Virus HPV - Cancer et immunité
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Sandrine Beaudin
Professeur de SVT académie Aix-MarseilleLycée Saint Exupéry - MARSEILLE
Christine Montixi
Professeur de Biotechnologie académie Aix-MarseilleLycée Marie Curie - MARSEILLE
Marianne Naspetti
Professeur de SVT académie Aix-MarseilleLycée Marseilleveyre - MARSEILLE
Publié par
Gérard Vidal
Directeur de collectionENS de Lyon
Institut français de l'éducation
Copyright © 2016-09-01 Livret mis à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Partage dans les mêmes conditions 4.0 International
RésuméLes papillomavirus humains (HPV, human papillomaviruses), responsables du cancer du col de l'utérus, sont un enjeu majeur de santé publique. Les problématiques liées à la vaccination contre les HPV constituent en outre des questions socialement vives enseignées dans le secondaire qui nécessitent de la part des enseignants une bonne appropriation des savoirs scientifiques. Le livre numérique suivant constitue un premier niveau explicatif simple mais complet, qui présente les HPV et leur rôle dans le processus de cancérisation, ainsi que les stratégies vaccinales développées récemment. Un deuxième document, d'un niveau explicatif plus complexe, propose d'approfondir les connaissances sur les HPV tout en présentant d'autres documents exploitables en classe. Il est téléchargeable en cliquant sur le lien suivant sur le site ACCES
Relecture – Référent scientifique : Chloé Journo, Maître de Conférences en Infectiologie, École Normale Supérieure de Lyon - INSERM U1111
Table des matières
- PAPILLOMAVIRUS : PRÉSENTATION DES VIRUS HPV
- MODE DE TRANSMISSION ET POUVOIR PATHOGÈNE DES HPV
- HPV ET CANCÉRISATION
- RELATIONS VIRUS - RÉPONSE IMMUNITAIRE
- VACCINS ET VACCINATION
PAPILLOMAVIRUS : PRÉSENTATION DES VIRUS HPV
Table des matières
- Présentation générale de la famille
- Fiche d'identité générale des virus de la famille des papillomavirus
- Structure du virus : exemple du virus HPV-16
- Cycle viral des papillomavirus
- 1. Particules virales de différents types d'HPV au MET.
- 2. Les différents types de lésions cutanéo-muqueuses et les génotypes viraux associés.
- 3. Classification des HPV ano-génitaux selon leur potentiel oncogène.
- 4. Classification des papillomavirus humains et animaux sur la base de la séquence du gène codant la protéine majeure de la capside L1.
- 5. Organisation de la capside d'un virion de HPV-16, avec un arrachement révélant la protéine L2 (rouge) de la capside associée à la surface intérieure de la protéine L1 (bleu).
- 6. Représentation schématique du génome d'un papillomavirus humain intégré au génome humain.
- 7. Les principales protéines du papillomavirus humain de type 16 et leurs fonctions associées.
- 8. Les étapes essentielles du cycle viral, comme l’attachement, l'entrée, la décapsidation, ou encore l’assemblage et la sortie du virus.
- 9. Cycle de réplication viral en phase non productive (1) et productive (2).
- 10. Relation entre la différenciation de l'épiderme et cycle du papillomavirus (en phase productive).
La cause majeure du cancer du col de l’utérus est l’infection par les papillomavirus humains (HPV) dits de haut risque dont on retrouve l’ADN dans 99,7 % des biopsies [Walboomers et al., 1999]. C’est en 1972 que les premières expériences initiées par le prix Nobel de médecine et de physiologie 2008, le Pr. Zur Hausen, ont permis d’établir une relation directe entre le cancer du col de l’utérus et l’infection par les HPV. Ce lien fut finalement reconnu en 1996 par l’organisation mondiale de la santé (OMS) et le NIH (National Institutes of Health) [Cohen and Enserink, 2008 ; http://www.who.int (OMS- Février 2012)]
Présentation générale de la famille
Les papillomavirus humains constituent un groupe de virus appartenant à la famille des Papillomaviridae responsables des proliférations cutanéo-muqueuses, le plus souvent bénignes, mais parfois malignes. De 150 à 200 types viraux ont été identifiés à ce jour dans l'espèce humaine [Cours de faculté de médecine Pierre et Marie Curie + Jacques Balosso Université Joseph Fourier, Grenoble].
Fiche d'identité générale des virus de la famille des papillomavirus
Le groupe des papillomavirus est un groupe hétérogène qui présente cependant des similitudes dans la structure de la capside, dans l’organisation génomique et au niveau du cycle de réplication. Le tableau ci après résume les principales caractéristiques des virus de cette famille.
Tropisme et lésions des HPV en fonction des génotypes viraux.
Les HPV sont des virus extrêmement répandus. Le tableau ci-après résume les principales manifestations cliniques dues aux papillomavirus humains et les principaux génotypes viraux impliqués.
Les virus HPV peuvent également être distingués en fonction de leur pouvoir oncogène comme le montre le tableau ci-après :
Parmi les HPV à tropisme génital, -qui retiennent toute notre attention puisque majoritairement impliqués dans le cancer du col du l'utérus- on distingue :
-
les HPV-16 et 18 à haut risque oncogène qui sont responsables des lésions précancéreuses et cancéreuses du col utérin, mais aussi d'autres localisations ano-génitales (anus, vagin, vulve, pénis).
Parmi les génotypes d'HPV à haut risque oncogène, les types 16 et 18 ont la plus grande prévalence dans le cancer du col de l'utérus. Au niveau mondial, le virus HPV-16 est associé dans plus de 50 % des cas des cancers du col de l'utérus et HPV-18 dans plus de 15 % des cas.
-
les HPV-6 et 11 à bas risque qui sont associés à des lésions sans potentiel d'évolution vers des lésions de haut grade et le cancer invasif.
Les génotypes HPV-35, 11, 6 sont présents dans moins de 5% des cancers du col de l'utérus (source OMS).
La phylogénie
Les papillomavirus sont des virus très anciens qui ont évolué parallèlement à l’hôte qu’ils infectent. De ce fait la nomenclature pour les désigner consiste à rajouter au suffixe PV (papillomavirus), l’abréviation désignant l’hôte infecté dérivée du terme anglais. Ainsi on parle d’HPV (human papillomavirus), de CRPV (cottontail rabbit papillomavirus), de BPV (Bovine papillomavirus) etc. Devant le grand nombre de papillomavirus recensés, plus de 200 actuellement dont environ 100 humains, il était important d’établir les moyens de les ordonner. L’arbre phylogénétique présenté dans la figure ci-dessous repose sur la représentation graphique obtenue par des algorithmes de différence entre tout ou partie du génome des papillomavirus.
On peut voir que la famille des Papillomaviridae est subdivisée en une douzaine de genres désignés par une lettre grecque (α, β, γ, ...). Chaque genre est divisé en espèces. Celles-ci sont désignées par un chiffre. Enfin, au sein d'une espèce, les virus sont classés en types (HPV-16, HPV-18 etc...). On considère que des virus appartiennent à des types distincts si leurs génomes présentent moins de 90% d'identité au niveau de la séquence nucléotidique.
Cette classification illustre également la très grande variété des papillomavirus humains et autres animaux.
Structure du virus : exemple du virus HPV-16
Ultrastructure du virus
Organisation du génome et principales fonctions des protéines
Le génome des papillomavirus est divisé en trois sections:
-
la région précoce contenant les gènes E6, E7, E1, E2, E4 et E5
-
la région tardive contenant les gènes L1 et L2
-
la région régulatrice LCR (long control région).
L'ADN viral des HPV à risque oncogène est présent dans 90% des tumeurs du cancer du col utérin et des cancers anaux génitaux. Dans 90 % des cancers, l'ADN viral est intégré au génome de la cellule hôte. [Médecine Science].
On retiendra que l'intégration du génome viral dans le génome de la cellule infectée augmente le risque de transformation cellulaire et donc la survenue de cancer.
Les principales protéines du virus HPV-16 et leurs fonctions
Le génome des papillomavirus humains permet l’expression d’au moins huit protéines (E1 à E7 + L1 et L2 sans compter les protéines issues de transcripts produits par épissage alternatif).
Cycle viral des papillomavirus
Généralités sur le cycle de réplication du virus du papillome humain
Le cycle viral des virus HPV et ses principales étapes sont présentés ci-après
-
La rencontre et l'attachement du virus et de la cellule cible.
Le premier stade de l'infection est la rencontre du virus et de la cellule cible. L’attachement du virus à la cellule survient, suite à la reconnaissance entre un motif antigénique présent à la surface du virus (protéines L1 et L2 de la capside) et un récepteur de surface spécifique de la protéine virale présent à la surface de la cellule cible.L’expression de ce récepteur chez l'individu infecté est souvent limitée à certains types de cellules ou de tissus. Le récepteur est donc généralement un déterminant crucial du tropisme d’un virus.
