Aller au contenu. | Aller à la navigation

Outils personnels

Plateforme - ACCES
Navigation
Vous êtes ici : Accueil / Thématiques / Biodiversité / Dossiers thématiques / Les trois domaines du vivant / Les grandes étapes de l'histoire du vivant

Les grandes étapes de l'histoire du vivant

Par salame — Dernière modification 05/01/2021 16:37
Les premières formes de vie, les premiers métabolismes et les principales étapes du développement de la vie.

Les grandes étapes de l'évolution du vivant

Frédéric David. ACCES-INRP

 

horloge de la vie.gif

Introduction : l'origine de la vie

Actuellement la vie n'est connue que sur notre planète Terre, rendant celle-ci singulière. Les explorations des sondes martiennes et les tentatives de dialogues extraterrestres n'ont pas abouti pour l'instant.

1. Qu'est que la vie ?

La vie est définie par le fait de pouvoir se reproduire à l'identique, l'aptitude à maintenir certains paramètres physico-chimiques, la présence d'eau, un métabolisme et la mémoire moléculaire que constitue l'hérédité.

2. L'apparition de la vie ou l'évolution prébiotique

Lorsque la température de la terre devînt suffisamment basse, l'eau très présente dans l'atmosphère primitive passa à état liquide et l'hydrosphère apparut. Il s'est ainsi mis à pleuvoir, l'eau a rempli les dépressions et formé les océans.

Selon l'hypothèse d'Oparine (1924) et d'Haldane (1929), une lente évolution chimique aurait précédé l'évolution biologique. De petites molécules organiques se seraient formées dans l'atmosphère primitive dépourvue d'oxygène puis dissoutes dans les jeunes océans, donnant naissance à la soupe primordiale, lieu d'apparition des premières cellules vivantes. Des expériences en laboratoire qui tentent de reproduire les conditions de formations de cette matière organique dans l'atmosphère primitive ont été menées mais restent à ce jour inabouties : on obtient des aldéhydes, des acides carboxyliques, des acides aminés mais de nombreuses molécules organiques indispensables n'ont pu être synthétisées.

Une autre hypothèse repose sur l'origine extraterrestre des monomères. Actuellement les nuages interstellaires forment, grâce à la collision des atomes avec les particules du rayonnement cosmiques plus de soixante molécules organiques. D'autre part les météorites possèdent fréquemment des molécules riches en carbone, dont plus de 70 acides aminés présents dans la biosphère. Cette hypothèse est nommée panspermie.

Pour former les macromolécules du vivant, plusieurs hypothèses de polymérisation des petites molécules organiques de la soupe primordiale sont envisagées. Un monde à ARN a propriété autocatalytique, donc ne nécessitant pas en premier lieu la présence de protéines. La difficulté majeure pour expliquer l'apparition des macromolécules est la réalisation de la réaction en milieu aqueux. L'excès d'eau devant inverser la réaction car chaque liaison par polymérisation exige l'élimination d'une molécule d'eau. Pour résoudre ce problème, on essaie d'expliquer des réactions sur des substrats préférentiels qui auraient favorisés les réactions et l'élimination de l'eau. Les argiles pourraient jouer ce rôle en absorbant l'eau et en orientant spatialement la synthèse grâce à l'information, sous forme de densité de charges, contenue dans les feuillets argileux.

Les polymères apparus, un ensemble fonctionnel devait isoler physiquement l'ensemble du milieu grâce à une membrane. Oparine et Fox ont montré que la formation d'une membrane faite de polymères épaissis se produit spontanément dans les solutions aqueuses riches en molécules organiques. Ces gouttelettes microscopiques ont été nommées coacervats.

