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Localisation auditive chez la personne non-voyante

Par mternaux — Dernière modification 29/09/2017 15:38

     Des études montrant que certaines personnes non-voyantes localisaient  les sons plus facilement que d'autres participants voyants ( ou non-voyants), l'hypothèse suivante a été soulevée:

"les aires dédiées à la vision pourraient jouer un rôle dans le traitement des sons, chez ces individus non-voyants"

Cette hypothèse sous-tend évidemment que soit bien défini le substrat neuronal impliqué ; quelles aires visuelles sont utilisées? d'autres aires cérébrales sont-elles impliquées? à quoi peut-on attribuer les différences individuelles entre non-voyants?

Expérience : ( Gougoux et al., 2005 - Centre de recherche en neuropsychologie et cognition, Département de psychologie, Université de Montréal , en ligne)

La technique utilisée a été la TEP (tomographie par émission de positons) ainsi qu'un périmètre de haut-parleurs qui permettait de présenter la tâche de localisation sonore à même l'appareil d'imagerie.

 

 localisation sonore.jpg
 

 Périmètre de haut-parleurs utilisé pour l'expérience d'imagerie cérébrale 

L'image de droite montre le périmètre inséré dans le scanner de TEP 

L'appareil de TEP permet de mesurer les changements d'activité cérébrale représentés par des changements subtils de débit sanguin cérébral lors de la  tâche de localisation sonore

 

Dix neuf personnes ont participé à l'étude; soit sept personnes voyantes et douze personnes non-voyantes depuis le jeune âge (avant la puberté).

L'ensemble des personnes a tout d'abord été testé pour une tâche de localisation sonore en chambre anéchoïque (= sans écho). Les parois sont construites de manière à absorber totalement toutes les ondes sonores qui les frappent. Les participants devaient indiquer d'où venaient les sons présentés dans un périmètre de haut-parleurs placés devant eux. La tâche était faite en condition binaurale (deux oreilles) et aussi monaurale (une des oreilles est bouchée temporairement).

Lors de la tâche de localisation auditive binaurale, les sujets non-voyants montraient une performance identique à celle des voyants.  Cependant, lors d'une tâche monaurale, la moitié des sujets non-voyants montraient une performance supérieure aux sujets témoins.

Trois groupes de participants ont ainsi été déterminés :

  • non-voyants avec performance supérieure (early blind with superior performance =EBSP : 5 personnes)
  • non-voyants avec performance normale (early blind with normal performance = EBNP : 7 personnes)
  • voyants (sighted control group = SIG : 7 personnes)

 

Résultats

images TEP loc_sonore.jpg
 

Localisation sonore monaurale lors de l'expérience de TEP pour les trois groupes de participants
( figure adaptée de Gougoux et al., 2005)

images du haut : coupes sagittales

images du bas : coupes frontales

A : Augmentation du débit sanguin cérébral 

Des activations des aires visuelles sont observées pour le groupe des non-voyants avec  performance supérieure ( EBSP) mais pas pour les deux autres groupes 

B : Données comportementales 

La ligne pointillée représente la performance moyenne  idéale alors que la ligne continue représente la performance moyenne du groupe concerné. 

Le groupe des non-voyants ( EBSP) présente une performance supérieure aux deux autres groupes

 

On constate en condition monaurale que le groupe EBSP montre une performance comportementale supérieure aux deux autres groupes. Une activation est observée au niveau des aires visuelles chez ce groupe mais pas dans les autres groupes.

Le degré d'activation au niveau des aires visuelles est corrélé à la performance comportementale de localisation auditive chez les personnes non-voyantes. Ceci suggère que les personnes qui ont une performance supérieure recrutent les aires occipitales afin de localiser les sons en condition monaurale. 

 

En localisation binaurale, une désactivation est observée au niveau des aires visuelles du groupe des voyants et non pour les deux groupes de non-voyants. Le premier groupe montre une inhibition intermodale, contrairement aux groupes de non-voyants.

 

loc binaurale.jpg

 

A : On observe une diminution de l'activité (CBF = cerebral blood flow, diminution du débit sanguin cérébral en bleu -violet) du cortex visuel ( strié et extra strié) chez les individus voyants ( SIG) par rapport aux non -voyants

B : Des pics d'activation sont visibles dans la partie droite du cortex extrastrié chez les individus EBSP (non voyants à performance supérieure) mais pas pour les deux autres groupes

C : Les trois groupes sont capables de localiser les sons avec précision

  

On pourrait donc penser que les groupes de non-voyants ne nécessitent pas l'inhibition de la modalité visuelle.

Ainsi ces résultats suggèrent que les aires visuelles pourraient être recrutées chez certains individus non-voyants, pouvant constituer un substrat neuronal à la base de leur performance auditive supérieure.

Il reste encore quelques questions et notamment les raisons pour lesquelles certaines personnes non voyantes ne bénéficient pas de cette réorganisation fonctionnelle du cortex visuel ( facteurs innés ou d'expérience en jeune âge?)