-
L'entrée et la décapsidation.
Les étapes d'entrée et de décapsidation aboutissent à la libération du génome viral dans la cellule cible. Au cours de l'entrée du génome viral dans la cellule, celui-ci est partiellement ou totalement débarrassé des protéines qui le protégeaient dans le virion: ce processus de déshabillage est appelé “décapsidation”. Le génome qui aboutit dans le noyau de la cellule peut être “libre” ou s'intégrer aux chromosomes de la cellule infectée (c'est le cas des cellules des lésions précancéreuses et cancéreuses).
-
Expression des gènes viraux et amplification du génome viral.
Au sein de la cellule, le génome viral joue deux rôles distincts. D’une part, il est utilisé pour assurer l’expression des protéines virales, nécessaires à la réplication du virus et ensuite à la formation de nouvelles particules virales. D’autre part, il est répliqué avant d’être encapsidé pour former de nouvelles particules virales.
-
Assemblage et relargage des virions nouvellement formés.
Les particularités du cycle des papillomavirus
Les différents types de cycles viraux
Le cycle viral des HPV est lié au programme de différenciation des cellules infectées.
Trois principaux types d'infection peuvent être définis sur la base de l'expression des gènes viraux dans les cellules infectées :
-
L'infection latente ou phase non productive (Figure 9) au cours de laquelle le virus pénètre au niveau des cellules basales de l'épithélium sans expression des gènes viraux tardifs (les gènes précoces sont exprimés). L'épithélium apparait sain.
-
L'infection productive ou phase productive (Figure 9): Sous l'influence de certains facteurs endogènes et exogènes, le virus latent se multiplie sans s'intégrer au génome de la cellule infectée. Cette phase est caractérisée par l'expression des gènes viraux tardifs, L1 et L2 dans les cellules intermédiaires et superficielles de l'épithélium infecté. Cela permet la réplication et l'expression de particules virales complètes dans les cellules superficielles de l'épithélium et la diffusion du virus.
-
L'infection transformante qui se produit après ou de manière concomitante à une infection aiguë productive dans les couches basales.L'expression des gènes viraux précoces, E6 et E7, dans les couches basales conduit à une instabilité chromosomique et à des anomalies qui persistent et peuvent conduire à un cancer invasif.
Le cycle viral dépend de l'état de différenciation de la cellule et de l'expression des gènes :
A la faveur d'une lésion dans le revêtement cutané ou muqueux le virus est inoculé aux cellules basales de l’épithélium qui, en se multipliant, migrent vers la surface tout en se différenciant. Dans les couches basales de l’épithélium, seuls s'expriment les gènes viraux précoces ; il n'y a pas de particules virales complètes.Seules les cellules les plus différenciées des couches superficielles c'est à dire les cellules en voie de kératinisation, assurent le cycle viral complet (expression des gènes précoces non structuraux et des gènes tardifs structuraux) avec une abondante production de particules virales. La desquamation de ces kératinocytes infectés assure la diffusion du virus. Les cellules chargées de virions desquament et sont lysées à la surface de l’épithélium, permettant la diffusion du virus. L’infection productive aboutit à la production d’un très grand nombre de particules virales, favorisant la dissémination de l’infection.
MODE DE TRANSMISSION ET POUVOIR PATHOGÈNE DES HPV
Table des matières
- Modalités de transmission des virus HPV
- Histoire naturelle de l'infection à HPV : du premier contact avec le virus à la cancérisation
- Histologie de l'utérus et classification des lésions (pré)cancéreuses du col
- Quelques idées reçues à propos du cancer du col de l'utérus
- Les points clés de l'épidémiologie et de l'histoire naturelle des HPV
- 1. Histoire naturelle du cancer du col de l'utérus (A et B).
- 2. De l'infection incidente à l'infection persistante à HPV.
- 3. Schéma de l'anatomie de l'utérus en vue frontale et endovaginale.
- 4. Localisation de l'endocol, l'exocol et de la zone de jonction.
- 5. Histologie de l'endocol, de la zone de jonction et de l'exocol.
- 6. Histologie de l'endocol, de la zone de jonction et de l'exocol.
- 7. Quelques idées reçues sur le cancer du col de l'utérus.
- 8. Points clés de l'épidemiologie HPV.
L'infection à HPV représente l'Infection Sexuellement Transmissible (=IST) la plus fréquente au monde et touche 75 à 80% des personnes sexuellement actives. On estime en 2009 qu'environ 291 millions de femmes dans le monde sont infectées par l'HPV autrement dit qu'elles sont porteuses de l'ADN d'un ou plusieurs type d'HPV [P.Ernoux – Bull Cancer vol 96. N°10 – Oct 2009]. En 2014, le nombre de femmes dans le monde porteuses d’HPV sous la forme de lésions visibles ou invisibles est estimé à 325 millions [http://www.docteur-joseph-monsonego.fr].
Modalités de transmission des virus HPV
Généralités concernant tous les virus HPV
On distingue trois modalités de transmission des papillomavirus (tout génotype confondu) :
-
une transmission par contact direct : Pour les HPV à localisation génitale ce contact peut avoir lieu par voie sexuelle. Sont également concernés les rapports oraux et anaux génitaux.
-
des contaminations indirectes par l'intermédiaire d'objets contaminés qui s'expliquent par la grande résistance de la capside de ces virus nu dans le milieu extérieur, à la congélation et à la dessiccation. Linge contaminé, bain avec un individu contaminé, sol contaminé des piscines … sont autant de facteurs de transmission des papillomavirus. Les HPV génitaux peuvent être retrouvés dans les poils pubiens et les sécrétions génitales. Ces infections externes peuvent migrer secondairement au niveau du col, l'infection est alors possible en l'absence de toute pénétration.
-
une contamination de la mère à l'enfant est également possible lors de l'accouchement par voie naturelle
-
une contamination de la mère à l'enfant in utéro par passage transplacentaire des virus. Ce fait est étayé par la présence d'ADN viral dans le liquide amniotique en l'absence de rupture des membranes chez des femmes ayant une infection cervicale à HPV. Les virus HPV ne sont pas transmis par voie sanguine
Compte tenu des modalités de transmission similaires, plusieurs types d'HPV peuvent être simultanément ou successivement inoculés à un même individu; les co-infections sont donc fréquentes de l'ordre de 20 à 30 % dans la population féminine.
Mode de transmission des virus HPV-16 et 18
Les principaux facteurs favorisant le risque d'infection liés au comportement sexuel des individus sont
-
un grand nombre de partenaires sexuels
-
une activité sexuelle précoce
-
un nouveau partenaire sexuel
-
un partenaire sexuel ayant eu de nombreux partenaires
-
le type de rapport sexuel.
Certains facteurs tels la circoncision et l’utilisation systématique de préservatifs permettent de réduire le risque de contamination mais ne fournissent en aucun cas une protection absolue contre la transmission des papillomavirus entre les partenaires sexuels, compte tenu du fait que ces derniers se transmettent par contact et qu'ils colonisent la peau à proximité de la région génitale [Source : Castellsagué.X – Gynecologie Ontology 2008; 110 : 4.7 + http://www.docteur-joseph-monsonego.fr].
Histoire naturelle de l'infection à HPV : du premier contact avec le virus à la cancérisation
Les devenirs possibles de l'infection suite à une contamination par des HPV
Environ 75 % des femmes sexuellement actives rencontreront un HPV au cours de leur vie et seront susceptibles de développer une pathologie viro-induite. On estime que 70% des infections virales disparaissent spontanément au bout d'1 an, 90 % à 3 ans (notion de "clairance virale").
La majorité des infections à HPV sont inapparentes et ne sont décelées que par un test virologique.
L’examen cytologique ou histologique révèle, le plus souvent, des anomalies cellulaires peu graves, liées à une multiplication du virus, qui correspondent à une lésion cervicale intra-épithéliale (CIN) de bas grade. La plupart des infections sont transitoires et guérissent spontanément.
En fait, leur histoire naturelle varie selon le type de HPV. Du type de HPV dépend la probabilité qu’une infection reste inapparente ou se traduise par des anomalies cytologiques, que l’infection ou la maladie guérisse spontanément ou persiste, et que l’infection conduise à une lésion intra-épithéliale de haut grade, qui régressera ou persistera (lésion précancéreuse).
Il est important de noter que les lésions provoquées par les HPV(s) guérissent spontanément dans l'immense majorité des cas et que la transformation en cancer invasif n'a lieu que chez un nombre restreint d'individus .