I. Les unicellulaires, seules traces de vie sur Terre pendant 3,5 milliards d'années

         1.Les premières traces de vie

Les plus anciennes traces de vie sont repérées grâce à la géochimie isotopique sur l'île d'Akilia au Groenland (-3,85 Ga). Des inclusions carbonées contenues dans des cristaux d'apatite témoignent d'un enrichissement en 12C, signature de la vie. Moins de 100 Ma après son refroidissement, la terre héberge les premiers êtres vivants. Les spécialistes s'accordent cependant sur la prudence dont il faut faire preuve pour des époques si reculées, cette valeur légèrement négative du D13C n'impliquant pas forcément un processus biologique de fixation du carbone tel que nous le connaissons actuellement.

Les véritables fossiles viennent peu de temps après avec l'apparition des monères. A partir de -3,4 Ga, on récolte des microsphères de type Huronispora et des bactéries comme Eobacterium isolatum dans les gisements de Fig tree (Swaziland) et de Warrawoona (Australie occidentale). Entre -3 Ga et -1,6 Ga, les fossiles deviennent abondants ; on parle pour cette période d'ère des monères (bactéries et cyanophycées). On trouve, pour ne citer que ces deux gisements, en Ontario et au Zimbabwe des cyanophycées sphériques ou filamenteuses, ainsi que de minuscules sphères qui ressemblent aux coacervats (voir infra).

D'autres indices probants de vie existent dès -3,4 Ga : les stromatolites. Les stromatolithes sont des édifices métriques construits actuellement grâce la précipitation de carbonates liés à la photosynthèse dans un tapis gélatineux sécrété par des cyanobactéries. Les stromatolithes anciens (-3,4 Ga) résultent probablement aussi de l'activité de cyanobactéries, mais il faut cependant rester prudent : on connaît des édifices analogues où les cyanobactéries n'interviennent pas dans la construction. La seule conclusion irréfutable est de dire qu'il existe dès -3,4 Ga des communautés d'organismes autotrophes.

C'est donc sous une atmosphère riche en CO2 que les premiers autotrophes apparaissent il y a 3,4 milliards d'années. Ancêtres des Phototrophes, les Cyanobactéries commencent à modifier l'environnement de la Terre de manière irréversible. Les cyanobactéries réduisent non seulement le CO2 atmosphérique pour synthétiser leurs composants organiques, mais le font aussi passer vers les carbonates de calcium (selon la réaction (1)), composant essentiel des édifices stromatolitiques.

 CO2 + CaCO3 + H2O «------» 2 HCO3- + Ca++ (1)
 
Les ions HCO3- qui participent à la réaction proviennent de l'altération des roches silicatées des protocontinents. Les cyanobactéries interviennent en offrant, grâce à l'utilisation du C02, un microenvironnement pauvre en CO2 qui déplace l'équilibre de la réaction vers la précipitation.
 
On ne parle pas encore à cette époque de cycle mais d'axe du carbone car la seule la réaction de réduction fonctionne. Le carbone va directement et irréversiblement de l'atmosphère vers les sédiments, car il n'y a pas assez d'oxygène pour le réoxyder par voie chimique et probablement pas d'acteurs biologiques pour accomplir cette tâche.

La vie unicellulaire se poursuit jusqu'à -1 Ga (premiers fossiles d'embryons de métazoaires) mais on note dès -1,5 Ga l'apparition des premiers eucaryotes. La distinction par rapport aux procaryotes repose essentiellement sur des critères de taille. On considère qu'au delà de 60 µm, on est en présence d'eucaryotes. Les eucaryotes sont toujours aérobies, ce qui nous confirme pour cette époque un environnement oxydant. Les eucaryotes possèdent selon la théorie de l'endosymbiose trois composantes d'origine bactérienne : les chloroplastes, les mitochondries et les flagelles. L'acquisition des mitochondries il y a -2 Ga à -1,4 Ga marque l'apparition de la respiration cellulaire. Associées aux peroxysomes (détoxification des dérivés nocifs de l'oxygène), elles ont permis à la biosphère d'affronter sa première grande crise : le passage à un environnement aérobie. L'acquisition plus tardive des plastes entre -1,4 Ga et -1,2 Ga permettra aux cellules eucaryotes d'utiliser l'énergie lumineuse.

