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Placer l'élève en position d'enquêteur

Par cauge — Dernière modification 15/09/2015 16:49
Astuce pédagogique pour replacer l'élève au coeur de son apprentissage.

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Quand je dis « enquête », je pense cluedo©,  jeu, roman policier… Dans une enquête, j’ai du suspens, j’’ai des interrogations et j’ai un intérêt. Nous, les professeurs, nous voyons immédiatement cette magie de la littérature : des grandes quêtes du Graal à celle du temps perdu en passant par celles de Sherlock Homes jusqu’à la terre du Milieu, nous savons que l’enquête est au cœur de la littérature. Nous savons que l’enquête est au cœur de la critique et de la recherche littéraires, comme Pierre Bayard nous le démontre dans ses enquêtes critiques. Cependant, pour nos élèves, cette dimension ludique est cachée, dissimulée derrière des éléments fastidieux : la grammaire n’est pas vue comme un jeu de la langue mais comme une torture lancinante ; les figures de style ne sont pas vues comme des effets magiques mais comme des pièges sadiques inventés par des écrivains imaginant des élèves planchant sur leur chiasme complexe ; le commentaire composé n’est qu’un exercice rigoureux et fastidieux et non une enquête pour éclaircir le texte…

Je suis partie de ces réflexions jetées ici rapidement l’année dernière avec une classe très difficile et peu encline au travail. Depuis, je ne suis qu’émerveillée face aux possibilités de cette méthode. Il ne s’agit pas de démagogie mais d’éveiller par une simple astuce de présentation leur intérêt.

De quoi s’agit-il ? Explication à partir d’un exemple concret

 

Exemple 1 : Enquête sonnet

Enquête sonnet 1Enquête sonnet 2

Objectif pédagogique :

Il s’agit ici de la première enquête que j’ai inventée.  Mon objectif pédagogique était simple : en une séance d’une heure, je souhaitais faire un cours sur le sonnet. Il s’agissait donc d’un cours très théorique et technique…dans l’objectif de les laisser, ensuite, écrire un sonnet. 

Mise en place de l’enquête :

Pour cela, je suis partie d’une énigme – c’est-à-dire d’une vraie question que les professeurs et les élèves se posent : pourquoi le Sonnet boiteux de Verlaine est-il boiteux ? On comprend bien que pour comprendre en quoi le sonnet boite, il faut comprendre ce qu’est un sonnet…l’objectif du cours est donc atteint par cette question. Sur la fiche distribuée aux élèves, vous pouvez remarquer que cette problématique se trouve en haut en gras et que la réponse est à écrire dans un encart en bas à droite. Entre ces deux parties se trouve une série de loupes indiquant les différentes étapes de l’enquête pour les guider.

Je les invite à regarder la forme des poèmes proposés (Du Bellay, Labé et Ronsard) et à induire des réflexions, des définitions…On notera que mes sonnets classiques ne sont pas identiques afin de souligner tout de suite les subtilités de la forme poétique au XVIème siècle qui seront clarifiés ensuite.

Mise en place du travail en classe :

Les élèves travaillent par équipe. J’ai choisi délibérément ce terme car il nous inscrit là encore dans le domaine du jeu et sous-entend une solidarité du binôme. Le temps imparti aux élèves pour cette enquête est donnée en début de séance (ici 45 minutes)…

Le professeur passe de table en table en permanence, aide les équipes, les relance sur une autre piste, les aiguille et les dirige. Ce travail n’est absolument pas de tout repos mais est très intéressant : il permet d’individualiser tout de suite les élèves.

Et la question de l’évaluation ?

Et comme pour tout jeu se pose la question de la récompense et donc la fastidieuse question de l’évaluation. La première équipe à résoudre l’enquête a un 10/10, la deuxième un 9/10, la troisième un 8/10 et toute équipe qui trouve ensuite dans le temps imparti a un 7/10. Je tiens à ces notes bonus et les défends pour plusieurs raisons. Tout d’abord, elles ont un intérêt fondamental : elles suscitent l’envie de travailler, de la récompense. Est-ce démagogique ? Il ne s’agit pas non plus de « notes au rabais » pour monter la moyenne puisqu’il s’agit de vrais exercices scolaires. Ces notes permettent également de sortir du cadre de la fameuse « note sanction », il s’agit là de notes d’apprentissage valorisantes. J’ai pu remarquer dans mes classes que tout le monde se prête au jeu et quand le professeur annonce que le temps est écoulé, les élèves râlent…Ils se sont battus jusqu’au bout ! Néanmoins, cela fait partie du jeu et on gagnera la fois suivante…

 

Quelles sont les possibilités de cette forme de travail ?

Elles sont riches, variées et infinies. Les exemples parlent d’eux-mêmes, voici donc un aperçu de des différentes applications trouvées en cours de 2nde et 1ère ces deux dernières années...

Exemple 2 : Le jeu de rôle.