Le caractère asymptomatique et la guérison spontanée de ces infections constituent deux obstacles majeurs à la vaccination des populations qui peinent à se laisser convaincre de la nécessité d'une vaccination contre un agent pathogène dont l'infection demeure silencieuse et dont les effets ne se manifestent que des dizaines d'années après l'infection.
Une partie du travail des acteurs des campagnes de vaccination repose sur l'éducation des populations aux notions de bénéfice-risque dans le cas d'une protection individuelle et collective.
De l’infection inapparente au cancer
La persistance de l’infection par le HPV-16, le HPV-18 ou d’autres HPV à haut risque, comme les HPV -31, -33, -45, -52 et -58, est nécessaire pour qu’une lésion précancéreuse se développe et se transforme en un cancer invasif, en général, après un délai de 10 à 20 ans. C’est l’infection par le HPV -16 (à l’origine de plus de 50% des cancers cervicaux) qui confère le risque le plus élevé. L’intégration de l’ADN viral au génome cellulaire est une étape importante du développement d’un cancer (Figure 10). Le potentiel cancérigène des HPV "à haut risque" résulte de la capacité de deux protéines virales ( E6, E7 ) de perturber les mécanismes qui règlent la division des cellules épithéliales et assurent l’intégrité de leur génome, ce qui entraîne une prolifération anormale et des altérations génétiques (Figure 23 et 26).
Histologie de l'utérus et classification des lésions (pré)cancéreuses du col
Histologie de l'utérus
Le col de l'utérus, encore appelé cervix, correspond à la partie inférieure de l'utérus qui s'implante au sommet du vagin.
Le col de l'utérus se subdivise en différentes zones : l' endocol situé en position sus-vaginale qui relie la cavité utérine et vaginale et l' exocol situé en position intra-vaginale, visible à l'examen au spéculum et palpable au toucher vaginal. L’exocol comporte sur sa partie centrale l’orifice externe.
La zone de passage entre l'exocol et l'endocol se nomme zone de jonction pavimento-cylindrique (=JPC).
La localisation de la zone de jonction pavimento-cylindrique originelle (JPC) varie avec l’âge de la femme, son statut hormonal, le traumatisme provoqué par l’accouchement et l’utilisation ou non d’une contraception orale.
Le schéma ci-après localise ces principales structures anatomiques
L'histologie de la muqueuse du col utérin est très différente selon que l'on se situe au niveau de l'endocol ou de l'exocol. L'endocol possède un épithélium cylindrique simple et l'exocol présente un épithélium non kératinisé, semblable à l'épithélium vaginal.
Le tableau ci-après résume les principales caractéristiques histologiques de chacune des zones du col de l'utérus.
La zone de jonction (JPC) entre l'épithélium malpighien de l'exocol et l'épithélium glandulaire de l'endocol constitue une zone de fragilité au niveau de laquelle les virus peuvent pénétrer dans l'organisme car dans cette zone les cellules se répliquent activement. Ainsi les virus HPV-16 et 18 responsables du cancer du col de l'utérus peuvent atteindre leurs cellules cibles :
-
soit directement au niveau de la zone de jonction (JPC) entre l'épithélium malpighien de l'exocol et l'épithélium glandulaire de l'endocol.
-
soit par le biais de microlésions présentes au niveau de l'exocol qui rendent accessibles les cellules basales de l'épithélium.
Systèmes de classification des lésions cervicales précancéreuses
Les cancers du col peuvent appartenir à deux types histologiques: des cancers épidermoïdes (95%) et des adénocarcinomes ou cancers glandulaires (5%). Il existe plusieurs systèmes de classification et de dénomination des lésions précancéreuses du col de l’utérus, mais pas de consensus quant à la nomenclature c'est-à-dire à l'utilisation de telle ou telle classification pour désigner la transformation cancéreuse de ces cellules au niveau du col de l'utérus. Ces classifications reposent sur des critères cytologiques, histologiques ou encore sur l'étendue des lésions.
La figure 6 ci-après résume de manière synthétique certains aspects cliniques et biologiques des lésions (pré)cancéreuses du col de l'utérus.
Quelques idées reçues à propos du cancer du col de l'utérus
Les points clés de l'épidémiologie et de l'histoire naturelle des HPV
HPV ET CANCÉRISATION
Table des matières
- Rappels : La transformation cellulaire
- Implication des oncogènes E6 et E7 vers la cancérisation
- Interaction entre E6 et p53 dans la voie de cancérisation
- Interaction entre E7 et pRb dans la voie de cancérisation
- Les points clés du rôle des HPV dans le processus de cancérisation
- 1. Les sept propriétés fondamentales d'une cellule tumorale.
- 2. Télomères et sénescence réplicative.
- 3. Comparaison Cellule transformée / Cellule immortelle.
- 4. Cycle cellulaire et points de contrôles associés.
- 5. Expression de la protéine p53 (western blot) et d'une protéine témoin GAPDH dans les cellules NOE (cellules épithéliales humaines, épithélium buccal).
- 6. Effet de l’oncoprotéine E6 sur l’activité télomérase.
- 7. Activités de l’oncoprotéine E6.
- 8. Rôle de la protéine Rb au cours du cycle cellulaire.
- 9. Mode d’action de E7.
- 10. Activités de l’oncoprotéine E7.
- 11. Mécanismes moléculaires par lesquels les oncoprotéines du papillomavirus coopèrent pour induire une carcinogénèse du col de l’utérus. .
- 12. Points clés HPV Cancérisation.
Le processus de tumorigénese chez les humains est un processus en plusieurs étapes. Ces étapes sont le reflet de modifications génétiques qui conduisent à la transformation progressive de cellules humaines normales en cellules malignes. Ces modifications peuvent être regroupées en sept altérations essentielles de la physiologie cellulaire [the Hallmarks of Cancer, Cell 2000].
Rappels : La transformation cellulaire
Les sept propriétés fondamentales d'une cellule tumorale
Indépendance vis à vis des facteurs de croissance
Les cellules « normales » nécessitent des signaux de croissance pour pouvoir entrer dans un état de prolifération active. De nombreux oncogènes impliqués dans le processus de tumorigénese agissent en mimant ces signaux de croissance.
Insensibilité́ aux signaux inhibiteurs de la prolifération
Dans un organe ou tissu normal, de nombreux signaux antiprolifératifs opèrent pour maintenir une quiescence cellulaire et une homéostasie tissulaire, ces signaux incluent à la fois des inhibiteurs solubles de croissance et des inhibiteurs liés à la matrice extracellulaire. Ces signaux inhibiteurs de croissance sont réceptionnés par des récepteurs membranaires et couplés à des voies de signalisation intracellulaire. Ces voies de signalisation sont associées à l’horloge du cycle cellulaire et plus particulièrement aux molécules gouvernant la progression durant la phase G1 du cycle telles que la protéine du rétinoblastome pRb. On retrouvera donc dans de nombreuses tumeurs humaines une altération de la voie de signalisation impliquant cette protéine et celles qui lui sont associées.
Échappement à l’apoptose
La capacité de populations de cellules tumorales à croitre en nombre dépend non seulement de leur taux de prolifération mais aussi de leur taux de mortalité. La mort cellulaire programmée ou apoptose représente une part importante de ce taux de mortalité. Cette mort cellulaire résulte de la mise en place d’un véritable programme de destruction sélective des structures cellulaires, des organites et du génome. La résistance à l’apoptose peut être acquise par les cellules cancéreuses à travers de nombreuses stratégies, mais la plus courante toutefois implique le gène suppresseur de tumeur p53, véritable détecteur entre autre des dommages liés à l’ADN, qui peut activer la machinerie apoptotique. L’inactivation fonctionnelle de la protéine p53 est en effet observée dans plus de 50% des cancers humains.
Potentiel réplicatif illimité
Les cellules en culture possèdent un potentiel de réplication limité, une fois que ces cellules ont réalisé un certain nombre de divisions, elles cessent de proliférer selon un processus nommé sénescence. Inversement, la plupart des cellules tumorales en culture apparaissent immortelles suggérant que l’acquisition d’un potentiel réplicatif illimité est une des caractéristiques à acquérir pour une cellule en progression tumorale. Le potentiel réplicatif d’une cellule est lié à l’extrémité de ces chromosomes : les télomères qui sont composés de milliers de courtes séquences de 6 paires de bases répétées. A Chaque cycle cellulaire, 50 à 100 paires de bases sont perdues à l’extrémité de chaque chromosome. L’érosion progressive des télomères conduit à la perte de protection de l’extrémité des chromosomes, à la fusion des chromosomes, puis inévitablement à la mort des cellules concernées. Le nombre de cycles cellulaires pouvant être effectués par une cellule est donc limité par la longueur des télomères. En réponse à cette perte progressive, un mécanisme spécifique permet de rallonger les télomères. C’est l’activité de la télomérase, ribonucléoprotéine (assemblage d'ARN et de protéines) qui catalyse l'addition d'une séquence répétée spécifique à l'extrémité des chromosomes.