Le dernier évènement remarquable chez les unicellulaires est l'apparition chez les eucaryotes de la sexulalité. On retrouve des tétrades (-1,5 Ga) qu'on interprète comme un phénomène sexuel consécutif à la méiose. A partir de cette époque le rythme de l'évolution va s'accélérer, la sexualité amenant des innovations génétiques puissantes.
 
        2. Les formes de métabolisme des premiers êtres vivants

L'évolution organique et la complexification des premières cellules n'a été possible que par la mise en place de mécanismes métaboliques capables de fournir une grande quantité d'énergie aux cellules. Le carburant universel est l'adénosine triphosphate ou ATP. Dans le milieu naturel primitif, les premières cellules ont du capter l'ATP abondant dans la soupe océanique primordiale et casser ces molécules pour obtenir l'énergie dont elles avaient besoin. L'ADP était ensuite rejeté comme déchet dans le milieu.

La population vivante augmentant, la pénurie d'ATP inorganique guettait. Cette pénurie a permis de sélectionner les êtres vivants capables d'effectuer le recyclage endothermique l'ADP en ATP. La glycolyse anaérobie (ou fermentation) utilisant le glucose abondant dans le milieu primitif a permis le passage de cette première grande crise de l'énergie

 Glucose ----- 2 pyruvates + 33 calories (2ADP-----2ATP)

Le même problème de pénurie avec le glucose inorganique n'allait pas tarder à se poser. Le vivant n'a alors d'autres solutions que de fabriquer son propre sucre, soit une photosynthèse à partir de molécules simples comme le CO2 (C et O) et H2S comme source d'hydrogène. La photosynthèse initiale se fera donc sans libération d'oxygène suivant la réaction : 

2 CO2 + H2S + 2H2O ----- 2(CH2O) + H2SO4

Cette photosynthèse primitive ne modifie pas le milieu et l'atmosphère n'est guère modifiée. D'importantes mutations créent plus tard de nouveaux pigments chlorophylliens capables de réaliser une photosynthèse évoluée cyanobactérienne et libératrice d'oxygène. Le donneur d'électrons est devenu l'eau. Cette nouveauté va peu à peu changer la composition des gaz dissous dans les océans et celle de l'atmosphère. Longtemps l'oxygène reste cantonné dans l'océan (sédimentation sous aquatique de BIF) alors que l'atmosphère est anoxique (sédimentation continentale des uraninites et des pyrites). Vers -1,8 Ga -2 Ga, l'arrêt du dépôt des pyrites et des uraninites et le début des sédiments rouges continentaux montrent que l'oxygène apparaît dans l'atmosphère.
 
La respiration remplaçant la fermentation avec l'apparition de l'oxygène, on assiste à la prolongation des processus déjà utilisés. La glycolyse est poursuivie grâce à des phénomènes oxydants : transformation du pyruvate et cycle de Krebs. Ces nouvelles réactions permettent un rendement 18 fois supérieur à l'utilisation primitive anaérobie du glucose. pyruvate ----- CO2 + H20+ 673 calories + 34 ATP
 

La divergence fondamentale entre les règnes végétal et animal s'établit. Le premier se spécialise pour devenir une gigantesque usine photosynthétique. Le second se cantonnant dans l'hétérotrophie diverge, en privilégiant les facteurs de relation.

La vie n'est apparue qu'une fois, car en se développant, elle a détruit irréversiblement les conditions de sa propre apparition. La matière organique n'aura plus jamais par la suite, le temps d'atteindre des états de complexité compatibles avec la vie primitive : elle sera "mangée" avant d'y parvenir ! Dans notre monde actuel, Pasteur a raison et la "génération spontanée" n'est plus possible.

