Aller au contenu. | Aller à la navigation

Outils personnels

Plateforme - ACCES
Navigation

découverte du circuit de la récompense : Olds & Milner, 1954

Par Sandrine Beaudin Dernière modification 29/06/2022 07:54
Présentation de l'expérience qui conduisit Olds & Milner à découvrir dans le cerveau un "centre du plaisir".


Résumé de l'expérience :
L'expérience qui a permis, dans les années 1950, de mettre en évidence le circuit de la récompense fut le fruit du travail de deux chercheurs, Olds et Milner. Cette expérience a été répétée plusieurs fois depuis, avec toutes sortes de variantes, mais fonctionne pour l'essentiel de la façon suivante. On implante des électrodes dans l'aire septale du cerveau d'un rat. En appuyant sur un levier, le rat peut stimuler lui-même cette région de son cerveau, à l'origine de la sensation de plaisir.

Une fois que le rat a découvert comment s'administrer une sensation de plaisir, il s'auto-stimule sans arrêt, ne prenant même plus le temps de manger. La stimulation directe de ce circuit est donc tellement puissante que l'animal en oublie ses besoins fondamentaux. C'est exactement ce qui se passe avec la prise de drogues.

Expérience de Olds & Milner, 1954

 

La découverte du circuit de la récompense, une découverte d'abord fortuite :

" Une des découvertes les plus surprenantes réalisées sur le cerveau, dans les années 1950, est celle de l'existence d'un système hédonique dont les « centres du plaisir», sont répartis en différents endroits du système limbique (Olds et Milner, 1954)

En 1952, Olds travaillait dans le cadre d'une recherche de doctorat, auprès de Milner, professeur à l'université Mc Gill à Montréal. Ce dernier était spécialisé dans l'étude des fonctions du cerveau qu'il explorait à l'aide d'électrodes implantées dans différentes zones. La recherche d'Olds consistait à vérifier si l'excitation d'un centre impliqué dans la vigilance, et situé en arrière de l'hypothalamus, pouvait amener un rat à éviter certains coins d'un enclos.

Cela semblait être le cas pour tous les rats testés sauf un qui, au lieu de s'éloigner de ces endroits, y revenait systématiquement après chaque choc. Olds, croyant qu'il s'agissait d'un animal moins sensible que les autres, se mit à augmenter les décharges électriques. Mais, plus les chocs étaient intenses et plus le rat revenait rapidement à l'endroit où ils étaient administrés, pour en recevoir un autre, plus intense encore. Il fallait se rendre à l'évidence, le rat semblait rechercher systématiquement la stimulation électrique au lieu de l'éviter.

Après dissection du cerveau de l'animal, Olds s'aperçut que l'électrode avait été implantée, par erreur, à côté de l'endroit où elle aurait dû se trouver, provoquant, suite à la stimulation, une réaction inattendue de "plaisir".

Le chercheur systématisa alors l'expérience en implantant à plusieurs rats une électrode dans ce nouvel endroit qui se révéla être l'aire septale (Milner, 1991), et plaça ensuite les rats dans des cages où ils pouvaient s'auto-stimuler en appuyant eux-mêmes sur un levier qui commandait la distribution des chocs.

Les résultats furent stupéfiants. Très vite, les rats atteignirent des scores jamais atteints auparavant, quelle que soit la récompense. À certains moments de pointe, on vit des sujets fournir plus de 100 réponses sur le levier, en une minute, leur activité moyenne étant de 200 pressions à l'heure, pendant 24 heures. Les rats semblaient, de plus, être capables de supporter les chocs les plus intenses. Certaines décharges étaient mêmes tellement fortes que les animaux se trouvaient propulsés contre les parois de la cage ; pourtant, sitôt leurs esprits recouvrés, ils se précipitaient à nouveau sur le levier pour s'envoyer une nouvelle décharge d'une intensité semblable à la précédente...

 Si le sommeil devenait nécessaire, ils s'assoupissaient quelques instants pour reprendre aussitôt leur activité d'auto-stimulation. Ils préféraient même se priver de manger plutôt que d'abandonner le levier. On a vu également des mères abandonner leur nichée pour se livrer à l'excitation de leur "centre du plaisir" (Sonderegger, 1970).

Depuis, de nombreux autres centres ont été découverts dans cette région du cerveau, notamment dans le noyau accumbens dans lequel viennent se projeter des neurones à dopamine de l'aire tegmentale ventrale. Certains d'entre eux sont liés à un plaisir généralisé tandis que d'autres semblent être associés au soulagement de la faim ou de la soif ou à la jouissance sexuelle.

Par ailleurs, il existe d'autres zones, notamment dans la région médiane de l'hypothalamus, dont l'excitation semble au contraire entraîner une sensation de douleur intense chez l'animal, bloquant l'activité en cours. Elles furent dénommées "centres de douleur" ou plus scientifiquement "centres d'aversion". On vit ainsi le psychophysiologiste Delgado descendre dans l'arène et arrêter la charge d'un taureau simplement en stimulant à distance le cerveau de l'animal auquel on avait préalablement, implanté une électrode à cet endroit (Delgado, 1954).

Il est certain que la proximité entre ces centres et ceux responsables de la faim, de la soif ou d'autres pulsions, dans l'hypothalamus laisse supposer l'existence d'un lien entre eux, dont la connaissance permettra éventuellement d'expliquer des émotions comme le dégoût ou l'attirance, ou encore pourquoi le plaisir que procure un verre d'eau glacée par une chaude journée d'été diffère tellement du plaisir procuré par le même verre par un froid après-midi d'hiver."

Jo GODEFROID.
Article extrait de "Psychologie Science humaine et science cognitive". Page 239.
De Boeck université, septembre 2008, Collection : Ouvertures psychologiques. 1101p.
ISBN 978-2-8041-5901-6