Chez l’Homme, la télomérase est active dans les tissus de la lignée germinale, mais pas dans les tissus somatiques. Par contre, elle est réactivée dans la majorité des cancers. Cette réactivation est nécessaire à la mise en place de l’immortalité dans ces cellules, et donc favorise la progression tumorale.
Stimulation de l’angiogenèse.
Le dioxygène et les nutriments apportés par la vascularisation sont cruciaux pour la survie cellulaire et obligent virtuellement toute cellule à se situer dans les 100 micromètres autour d’un capillaire sanguin. Pour progresser en taille et se développer, les cellules tumorales doivent développer une capacité à stimuler la croissance des vaisseaux sanguins (angiogenèse).
Envahissement du tissu environnant et métastases.
Tôt ou tard au cours du développement de la plupart des cancers, certaines cellules se détachent de la masse tumorale et migrent dans l’organisme. Cette capacité permet aux cellules tumorales de coloniser un nouveau territoire de l’organisme où, au moins au début, les ressources nutritives et l’espace ne sont pas limitants.
Échappement à l’immunosurveillance.
Plusieurs arguments expérimentaux et cliniques indiquent clairement que les tumeurs sont potentiellement immunogènes. En effet, l’instabilité génétique des cellules tumorales se traduit par l’accumulation de mutations, de translocations et de délétions provoquant l’expression d’antigènes normalement réprimés et produisant de nouveaux peptides antigéniques. Par ailleurs, l’instabilité de ces cellules induit la surexpression de certains gènes dépassant ainsi le seuil d’alerte du système immunitaire.
De nombreux travaux ont mis en évidence différents mécanismes moléculaires permettant à la tumeur d’échapper ou d’interférer avec la réponse immunitaire antitumorale. Ces mécanismes d’échappement peuvent être classés en plusieurs catégories, selon qu’ils sont inhérents aux cellules cancéreuses, au micro-environnement tumoral ou aux effecteurs du système immunitaire :
-
Mécanismes inhérents aux cellules tumorales : des altérations de l’apprêtement et/ou de la présentation des peptides antigéniques par les cellules tumorales, permettent à ces cellules d’échapper à la lyse spécifique par les effecteurs cytotoxiques (LT CD8).
-
Micro-environnement tumoral : les cellules tumorales se caractérisent par une capacité à moduler les réponses inflammatoires et à s’adapter au micro-environnement dans lequel elles évoluent et qu’elles façonnent de manière à ce qu’il leur soit favorable.
Comparaison entre cellule transformée et cellule immortelle
Implication des oncogènes E6 et E7 vers la cancérisation
Des études in vitro indiquent qu’à eux seuls les gènes E6 et E7 des HPV à haut risque sont immortalisants et transformants, laissant suggérer le caractère à risque des lésions qu’ils induisent. [m/s n° 6-7, vol. 12, juin-juillet 96]. Les oncoprotéines E6 et E7 des HPV-16 et 18 se fixent spécifiquement à des protéines cellulaires codées par des gènes suppresseurs du cancer, respectivement p53 et pRb. En inhibant l'activité de ces deux protéines, les virus empêchent le processus d'apoptose et incitent la cellule à passer en phase de division active.
Interaction entre E6 et p53 dans la voie de cancérisation
p53 et le contrôle du cycle cellulaire.
La progression du cycle cellulaire est contrôlée d'une manière très rigoureuse. Elle peut être bloquée en quatre points principaux (R, S, T et A), qui opèrent au cours des phases G1, S, G2 et M. En principe, il s’agit de points de non-retour : une fois qu'ils sont franchis, la progression dans le cycle continue, quoiqu'il advienne.
Le premier (R) empêche l'entrée en phase S. Une fois cet obstacle franchi, la cellule est autorisée à répliquer son ADN. Mais la réplication peut s’arrêter au deuxième point de contrôle (S), si elle ne se déroule pas correctement. Le troisième point de contrôle (T) interdit à la cellule d'entrer en mitose. Le quatrième point (A), aussi appelé point de contrôle du fuseau, empêche la mitose de s'achever : les chromosomes ne peuvent pas migrer vers les pôles du fuseau mitotique et se séparer en deux lots, comme cela se produit au cours d’une anaphase normale.
Les transitions entre les phases G1/S et G2/M du cycle cellulaire sont sous le contrôle biochimique de la famille des protéines « cyclines ». Les cyclines fonctionnent par fixation et activation des kinases cyclines-dépendantes (Cdk). Leur nom dérive du fait qu'elles sont périodiquement synthétisées et détruites en synchronie avec le cycle cellulaire. Les fonctions de p53 dans le cycle cellulaire incluent le contrôle de la transition G1/S du cycle. Ce contrôle se fait par blocage de l’activité des complexes cycline-Cdks ce qui entraine l’arrêt du cycle à la transition G1/S.
Conséquences de l’interaction E6 et p53
L’oncoprotéine E6, en se liant à p53, contribue à la dégradation de cette dernière avec comme conséquence une altération de la fonction régulatrice du cycle cellulaire. Dans les cellules transformées par HPV16 ou 18, les taux de p53 sont très faibles.
Rôle de l’oncoprotéine E6 dans l’immortalisation cellulaire
Bilan des activités de l’oncoprotéine E6
La protéine E6 est à elle seule capable d’immortaliser les cellules. En revanche, la transformation des kératinocytes par les papillomavirus nécessite l’activité d’une seconde protéine, la protéine E7 [Barbosa and Schlegel, 1989 ; Munger et al. 1989].
Interaction entre E7 et pRb dans la voie de cancérisation
Le gène de susceptibilité au rétinoblastome (Rb) fait partie d’une famille de gènes connus comme des gènes suppresseurs de tumeur qui ont pour propriété de régler le cycle cellulaire.
Rôle de la protéine Rb au cours du cycle cellulaire
Rôle de E7 dans l'abolition de la fonction de Rb au cours du cycle cellulaire
L’oncoprotéine E7 se fixe spécifiquement à la forme hypophosphorylée de pRb, ce qui libère E2F. E2F peut alors activer constitutivement les gènes nécessaires à la transition G1/S, et induit une dérégulation du cycle cellulaire.
Bilan des activités de l’oncoprotéine E7
Bilan de l’action conjointe des oncoprotéines E6 et E7
L’induction d’une prolifération aberrante par l’oncoprotéine E7 est un signal inducteur d’apoptose qui est bloqué par les actions de l’oncoprotéine E6. La coopération efficace de ces deux oncoprotéines immortalise les cellules et ce processus est amplifié par l’action de l’oncoprotéine E5. La capacité des oncoprotéines E6 et E7 à cibler des régulateurs de la prolifération, de l’apoptose, de la stabilité génomique et de l’immortalisation, entraine l’émergence d’une population clonale de cellules qui possèdent une propension à transformation et à la progression tumorale.
Les points clés du rôle des HPV dans le processus de cancérisation
RELATIONS VIRUS - RÉPONSE IMMUNITAIRE
Table des matières
- Détournement de la réponse immunitaire innée (réponse inflammatoire)
- Découplage réponse immunitaire innée et adaptative
- Réponse immunitaire et pronostic de persistance ou de régression
- Les points clés sur HPV et réponse immunitaire
- 1. TLR et reconnaissance de motifs associés aux virus chez l’homme.
- 2. Sous expression de la protéine TLR9 dans les kératinocytes exprimant les oncoprotéines E6 et E7 d’HPV16.
- 3. Quelques stratégies d'échappement des virus HPV au système immunitaire.
- 4. Conséquence de l’expression des protéines E5, E6 et E7 sur la présentation des peptides viraux par les molécules du CMH de classe 1.
- 5. Devenir possible de l’infection à HPV.
- 6. Caractéristiques immunitaires dans le cas d’une infection persistante à papillomavirus ou d’une régression-clairance.
- 7. HPV et réponse immunitaire : les points clés.
L’échappement à l’immunité joue un rôle important dans la progression tumorale des carcinomes HPV positifs. Le système immunitaire joue un rôle de protection contre l’infection aux HPV dans les lésions du col de l’utérus, cependant, comparé à d’autres pathogènes, HPV est un pauvre immunogène :
Quelques caractéristiques du virus HPV qui lui permettent d’échapper au SI de l’hôte :
-
HPV est un virus à ADN double brin sans ARN intermédiaire qui pourrait amplifier la stimulation de la réponse immunitaire innée (les ARN simple brin et les ARN double brins viraux peuvent être reconnus par les récepteurs TLR de l’immunité innée).