II. L'explosion de la diversité : le développement des métazoaires

A partir de 1 Ga, on détecte des traces de vie pluricellulaire. Vers -900 Ma des pistes et des terriers suggèrent aussi la présence d'êtres vivants plus complexes. Les documents incontestables proviennent de Précambrien terminal, le Vendien, avec la faune d'Ediacara. Les spongiaires actuels nous renvoient une assez bonne image de ce que devaient être ces premiers pluricellulaires, simple juxtaposition de cellules peu différenciées. Avec l'apparition plus tardive du mésoderme et la constitution du cœlome, véritable squelette hydrostatique, se met en place la structure triploblastique. Les métazoaires deviennent les organismes les plus différenciés de la biosphère.

        1. Le gisement fossilifère d'Ediacara. (environ -560 Ma)

ll s'agit de dalles de grès plus ou moins grossier, à ripple marks et stratifications entrecroisées, séparées par des joints argileux à fentes de dessiccation. Le milieu de sédimentation était une plage marine temporairement émergée. La faune trouvée est composée de métazoaires à corps mou avec un plan d'organisation en ruban, galettes ou feuilles matelassées, une architecture originale conservée sous forme d'empreintes. Le consensus actuel repose sur l'idée que certains organismes appartiennent à des taxons traditionnels comme les cnidaires, les annélides ou arthropodes, tandis que d'autres pourraient se placer dans des phylums (embranchements) aujourd'hui disparus.

        2. L'explosion cambrienne

L'Explosion Cambrienne désigne l'apparition soudaine à l'échelle des temps géologiques d'anatomies entièrement nouvelles qui préfigurent déjà les grands groupes d'animaux actuels (ex : les phylums tels que les arthropodes et les vertébrés). Cet événement évolutif sans précédent, attesté par de nombreuses données paléontologiques et moléculaires, marque un tournant décisif dans l'évolution de la vie sur notre planète. Son apogée semble culminer entre 520 et 540 millions d'années. La célèbre faune de Burgess, d'âge Cambrien moyen (environ 505 Ma), découverte au siècle dernier par Charles D. Walcott dans les montagnes de Colombie-Britannique (Canada) et popularisée par Stephen Jay Gould, a révélé pour la première fois l'extraordinaire diversité de la vie cambrienne et l'origine très ancienne de nombreux phylums actuels. D'autres sites fossilifères à conservation exceptionnelle encore plus anciens que celui de Burgess livrent actuellement des informations-clés sur des stades évolutifs encore plus précoces.

On trouve des métazoaires à corps mous ou possédant un exosquellette organique ou minéralisé. Il est fascinant de constater que près de la moitié des phylums actuels (représentant la majorité des espèces vivantes) sont déjà représentés au Cambrien inférieur. C'est le cas des arthropodes, des chordés, des vers priapuliens, des éponges, des brachiopodes, des mollusques, des ascidiens. On y trouve toutefois des plans d'organisation plus énigmatiques qui n'ont pas d'équivalents actuels.

La découverte dans la faune de Chengjiang d'Haikouella, d'un chordé crâniate et de deux formes ressemblant étonnamment aux larves de lamproies actuelles, ont considérablement relancé le débat sur l'émergence des premiers vertébrés. Ces fossiles de quelques centimètres, parfois conservés dans leurs moindres détails anatomiques (arcs et filaments branchiaux, chorde neurale, endostyle, cœur, yeux chez Haikouella) repoussent l'origine des vertébrés au Cambrien inférieur apportant ainsi des informations-clés sur les débuts de notre propre histoire évolutive. Le célèbre Pikaia se voit ainsi détronné.

Au cours du Cambrien, la diversité animale est maximale. Le nombre de phylum est très grand, au moins le double de l'actuel. La brutale explosion des animaux a donné naissance à de multiples tentatives (radiations). Cette possibilité ne se retrouvera plus ultérieurement. Après le Cambrien, il n'apparaîtra qu'un seul embranchement, celui des Bryozoaires au cours de l'Ordovicien. En ce sens, le Cambrien est bien une étape décisive et singulière de l'histoire du monde animal, et les schistes de Burgess une fenêtre unique sur le moment où naît la vie moderne dans toute son ampleur. Après le Cambrien, beaucoup des essais sont éliminés et ceux qui restent voient une multiplication des genres et des espèces ne variant que par des détails. De la diversité, on est passé à l'uniformité.