Enquête Hugo Enquête Hugo 2Enquête Hugo 3Enquête Hugo 4Enquête Hugo 5

Cette enquête a eu lieu sur trois séances, partagée en enquête collective et par équipe de deux. Elle était une introduction à une séquence sur le théâtre classique, après avoir terminé une séquence sur la poétique romantique. L’objectif pédagogique était de découvrir les règles du théâtre classique à travers un évènement de l’histoire littéraire, la bataille d’Hernani. Les élèves incarnaient un inspecteur de police qui était chargé d’une mission par son supérieur : enquêter sur le jeune dissident Hugo qui a provoqué une bagarre général au théâtre. Ainsi, nous avons travaillé, derrière ce petit inspecteur de police, sur des textes théoriques d’Hugo et nous avons compris les règles qu’il souhaitait abattre. Ainsi, nous avons travaillé l’écriture d’invention : notre inspecteur de police devait rédiger au terme de chaque séance un courrier officiel ou un rapport à son supérieur.

Les élèves n'ont pas eu tous les documents en même temps ; l'idée était de rebondir d'une séance à l'autre sur le travail fait précédemment. Ainsi, la séance 2 a commencé sur une réponse du supérieur lui manifestant son mécontentement quant à un travail inachevé et le menaçant de le limoger...

Exemple 3 : L’explication de texte

 

Lorsque nous travaillons avec les élèves une lecture analytique, nous ne pouvons travailler toutes les étapes avec eux, faute de temps et d’intérêt également. L’enquête peut permettre de focaliser le travail sur compétence en particulier de cet exercice si complexe. Ainsi, l’enquête peut être de trouver à partir de tous les éléments du texte, analysés et interprétés un plan qui les regroupe tous.

Les progrès de la ma classe de 1ère STMG sur ce point ont été considérables et je les ai remarqués dans un Commentaire Composé rédigé intégralement à la maison. Si l’analyse et l’interprétation n’étaient pas vraiment au rendez-vous, le travail du plan était là.

Je m'interroge en ce moment sur un moyen de les aider dans l'apprentissage de l'analyse et de l'interprétation...(Affaire à suivre...)

Exemple 4 : L’étude de l’œuvre intégrale.

Je suis persuadée que l’œuvre intégrale est le point le plus intéressant de notre enseignement. Elle permet aux élèves une plongée dans la littérature. Pour moi, étudier une œuvre intégrale, ce n’est pas picorer quatre extraits mais plutôt chercher des parcours de l’œuvre, des études globales qui obligent l’élève à tourner les pages. On s’approche du grand exercice de la leçon, qui, avec mes élèves, sous forme d’exposé ne marche pas. Pourquoi ? Car mes élèves s’enferment eux-mêmes sur internet et s’empêchent de réfléchir. En classe, ils n’ont que leur binôme et leur livre : pas d'échappatoire possible!

Enquête Sartre

Enquête Sartre 2

(NB: ERRATUM pour la première loupe: Cherchez les six didascalies de la pièces où le bracelet serpent est évoqué...)

Tous les élèves n'ont pas (encore)  lu l'oeuvre et ce n’est pas grave pour la séance de travail. En effet, la lecture veut aussi dire étymologiquement « cueillir ». Si mes élèves ne lisent par eux-mêmes, tous seuls, l’œuvre que je leur ai donnée à lire, c’est mon rôle de les amener à rentrer dedans autrement. Ainsi, La putain respectueuse de Sartre a fini, au terme de notre longue séquence, par être lue intégralement par 30 élèves sur 32 en 1ère STMG. Deux grandes enquêtes « parcours de l’œuvre » nous ont guidés : Pourquoi Lizzie a-t-elle un bracelet serpent ? En quoi Lizzie est-elle une drôle de putain, une putain respectueuse ?

Ce travail peut aussi s’appliquer pour une œuvre complémentaire. Ainsi, j’ai travaillé pendant une séance d’une heure seulement en Littérature & Société la BD Le der des der de Tardi. L’enquête à résoudre a été construite ensemble après avoir lu la première vignette et étudié le titre : En quoi une BD qui se déroule en 1920 peut-elle parler de la 1ère guerre mondiale ?

Enquête Tardi

 Enquête Tardi 2

Exemple 5 : Travailler le sujet d’invention

Avec une classe de 1ère ES, l’enquête a été notre fil conducteur dans l’étude de Médée de Corneille. La classe a rédigé un dossier d’instruction pour le procès de Médée : réquisitoire contre Egée, témoignage de Theudas, expertise de l’œuvre de Corneille quant aux motivations de Médée, PV de la scène de crime et discours de Médée. Tout ce travail n’a pu être fait qu’après un gros travail d’enquête dans l’œuvre…

 Pour lire ce dossier d'instruction, je vous invite à lire sur le site du lycée Charlie Chaplin le numéro 7 du Canard de Chaplin...

Mon bilan ?

Je suis très contente : j’ai créé cet exercice l’année dernière en tâtonnant et cette année en le plaçant vraiment en fil conducteur de notre travail, je mesure vraiment sa portée. Je vais continuer !