-
Pendant la phase précoce d’infection, HPV produit des nucléoprotéines qui ne seront pas présentées à la surface des cellules infectées. (Dans les conditions « classiques » d’infection, les peptides antigéniques sont présentés par les molécules du complexe Majeur d’Histocompatibilité ou CMH).
-
La plupart des protéines produites par le virus HPV dans l’épithélium basal accessible au système immunitaire, le sont en très faible quantité.
-
HPV n’infecte que les cellules de la peau et n’entraine pas de mort cellulaire (phénomène activement impliqué dans le déclenchement de la réponse immunitaire innée et adaptative).
-
La réplication du virus et son assemblage se produit dans des cellules qui sont déjà destinées à mourir.
Le résultat est une absence de réaction inflammatoire , de signaux de danger qui pourraient alerter le système immunitaire de l’hôte. HPV est donc très efficace pour échapper à la détection par le système immunitaire de l’hôte chez qui il ne provoque qu’une lente et faible réponse . Cet échappement "passif" est également associé à plusieurs actions mises en par le virus pour détourner la réponse innée (inflammatoire) et la découpler de la réponse immunitaire adaptative.
Détournement de la réponse immunitaire innée (réponse inflammatoire)
Importance de la réponse immunitaire innée (réponse inflammatoire)
Le signal de départ d’une infection, d’un danger est déclenché par la reconnaissance de déterminants ou motifs associés aux pathogènes : les PAMPs (pour "Pathogen Associated Molecular Patterns"). Ces motifs peuvent être reconnus par des récepteurs exprimés à la surface de nombreux types cellulaires : les PRR (pour Pathogen Recognition Receptors). Les récepteurs Toll (ou TLRs pour Toll-Like Receptors) sont des PRR(s) qui ont la capacité de détecter et de se lier à des ligands associés à des pathogènes distincts. Ils signalent de ce fait la présence d’un microorganisme et en conséquence initient et dirigent une réponse immunitaire à leur encontre. La liaison des TLRs conduit à l’expression de nombreuses molécules effectrices, telles que des cytokines pro inflammatoires. Dix TLRs ont été identifiés chez l’homme ; parmi ces derniers TLR3, TLR7, TLR8, et TLR9 sont intracellulaires, et sont impliqués dans la reconnaissance des séquences nucléiques virales. TLR2 (associé en hétérodimère avec TLR1 ou TLR6) et TLR4 sont exprimés en surface et pourraient interagir avec des protéines virales.
Contrôle possible de l’expression et de la voie de signalisation des TLR par HPV
Dans le cas d’une infection par HPV, l’ADN double brin ainsi que les molécules L1 et L2 de la capside des virions HPV sont des PAMPs potentiels qui peuvent signaler un danger une fois liés aux récepteurs reconnaissant ces motifs comme les récepteurs de la famille Toll ou TLR. In vivo, l’étude d’échantillons provenant de patientes infectés par HPV montre que l’expression des TLR semble drastiquement diminuée chez les patientes présentant des lésions progressives. In vitro, certaines études montrent l’expression des oncoprotéines E6 et E7 d’HPV16 dans des kératinocytes humains entraine une diminution de la quantité d’ARNm codant pour le récepteur TLR9 qui intervient dans la reconnaissance de l’ADN double brin (ce qui correspond au génome viral des HPV).
Effets de l'infection par les HPV sur les molécules de l'immunité innée
Une des plus précoces réponses à l’infection est la libération de molécules telles que des cytokines, des chimiokines, qui vont permettre l’infiltration locale des cellules participant à la réaction inflammatoire et la migration des cellules du système immunitaire. Une altération de l’expression de ces protéines aurait donc pour conséquence de diminuer voire d’inhiber la réponse immunitaire nécessaire pour résoudre l’infection. Contrôler l’expression de ces molécules permettrait donc au virus d’échapper à la réponse immunitaire. Plusieurs études ont documenté la capacité des oncoprotéines E6 et E7 à inhiber la production de molécules médiatrices de l’immunité innée et à modifier le spectre des cytokines produites lors d’une infection par HPV.
Découplage réponse immunitaire innée et adaptative
Inhibition du recrutement des cellules présentatrices de l’antigène
Bien que les cellules présentatrices de l’antigène soient présentes dans l’épiderme, leurs précurseurs sont recrutés lors d’une réaction inflammatoire. Ce recrutement est sous la dépendance de cytokines secrétées par les cellules épidermiques. Les cellules exprimant les oncoprotéines E6 and E7 des formes de virus HPV à haut risque ou bas risque produisent moins de ces cytokines, ce qui se traduit par une migration ralentie de ces précurseurs et donc par un nombre réduit de cellules présentatrices de l’antigène sur le site de l’inflammation.
Altération de la présentation antigénique
Une des conséquences les plus documentées de l’infection HPV est la perte de l’expression par les cellules tumorales des molécules du CMH. En conséquence, les peptides immunogéniques des protéines virales d’HPV ne sont pas efficacement présentés par les cellules présentatrices de l’antigène.
Réponse immunitaire et pronostic de persistance ou de régression
Immunité à médiation humorale
La réponse humorale se traduit par la prolifération et la différenciation des lymphocytes B et donc par la synthèse, dans les sécrétions et le sang, d’anticorps dirigés contre les protéines de capside L1 et L2 du virus HPV.
Immunité à médiation cellulaire
La composante cellulaire de l’immunité cervicale joue un rôle déterminant dans le contrôle et l’élimination des lésions précancéreuses. La stimulation du système immunitaire lymphocytaire T, initialement naïf vis-à-vis des HPV, passe obligatoirement par une présentation de l’antigène viral aux lymphocytes T, par des cellules présentatrices de l’antigène (CPA). Les CPA présentent ces antigènes à la fois aux lymphocytes T CD4 qui se differencieront en lymphocytes T "helpers" ou auxiliaires et aux lymphocytes T CD8 qui se differencieront en lymphocytes T "cytotoxiques" (ou CTL). Les lymphocytes T ainsi stimulés, migrent grâce à la circulation sanguine vers les épithéliums infectés et détruisent les kératinocytes infectés selon 2 modalités :
-
soit par la mise en place précoce d’une réponse immunitaire auxiliaire (CD4) grâce aux lymphocytes T CD4 qui jouent un rôle important dans la clairance du virus. Ces lymphocytes CD4 anti-HPV sont initialement dirigés contre les protéines précoces E2 et E6.
-
soit par cytotoxicité directe grâce aux lymphocytes T CD8 cytotoxiques qui sont les effecteurs antiviraux majeurs dans l’élimination des cellules infectées. Ils sont dirigés contre les protéines E6 et E7. Dans les modèles animaux comme chez l’Homme, les réponses cytotoxiques sont faibles ou indétectables dans les lésions cancéreuses. Au contraire, la régression des lésions est associée à une réponse cytotoxique et T helper intense, dirigée contre les protéines E1, E2, E6, E7 et L2.
Les points clés sur HPV et réponse immunitaire
VACCINS ET VACCINATION
Table des matières
- 1. Prévalence des différents génotypes d’HPV dans les cancers invasifs (données cumulées monde).
- 2. Distribution des génotypes de papillomavirus humain (HPV) dans les lésions génitales en France.
- 3. Rappel - déroulement de l’infection génitale à HPV.
- 4. Production de VLP L1 chez la levure Saccharomyces pour le vaccin Gardasil®.
- 5. Caractéristiques comparées des vaccins anti-papillomavirus GARDASIL® et CERVARIX®.
- 6. Recommandations pour la vaccination contre HPV (données 2007).
- 7. Niveaux d’anticorps anti HPV-16 chez les femmes vaccinées par le vaccin bi-valent en fonction de l’âge de la vaccination.
- 8. Bénéfices attendus de la vaccination quadrivalente en France.
- 9. Anticorps neutralisants anti HPV-16 et 18 induits par la vaccination.
- 10. Comparaison des vaccins Gardasil® et Cervarix® en terme de production de cellules B mémoires spécifiques d’HPV-16 et 18.
- 11. Réponses en anticorps neutralisant au cours de l’étude.