III. Quelques grandes étapes marquantes de l'évolution de la biosphère durant le Phanérozoïque

        1. La sortie des eaux et la conquête du milieu terrestre

Les premières formes de vie à coloniser les continents furent probablement les cyanobactéries ; ce sont des micro-organismes capables de résister aux rayons ultra-violets et qui sont apparus sur terre il y a au moins 2,8 milliards d'années. Ces cellules ont dû faire face à deux problèmes pour passer du milieu marin à la terre ferme :

1) L'eau douce continentale qui tend à s'infiltrer dans la cellule et vient bouleverser l'homéostasie du milieu intracellulaire.

2) La sécheresse qui risque de déshydrater la cellule.

Il semble donc que les cyanobactéries aient réussi à résoudre ces problèmes puisqu'on trouve dans les sols précambriens des taux anormalement élevés en carbone 12, indiquant la contribution des photosynthétiseurs à la fixation du carbone.

Les algues vertes, qui étaient déjà présentes dans le milieu marin depuis au moins le Cambrien, ont suivi à l'Ordovicien-Silurien. Elles ont procédé à l'implantation des végétaux terrestres en inventant deux mécanismes importants : les spores pour la reproduction et des structures racinaires pour l'alimentation. Les premières formes de végétaux terrestres furent les bryophytes, des plantes qui restent au ras du sol, comme les mousses. On retrouve des spores de bryophytes dès la fin de l'Ordovicien. Puis, à la fin du Silurien, sont apparues les premières plantes vasculaires, c'est-à-dire des plantes munies de cellules capables de transporter l'eau et des adaptations nécessaires à la vie aérienne :

- La mise en place d'un corps pluricellulaire plus ou moins lignifié, capable de croître et de se ramifier tout en gardant un port érigé, grâce à une croissance limitée à des zones apicales localisées, les méristèmes.

- L’'acquisition de tissus conducteurs

La forme primitive cylindrique pourrait avoir été sélectionnée pour son rapport surface/volume faible, qui limiterait les pertes d'eau. Cette configuration aurait également pu " canaliser " le " choix " d'une croissance avec ramification, seule à même de permettre une expansion de la surface photosynthétique en conservant une morphologie cylindrique des organes.

- L'acquisition des stomates

La protection accrue des organes reproducteurs, avec en particulier la réduction du gamétophyte au profit du sporophyte, et ce de façon convergente chez les fougères et les cormophytes. L'apparition de la graine est plus tardive : les Spermaphytes s'imposent au Carbonifère récent et au Permien.

Du coté des animaux ce sont les Arthropodes les premiers à s'être aventurés sur la terre ferme. Dès le Silurien probablement pour les Myriapodes, et au Dévonien pour les Chélicérates et les insectes aptérygotes. La respiration a été rendue possibe grâce à l'apparition des trachées et la dessication évitée grâce à une cuticule chitineuse. C'est un peu plus tard au Carbonifère que les insectes acquièrent des ailes de dimensions remarquables (Meganeura, une libellule géante de 0,75 m d'envergure). Vers la même époque, Annélides oligochètes et Gastéropodes s'adaptent également à la vie terrestre.

Les vertébrès tétrapodes apparaissent dans les archives fossiles continentales dès le Dévonien, avec notamment les célèbres Acanthostega et Ichtyostega. Les vertébrés marins qui veulent quitter l'eau pour la terre ont à résoudre un certain nombre de problèmes :

- Un de ces problèmes est la pesanteur. Chez les poissons, la colonne vertébrale est adaptée à la nage, principalement, aux mouvement latéraux ondulatoires. Chez les amphibiens, cette colonne doit s'adapter pour soutenir le poids des viscères, une force dirigée vers le bas. De nouveaux muscles doivent donc se développer pour répondre aux nouvelles conditions.

