec, auteur d’une étude pour l’Agence nationale de recherches sur le sida (ANRS), « Bareback et pratiques sexuelles à risques chez les hommes gays », ces grandes fractures sont à relativiser : c’est dès le début des années 1990 qu’apparaissent le relapse et le réengagement des gays dans la sexualité. Ensuite, la « revendication de pratiques sexuelles non protégées que représente le phénomène du bareback semble souligner pour ses adeptes un rejet total de la norme de prévention qui dépasse largement le cadre d’une plus grande acceptabilité sociale du risque ». Aujourd’hui, serions-nous en train de définir la cinquième période, celle de la prise en compte des nouveaux défis de la prévention ? »