Données épidémiologiques
Les infections génitales à HPV sont principalement transmises par contact sexuel, le plus souvent mais pas exclusivement lors d’un rapport avec pénétration. Les HPV sont hautement transmissibles et la plupart des hommes et des femmes sexuellement actifs contracteront une infection à HPV à un moment ou à un autre de leur vie. Tandis que la plupart des infections à HPV sont transitoires et bénignes, une infection génitale persistante par certains génotypes viraux peut conduire au développement de lésions précancéreuses et de cancers ano-génitaux. Environ 120 types de papillomavirus (HPV) sont connus chez l’homme. Parmi eux, 40 sont à tropisme génital préférentiel et une vingtaine, dits « à haut risque oncogène », sont associés à des cancers du col de l’utérus, du vagin, de la vulve et de l’anus. Les types 16 et 18 sont les plus fréquents des HPV à haut risque oncogène, responsables, au niveau européen, de près de 70 % des cancers du col de l’utérus, à côté des types 31, 33, 35, 39, 45, 51, 52, 56, 58, 59, 66… Les HPV dits « à faible risque oncogène », dont les types 6 et 11, sont, eux, à l’origine de condylomes ou verrues génitales.
Source : Asiaf A et al. « Review of the current knowledge on the epidemiology, pathogenesis, and prevention of human papillomavirus infection ». Eur J Cancer Prev. 2014 May; 23(3):206-24.
La situation est évidemment contrastée suivant la région du monde à laquelle on s’intéresse.
En France , les études EDiTH (Etude de Distribution des Types d’HPV) permettent de disposer de données portant sur des milliers de prélèvements provenant de cancers invasifs du col de l’utérus et de cancers de l’anus, ainsi que de lésions de haut grade et de bas grade du col de l’utérus et de verrues génitales.
→ Les génotypes 16 et 18 sont retrouvés dans 82 % des cancers du col de l’utérus et 78 % des cancers anaux ; dans les verrues génitales c’est le type 6 (68 %) et le type 11 (16 %) qui prédominent.
L’infection est pourtant - dans la plupart des cas - transitoire grâce à la mise en place d’effecteurs immunitaires aboutissant à la clairance virale. La plupart des infections à HPV régressent en effet sous l’effet d’une réponse immunitaire cellulaire vis à vis des protéines virales précoces. Ceci peut s’accompagner d’une séroconversion et d’une production d’anticorps mais à un niveau faible parce que le virus reste dans les cellules épithéliales et a peu d’accès aux ganglions lymphatiques. Ce phénomène a permis d’envisager la mise au point de vaccins prophylactiques (= ensemble de moyens médicaux mis en oeuvre pour empêcher l'apparition, l'aggravation ou l'extension des maladies).
Le but de la vaccination anti-papillomavirus est de réduire l’incidence des lésions génitales à HPV et des lésions précancéreuses en administrant précocement des particules mimant le virus mais dénuées de matériel génétique. Cette vaccination ne fait pas partie du calendrier vaccinal obligatoire mais est recommandée par les autorités de santé publique. Les vaccins anti-HPV sont uniquement destinés à l’usage prophylactique; ils n’éliminent pas une infection existante ni ne traitent une maladie liée au HPV. Les mécanismes par lesquels ces vaccins induisent une protection n’ont pas été entièrement élucidés mais semblent faire intervenir à la fois l’immunité cellulaire et des immunoglobulines G neutralisantes (= élaborées par l'organisme vis à vis de certaines substances telles que toxines, virus, bactéries, ces immunoglobulines peuvent s'opposer à l'action de ces substances).
État des lieux
Les deux vaccins
Deux vaccins sont actuellement disponibles, Gardasil® , vaccin quadrivalent , et Cervarix® , vaccin bivalent .
Ces vaccins prophylactiques sont élaborés à partir de pseudoparticules virales L1 non infectantes (voir figure suivante pour exemple), bien tolérées et très immunogènes. Elles empêchent l’infection virale par la production d’anticorps (immunité humorale). Les génotypes à haut risque retenus dans les vaccins Gardasil® et Cervarix® sont les HPV-16 et 18, responsables de 70 % des cancers. Ils préviennent l’infection à HPV et les lésions cervicales et périnéales viroinduites dans plus de 90 % des cas.
En résumé :
Comment vaccine-t-on ?
Indications
Le vaccin quadrivalent : Gardasil® (Merck -Sanofi Pasteur MSD) :
Utilisé en prévention des lésions précancéreuses et des cancers du col, ainsi que des verrues ano-génitales. En outre, ce vaccin quadrivalent est également homologué pour la prévention des lésions précancéreuses et des cancers de la vulve et du vagin ; dans certains pays, il est également homologué pour la prévention des condylomes ano-génitaux chez l’homme.
Le vaccin bivalent : Cervarix® (GlaxoSmithKline) :
Utilisé en prévention des lésions précancéreuses et les cancers du col. Les indications chez l’homme n’ont pas fait l’objet d’une demande d’homologation.
Conservation, administration et calendriers
Ces deux vaccins sont disponibles sous forme de suspension stérile dans des flacons en verre ou dans des seringues pré remplies à usage unique, qui doivent être conservés entre 2 et 8°C et ne doivent pas être congelés. Ces vaccins ne doivent être administrés que par injection intramusculaire à des doses de 0,5 ml.
Ils sont destinés à l’administration chez la jeune fille avant le début de l’activité sexuelle – c’est-à-dire avant la première exposition à l’infection par le HPV. La plupart des pays qui ont homologué ces vaccins recommandent de les utiliser chez les filles âgées de 10 à 14 ans. Certains programmes nationaux recommandent également la vaccination systématique ou une vaccination de rattrapage temporaire chez les adolescentes plus âgées et les jeunes femmes.
Par exemple en France aujourd’hui, le Haut Conseil de la santé publique recommande la vaccination contre les infections à papillomavirus chez les jeunes filles âgées de 11 à 14 ans révolus, avec un rattrapage limité à l’âge de 19 ans révolus.
Un schéma vaccinal à 3 doses était initialement préconisé : le vaccin quadrivalent étant administré une première fois, puis au bout de 2 et 6 mois, le vaccin bivalent administré une première fois, puis au bout de 1 et 6 mois. Très récemment, ces vaccins ont été autorisés pour une administration du vaccin en deux doses espacées de six mois chez les jeunes filles âgées de 9 à 14 ans révolus.
Quelle population vacciner ?
Immunogénicité et âge
La décision de vaccination implique la prise en compte de nombreux aspects, soit liés au comportement sexuel, à l’éducation à la sexualité, en particulier en direction des jeunes et de leur famille, soit d’ordre éducatif comme la prévention des infections sexuellement transmissibles (IST). Pour la France, ces aspects ne sont pas forcément superposables à ceux des autres pays, européens ou non, développés ou en voie de développement.
La transmission des papillomavirus étant essentiellement sexuelle, la vaccination doit donc intervenir avant l’âge des premiers rapports sexuels . L’âge moyen des premiers rapports sexuels a tendance à diminuer dans les pays industrialisés. En Europe, il est estimé à 17 ans. Mais 20 % des jeunes filles ont eu des rapports à l’âge de 15 ans. Les préadolescentes de 10 - 14 ans sont donc une cible privilégiée. De plus, le vaccin est très immunogène entre 9 et 15 ans. Si les jeunes filles de 10 - 14 ans sont probablement les meilleures candidates à la vaccination, prévoir une vaccination « de rattrapage » chez les jeunes femmes jusqu'à 26 ans peut être nécessaire afin d'avoir une couverture vaccinale la plus complète possible. Il est probable qu’à cet âge l’acceptabilité du vaccin soit plus importante à l’occasion d’une première visite de contraception par exemple.
Ce graphique montre qu’après vaccination par le vaccin bivalent , les 15-25 ans ont des titres d’anticorps vis à vis de l’HPV-16 plus élevés que les 45-55 ans. Les titres d’anticorps pour l’HPV-18 donnent des résultats similaires avec cependant des titres globalement plus bas.
Bien que les réponses d’anticorps obtenues par les deux vaccins ne puissent pas être directement comparées en raison des différences entre méthodes d’analyse, on observe le même type de réponse dans chaque groupe d’âge pour le vaccin quadrivalent , avec un pic juste après la 3ème injection puis un déclin graduel jusqu’à un plateau prolongé.
Ainsi, même si la plupart des études documentent la réactivité vis-à-vis des deux vaccins chez des femmes de 15 à 25 ans, ces données avec d’autres confirment l’immunogénicité chez des femmes plus jeunes et des femmes plus âgées, ainsi que chez des hommes. En particulier, deux études réalisées avec le vaccin Cervarix® ont montré que la séroconversion est de 100 %, quel que soit l’âge des sujets vaccinés, et que le titre moyen d’anticorps est maximum chez les sujets de 10 à 14 ans, puis décroît avec l’âge pour atteindre un taux moyen qui est environ 8 à 10 fois moindre chez les sujets de 46 à 55 ans.
Faut-il vacciner les garçons contre le papillomavirus ?