- La locomotion constitue un second problème de taille pour les nouveaux habitants de la terre ferme. Les nageoires du poisson sont conçues pour un mouvement bien particulier, la natation, un mouvement bien différent de la marche. À ce titre, un poisson du nom d'Eusthenopteron est vu comme un des chaînons évolutifs très important entre poissons et tétrapodes primitifs. Ses nageoires montrent un arrangement des os qui préfigure l'arrangement des os des pattes des tétrapodes. Un autre poisson (d'âge Dévonien supérieur, autour de -370 Ma), Elpistostege, est considéré comme étant encore plus près du premier tétrapode.

- Un troisième problème auquel ont dû faire face les nouveaux candidats à la vie sur la terre ferme est le désèchement, un problème qu'ils n'ont résolu que partiellement ; les premiers amphibiens sont demeurés cantonnés près de l'eau.

- Un quatrième problème touchait le mode de reproduction. Les poissons pondent leurs oeufs dans l'eau. Les premiers amphibiens n'ont pas résolu ce problème ; ils ont continué à en faire autant. Ils demeuraient donc dépendant de l'eau à ce point de vue. Il faudra attendre les reptiles pour se libérer de cette contrainte.

- Un dernier problème que les amphibiens semblent avoir réglé relativement facilement, c'est l'utilisation de l'oxygène à partir de l'air plutôt que de l'eau.

En somme, on peut dire que les amphibiens ont réussi à mettre au point toutes sortes d'innovations "technologiques" dans le domaine du transport des charges, de la mécanique du mouvement et de la respiration, innovations qui leur ont permis de se tenir debout, de se déplacer sur terre et d'utiliser l'oxygène de l'air. Par contre, ils sont restés tributaire de l'eau, entre autres pour la reproduction. Ce qui a permis aux nouveaux habitants terrestres de s'affranchir de l'eau et finalement d'aller coloniser l'intérieur des terres, c'est l'invention de l'oeuf amniotique, l'oeuf qui possède une coquille semi-perméable qui enveloppe les réserves alimentaires permettant à l'embryon de se développer dans un endroit sûr et bien protégé. Cette invention est le fait des reptiles qui très rapidement ont dominé les milieux terrestres. Selon les archives paléontologiques, les premiers reptiles dateraient du début du Carbonifère.

        2. La diversification végétale terrestre

Les restes les plus anciens de la flore continentale terrestre proviennent d'Australie et sont datés du Silurien supérieur et du Dévonien inférieur. La " flore à Bargwanathia ", constituée de plantes herbacées et vascularisées (à éléments vasculaires lignifiés qui conduisent la sève brute), est classée dans le groupe des Ptéridophytes. Cette flore fossile permet d'affirmer que la conquête du milieu aérien s'est effectuée il y a plus de 400 millions d'années. Ce voyage de la mer vers la terre s'est-il effectué en une seule fois et en un seul lieu ? Nul n'est en mesure d'y répondre actuellement. Il y -400 à -250 millions d'années les ptéridophytes dominent la flore des masses continentales. A coté des formes herbacées (fougères, selaginelles, lycopodes) croissent des formes semi-arborescentes comme les calamites et des formes arborescentes comme les lépidodendrons et les sigillaires. Durant le Carbonifère, en zone humide, se développent des forêts constituées essentiellement de lépidodendrons et de sigillaires ainsi que des cordaïtes et des ptéridospermales. Ces dernières appartenant au groupe des préspermatophytes (à ovules nus, pleins de réserves qui contiennent une " cellule oeuf " non différenciée en plantule). Les représentants actuels de ce groupe sont entres autres le Cycas et le Ginko biloba. C'est cette flore qui sera, par accumulation, à l'origine des grands bassins houillers d'Amérique du Nord et d'Europe. En dehors des zones humides des conifères pouvaient proliférer. Durant la transition entre l'ère primaire et l'ère secondaire, les continents sont regroupés en une masse continentale unique nommée la Pangée, le climat devient plus chaud et plus sec, un flore plus adaptée apparaît : les ptéridophytes laissent la place aux conifères (gymnospermes spermatophytes). Durant la plus grande partie de l'ère secondaire une flore à gymnosperme règne: cycadales, gynkoales, ptéridospermales et spermatophytes. Les dinosaures s'en nourrissent.

foret.gif Reconstitution d'une forêt au carbonifère.
 

1 : Lepidodendron

2 : Sigillaria

3 : Cordaites

4 : Calamites

5 : Arbre-fougère
 
 

 

A la fin du jurassique apparaissent les probables ancêtres des angiospermes, les caytoniales. A partir de -100 millions d'années, un changement radical de la composition de la flore : les plantes à fleurs (angiospermes) apparaissent sur toute les terres émergées. A la fin de l'ère secondaire les plantes à fleurs dominent la paysage.

Au cours du Tertiaire et du Quaternaire, la composition globale de la flore n'a pas été modifiée par l'apparition de nouveaux taxons. Les grandes glaciations plio-quaternaire ont altéré la composition floristique des différentes régions mais n'ont pas modifié la composition globale de la flore.

Contrairement à l'évolution animale ponctuée d'extinctions massives et d'innovations importantes chez les espèces rescapées, celle du monde végétal a été continue et régulière.
        3. Les grandes crises biologiques

Les archives paléontologiques nous ont enseigné qu'il y a eu des moments de grand chambardement de la vie dans les temps géologiques. Ces grands chambardements correspondent à ce qu'on appelle des extinctions de masse, un phénomène qui a forcé la vie à se réorganiser à plusieurs reprises durant les temps géologiques. Ces grands changements fauniques ont servi à délimiter les grandes ères lorsqu'on a construit le calendrier des temps géologiques. Voici ci-dessous les différentes crises biologiques répertoriées au cours des temps géologiques :

· À la fin de l'Ordovicien (autour de -440 Ma) : un tiers de la faune marine s'est éteint ; les trilobites furent particulièrement affectés.

· À la fin du Dévonien (-367 Ma) : l'écosystème récifal a été fortement atteint ; les récifs disparaissent pour ne revenir que beaucoup plus tard, au Trias, cette fois érigés non plus par les stromatopores et coraux Rugosa et Tabulata, mais par les coraux Scléractiniens et des calcispongiaires ; les poissons marins sont affectés, alors que ceux d'eau douce le sont beaucoup moins ; peu de trilobites survivent (une seule famille).

· À la fin du Permien (-245 Ma) : c'est la plus grande crise ; plus de la moitié des familles d'organismes marins disparaissent et les vertébrés terrestres sont décimés ; on évalue qu'environ 95% des espèces sont disparu de la surface du Globe.

· À la fin du Trias (-208 Ma) : les ammonoïdes et les nautiloïdes, des organismes nectoniques, sont particulièrement affectés.

· À la fin du Crétacé (-65 Ma ; l'extinction K-T pour Crétacé-Tertiaire) : c'est la fameuse disparition des dinosaures ; avec eux ont disparu le plancton marin, les rudistes, les ammonites et presque tous les habitants des fonds marins ; ont survécu, les petits mammifères, les plantes terrestres, les poissons et certains coraux.

La crise K-T est l'une des plus célèbres puisque elle est à l'origine de la disparition des dinosaures. C'est celle-ci même qui suscite aussi encore aujourd'hui les débats les plus passionnés pour l'expliquer. Dans cet exposé, c'est l'exemple moins connu de la crise biologique de la fin du Permien qui sera envisagé.