L’homme étant lui aussi porteur et vecteur d’HPV, il pourrait paraître judicieux de l’inclure dans un programme de vaccination. La vaccination des hommes contre les types 16 et 18 présente un intérêt certain du fait des lésions du pénis, de l’anus et de l’oropharynx qui, bien que moins fréquentes que chez la femme, concernent un nombre non négligeable de sujets. Cette vaccination des adolescents des deux sexes contre les HPV aurait également l’avantage de responsabiliser garçons et filles en termes de prévention des infections sexuellement transmissibles et devrait réduire l’incidence de la maladie dans l’ensemble de la population en diminuant le nombre de contaminations lors des rapports sexuels. Une approche statistique a estimé qu’avec un taux de couverture de 90%, une efficacité vaccinale de 75% et une immunité persistante sur 10 ans, la vaccination des deux sexes réduirait la prévalence d’un génotype donné de 45%, contre 30% en cas de vaccination des seules femmes.
De plus, l'efficacité de Gardasil® chez les hommes de 16 à 26 ans a été évaluée au cours d'une étude clinique de phase III, contrôlée contre placebo, randomisée en double aveugle, sur un total de 4.055 hommes qui ont été inclus et vaccinés sans dépistage préalable d'infection à HPV.
Parmi les hommes qui étaient non infectés par 14 types de HPV courants, l'administration de Gardasil® a réduit de 81,5% l'incidence des lésions génitales externes causées par les types HPV vaccinaux (6, 11, 16, 18) ou non.
On s’en doutait donc, il n’y a aucune raison pour que le vaccin ne soit pas efficace chez l’homme. Le débat se place désormais sur le terrain médico économique. Plus le pourcentage de femmes vaccinées augmente, moins il est intéressant de vacciner les hommes ; et inversement ! La question médico économique est d’autant plus importante qu’il s’agit là de l’un des vaccins les plus chers : le rapport coût-efficacité de la vaccination chez l’homme présente - pour l’instant - un surcoût considérable (et déraisonnable ?) de la vaccination des deux sexes.
Bénéfices attendus
En France, dans les prochaines années, l’utilisation du vaccin contre l’infection par les HPV de types 16 et 18 devrait permettre de voir diminuer, au fil de la couverture vaccinale grandissante, non seulement les cancers du col (CC) qui demandent de nombreuses années à se constituer, mais aussi les lésions précancéreuses. Ainsi, avec une couverture vaccinale idéale, près de 80% des cancers pourraient être prévenus, mais environ 50% des CIN 1 et les deux tiers des CIN 2/3 seraient également évités, c'est-à-dire des milliers de lésions, de consultations et de traitements (pour mémoire, voir Article 2 Figure 2, « De l'infection incidente à l'infection persistante à HPV. »).
Vaccination et effets secondaires
Les vaccins anti-papillomavirus font l’objet d’une surveillance particulière sur la survenue d’effets indésirables. Depuis leur commercialisation, ils sont soumis à un plan de gestion de risque européen et national visant à recueillir tous les effets indésirables liés à la vaccination notamment la survenue de manifestations auto-immunes.
Au niveau national, jusque fin décembre 2010, 4 millions de doses de vaccins ont été délivrées et 1700 notifications ont été signalées. Après analyse, le profil de sécurité de ces vaccins a été jugé satisfaisant, les résultats ne montrent pas d’association significative entre la vaccination et l’apparition de maladies auto-immunes.
Les effets indésirables rencontrés sont :
-
Des réactions locales au niveau du site d’injection présentant un caractère bénin et transitoire
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Des saignements ou ecchymoses
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Des effets indésirables graves comme un syndrome fébrile, des céphalées ou une syncope, des convulsions ayant nécessité une hospitalisation présentent une évolution favorable dans la majorité des cas
-
Nombre de manifestations auto-immunes recueillies (arthrite, démyélinisation aigue centrale, lupus érythémateux systémique, thyroïdite, diabète insulinodépendant, thrombopénies…) sont inférieurs à celui attendu dans la population générale, sur la base des données d’incidence et de prévalence disponibles. Ces maladies peuvent survenir en l’absence de vaccination.
Ces données se confirment au niveau mondial, provenant notamment des Etats-Unis, du Japon et de l’Australie. Avec plus de 175 millions de doses délivrées dans le monde, le Comité de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) se montre rassurant concernant l’innocuité des produits disponibles. Ce comité continue de récolter des données d’innocuité, surtout dans les pays et les régions où le vaccin est en cours d’introduction, ou comme en Australie où le programme de vaccination s’est étendu depuis le 1er février 2013 aux hommes.
Comparaison des deux vaccins : la question des adjuvants
La formulation du vaccin est étudiée de manière à potentialiser l’activité du système immunitaire, les adjuvants présents dans les vaccins permettent d’augmenter l’amplitude et la durabilité de la réponse vaccinale. Ils permettent également de réduire la quantité d’antigènes vaccinaux utilisés.
Dans un premier temps, ils activent les récepteurs Toll-like (TLRs) indispensables au déclenchement de la réponse immunitaire innée. Puis en fonction des propriétés de chaque adjuvant, on obtient une réponse spécifique :
-
L’adjuvant phospholipidique, tel que MPL (monophosphoryl lipid A) adsorbé sur hydroxyde d’aluminium, le AS04, contenu dans le vaccin Cervarix®, active le TLR4 ce qui induit la production de cytokines pro inflammatoires qui stimulent à leur tour les CPA. En complément, le MPL induit une différenciation de lymphocytes T Helper de type 1 : Th1 (Didierlaurent et al. The Journal of Immunology, 2009).
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L’hydroxyphosphate d’aluminium, présent dans les deux vaccins, oriente la différenciation vers des cellules T Helper de type 2 (Th2) qui facilite l’activation de lymphocytes B mémoires et de plasmocytes.
Les progrès en immunologie ont conduit à reconnaître l’importance des récepteurs Toll-like (TLR), présents notamment sur les cellules dendritiques, dans la réponse adaptative du système immunitaire. Les stimuler permet l’activation de ces cellules présentatrices d’antigène et la sécrétion de cytokines. Très logiquement, la recherche s’est penchée sur ces TLR de manière à affiner la réponse immunitaire, et le concept d’agents stimulateurs spécifiques des TLR a été utilisé avec l’adaptation de l’adjuvant AS04 aux vaccins contre le virus HPV. Pour être réellement efficace, l’immunité engendrée par le vaccin doit être de longue durée. Or, l’adjuvant AS04, en interagissant avec les TLR de type 4 (TLR4) amplifie la réponse immunitaire humorale, et plus particulièrement sa durée d’une manière supérieure aux adjuvants généralement utilisés comme le montrent plusieurs études comparant l’immunogénicité du Gardasil® et du Cervarix® sur une cohorte de femmes ayant reçu les trois doses de l’un ou l’autre des vaccins.
Production d’anticorps neutralisants dirigés contre HPV-16 ou 18 suite à la vaccination :
Le vaccin formulé avec l’adjuvant AS04 induit une réponse plus importante et durable que le vaccin formulé avec de l’hydroxyde d’aluminium seul, en terme d’anticorps sériques neutralisants dirigés contre les épitopes V5 et J4. Ces deux épitopes sont des épitopes conformationnels importants pour la neutralisation des HPV-16 et 18 respectivement.
Source : "Immune response to human papillomavirus after prophylactic vaccination with AS04-adjuvanted HPV-16/18 vaccine: Improving upon nature; 2008."
Quand le vaccin formulé avec l’adjuvant AS04 (500 μg d’hydroxyde d’aluminium + 50 μg de lipide A détoxifié) est comparé avec celui formulé avec l’hydroxyde d’aluminium seul, même si les deux induisent une réponse humorale de longue durée persistant sur plusieurs années chez les femmes vaccinées, la vaccination avec l’adjuvant AS04 induit des niveaux de production d’anticorps significativement plus hauts sur la période d’observation.
Par ailleurs, AS04 induit avec une plus grande fréquence (2.2 à 5.2 fois plus) d’apparition de cellules B mémoires spécifiques d’HPV-16 et 18 en comparaison des fréquences obtenues avec le vaccin formulé avec l’hydroxyde d’aluminium seul.
Fréquence des cellules B mémoires spécifiques d’HPV-16 et 18 par million de cellules B mémoires détectables le 7ème mois chez les répondeuses ayant suivi un schéma vaccinal complet ; échelle logarithmique.
Source :"Comparison of the immunogenicity and safety of Cervarix® and Gardasil® human papillomavirus (HPV) cervical cancer vaccines in healthy women aged 18–45 years. Einstein et al. Human Vaccines 5:10, 705-719; October 2009."