- les observations de terrains

C'est la plus meurtrière des extinctions de masse, entre 90 et 95% des espèces vivantes disparurent au cours du dernier millions d'années du Permien. Plus du 2/3 des familles d'amphibiens et de reptiles et 30% des ordres d'insectes s'éteignirent. Les végétaux terrestres ne sont pas épargnés, les paléobotanistes ont montré l'absence dans les strates de la fin du Permien de pollens de Gymnospermes pourtant abondant auparavant. En milieu océanique, cette crise frappa certains animaux plus durement que d'autres, les groupes fixés sur les fonds marins furent particulièrement touchés. Il s'agit notamment des coraux, des brachiopodes articulés, des bryozoaires et de divers échinodermes (crinoïdes). Parmi les autres groupes marins décimés se trouvent les derniers trilobites, les foraminifères des eaux peu profondes et les ammonoïdes. Les escargots, les bivalves et les nautiloïdes traversèrent assez bien cette période.

- les responsables de l'extinction

Nous n'avons aucune preuve qu'une météorite ait heurté la terre comme ce fut peut-être le cas lors de l'extinction des dinosaures. Au milieu des années 80, des traces d'iridium avait été décelées mais aucune confirmation n'a pu avoir lieu. Les trapps de Sibérie datés de la fin du Permien nous indiquent que l'activité volcanique aurait pu s'intensifier. On évalue à 1,5 million de Km3 le volume des coulées (par comparaison, en 1783 l'éruption du Laki ne rejeta que 15 Km3 de lave). Les aérosols rejetés dans l'atmosphère auraient d'abord engendré un refroidissement en augmentant l'albédo atmosphérique et une augmentation du rayonnement ultraviolet par suite d'un amincissement de la couche d'ozone. A plus long terme, le CO2 libéré aurait provoqué le réchauffement de l'atmosphère par effet de serre. Il semble toutefois difficile d'expliquer l'extinction de 90% des espèces par le seul volcanisme. Des éruptions similaires à celles ayant engendré les trapps sibériens sont connues mais sans avoir provoqué la réduction de la diversité des formes de vie locales ou globales. Ces éruptions n'ont peut-être été qu'un maillon de la chaîne complexe qui a abouti à cette crise.

La géochimie apporte aussi un certain nombre de renseignements. Les rapports isotopiques du carbone (DC13) ont varié à la fin du Permien : une quantité supérieure de matière organique semble avoir été déposée à cette époque. On ignore à quoi peut correspondre cette accumulation mais elle est contemporaine d'une chute du niveau des océans. La baisse du niveau marin perturba l'environnement biologique côtier en même temps que des aires continentales se découvraient intensifiant ainsi l'érosion, le transport et l'oxydation de la matière organique. La conséquence fût une diminution de la quantité d'O2 et l'augmentation du CO2. La planète se réchauffa alors. D'autres perturbations eurent lieu notamment lorsque le niveau des océans augmenta de nouveau en engloutissant les îles et les habitats côtiers. On pense que la raréfaction de l'oxygène dissous dans l'eau de mer (il y en avait moins dans l'atmosphère) aurait eu un effet asphyxiant sur les espèces marines les plus sensibles. Très récemment, d'autres hypothèses ont émergé, des indices d'un événement extra-terrestre ont été signalés à la limite Permien-Trias, notamment sous forme de fullerènes (molécules particulières formées uniquement d'atomes de carbone) qui seraient d'origine extra-terrestre. Le rôle d'un impact météoritique n'est donc pas forcément à écarter.

Comme on peut le lire, les hypothèses sur les origines de la crise permo-triasique sont multiples et se sont probablement combinées pour provoquer une extinction de cette envergure. Il existe encore beaucoup de zones d'ombre sur cette extinction de masse, mais en revanche on sait que les conséquences sur l'histoire de la vie sont supérieures à tout autre évènement survenu après l'apparition des animaux complexes. A l'école primaire les enfants apprendraient ce que sont les crinoïdes et les brachiodes et non les étoiles de mer et les oursins. Sur la plage ils pêcheraient des trilobites piégés à marée descendante dans des flaques d'eau.