Efficacité clinique
L’efficacité du vaccin anti papillomavirus contre le cancer invasif du col de l’utérus ne peut pas être actuellement démontrée puisque le délai moyen d’apparition d’un tel cancer après une infection est d’environ 15 ans. Cependant l’efficacité de ce vaccin peut être évaluée sur les lésions cervicales de haut grade (CIN2/3) qui font suite à une infection mais qui précèdent le stade de cancer invasif du col de l’utérus.
Gardasil®
Deux études ayant inclus plus de 17 500 femmes âgées de 16 à 26 ans, sur une durée médiane de 42 mois, ont montré que l’efficacité de Gardasil® dans la prévention des lésions cervicales de haut grade (CIN 2/3) et des adénocarcinomes in situ associés à l’infection par les HPV-16 et 18 était de 98,2 % dans la population âgée de 16 à 26 ans, non infectée par les types de HPV inclus dans le vaccin et ayant reçu les trois doses vaccinales dans l’année suivant le début de l’étude. L’efficacité de Gardasil® était de 99 % dans la prévention des verrues et de 100 % dans la prévention des lésions vulvaires et vaginales de haut grade liées aux HPV 6, 11, 16 et 18.
En revanche, dans l’analyse incluant aussi des sujets ayant reçu au moins une dose vaccinale, quel que soit leur statut HPV initial, donc qui peuvent être déjà infectés par les génotypes contenus dans le vaccin lors de la première injection vaccinale, l’efficacité vaccinale est nettement moindre (39 %) contre les CIN2/3 ou adénocarcinomes in situ associés aux infections par les HPV-16 et 18.
Cervarix®
Une étude ayant inclus plus de 18 000 femmes âgées de 15 à 25 ans sur un suivi moyen de trente-neuf mois a montré que l’efficacité de Cervarix® dans la prévention des lésions cervicales de haut grade (CIN 2/3) associées à l’infection par les HPV-16 et 18 était de 92,9 %, dans la cohorte présentant une absence d’anticorps anti-HPV-16 ou 18, une absence de détection des génomes HPV-16 ou 18, ayant une cytologie normale ou de bas grade (ASC-US ou LSIL) au début de l’étude et ayant reçu trois doses de vaccin.
A noter qu’il a été observé, pour les deux vaccins, une protection croisée vis-à-vis de certains autres types de HPV oncogènes que les HPV-16 et 18.
La protection croisée
La protection croisée correspond à la capacité de prévenir une infection contre un type oncogène non contenu dans le vaccin. Le mécanisme physiologique n’est pas encore clairement élucidé mais il semblerait qu’il repose sur une relation phylogénétique entre ces types HPV.
HPV-16, 18, 31 et 45 appartiennent au genre α papillomavirus, qui est classé en espèces puis en types. HPV-16 et 31 font partie de l’espèce α9 et HPV-18 et 45 de l’espèce α7. Ces types HPV appartenant à la même espèce sont ainsi reliés phylogénétiquement entre eux, l’homologie se base sur la séquence d’acides aminés de la protéine de structure L1. HPV-31 partage ainsi 83% d’identité de séquence avec le type 16 et HPV 45, 88% d’identité avec HPV18.
La vaccination par Cervarix® ou Gardasil® semblerait induire une protection croisée contre les types HPV31 et HPV45. La réponse humorale pour ces types oncogènes reste cependant bien inférieure à celle observée pour HPV16/18, leur taux d’anticorps est à la limite de la détection.
Légende : Moyenne géométrique des titres d’anticorps dirigés contre les types (HPV16, HPV18) représentés dans le vaccin et les types (HPV31, HPV45) non représentés dans le vaccin.
Barres d’erreur, ±95% CI. * p<0.05; ** p<0.01; *** p<0.001.
Cervarix® (courbes bleues) : M0 (n = 94), M2 (n = 91), M7 (n = 91), M12 (n = 92);
Gardasil® (courbes rouges) : M0 (n = 93), M2 (n = 98), M7 (n = 97), M12 (n = 96).
Source : Draper et al. "A Randomized, Observer-Blinded Immunogenicity Trial of Cervarix® and Gardasil® Human Papillomavirus Vaccines in 12-15 Year Old Girls. 2013. PLoS ONE 8(5)."
Parmi ces deux vaccins, le vaccin bivalent apparait comme celui présentant une protection croisée plus importante par rapport au vaccin quadrivalent ; sur les infections persistantes dues à HPV31, l’efficacité vaccinale du vaccin bivalent est à 77.1% comparé à 46.2% pour le vaccin quadrivalent . Et pour les infections dues à HPV45, le vaccin bivalent est à 79% contre 7.8% pour le vaccin quadrivalent .
Influence d’un antécédent d’infection à HPV
Une étude portant sur 20 583 femmes ayant subi une vaccination quadrivalente a permis de comparer les résultats obtenus après avoir séparé la population en trois groupes :
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protocole respecté : cohorte présentant une absence d’anticorps anti-HPV-16 ou 18, une absence de détection des génomes HPV-16 ou 18 au début de l’étude et ayant reçu trois doses de vaccin;
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protocole respecté sans restriction : vaccination complète ou incomplète, absence d’anticorps anti-HPV-16 ou 18 et de détection des génomes HPV-16 ou 18 le 1er jour mais pouvant devenir positives avant le 7e mois;
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et « en intention de traiter » : toutes les femmes y compris celles présentant des anticorps anti-HPV-16 ou 18 ou pour lesquelles les génomes HPV-16 ou 18 sont détectables au début de l’étude.
Dans cette étude, les résultats indiquent que le Gardasil® n'a pas d'effet sur l'évolution des infections ou des maladies en cours au moment de la vaccination.
De la même manière pour le vaccin bivalent , l’effet du vaccin à base de particules pseudovirales VLP a été testé chez des femmes déjà infectées par le virus HPV pour une évaluation thérapeutique. Dans une étude randomisée, la disparition du virus a été évaluée chez 1259 femmes - positives pour la présence d’ADN viral - et vaccinées par Cervarix® (HPV-16 et 18) ou Havrix® (hépatite A). Le taux de disparition des HPV-16 et 18 n’était significativement pas différent dans ces deux groupes, respectivement 35 et 31 % à six mois et 53 et 55 % à 12 mois.
Efficacité des vaccins sur la diminution de la prévalence des HPV 6, 11, 16 et 18
On manque encore de recul pour évaluer correctement l'efficacité de ces vaccins sur la survenue des cancers, qui se constituent des années après l'infection initiale. Cependant, une étude américaine vient de produire des résultats très favorables à la vaccination (Markowitz et coll.). Les auteurs ont recherché les papillomavirus 6, 11, 16 et 18 dans les frottis vaginaux de femmes de 14 à 59 ans prélevées entre 2003 et 2006 (avant l'introduction du vaccin quadrivalent ) ou entre 2007 et 2010, alors que le vaccin était recommandé à l'âge de 11 ou 12 ans. Ils ont observé que chez les femmes de 14 à 19 ans, la prévalence des virus avait chuté de 56 % depuis l'introduction du vaccin, passant de 11,5 % à 5,1 %. Pour les femmes de plus de 19 ans, aucune différence significative n'a été constatée. Ce résultat démontre une bonne efficacité du vaccin, supérieure même à celle attendue, puisque 30 % seulement des jeunes filles concernées par la recommandation ont été totalement vaccinées (3 injections). Les auteurs donnent trois explications possibles à cette efficacité : l'effet d'une immunité collective qui diminue la circulation des virus , une protection conférée par un schéma de vaccination incomplet (1 ou 2 doses), un changement non détecté dans les comportements sexuels.
Les nouvelles stratégies vaccinales
Même si l’efficacité des vaccins prophylactiques contre le cancer du col de l’utérus semble très prometteuse, ceux-ci ne s’adressent qu’aux femmes indemnes d’infection virale et a fortiori de lésions cervicales.
Les scientifiques se penchent maintenant sur la possibilité d’arrêter une infection déjà en cours à l’aide de vaccins thérapeutiques . Ceux-ci auraient pour mission d’éradiquer un processus précancéreux présent chez les patientes. Pour développer de tels vaccins il est primordial de garder à l’esprit que la présence du virus chez une personne infectée n’entraîne pas une immunisation suffisamment efficace : l’intrus peut donc envahir allègrement le col de l’utérus sans que le système immunitaire ne déclenche l’état d’alerte.
→Plusieurs types d’approches sont en cours de développement pour stimuler la réponse immunitaire de l’hôte et l’aider à combattre le virus, mais restent du domaine de la recherche, contrairement aux vaccins prophylactiques disponibles.
Les agonistes des TLR (= substances qui se fixent sur les mêmes récepteurs cellulaires et qui produisent, au moins en partie, les mêmes effets) comme le lipopolysaccharide (LPS), agoniste de TLR-4 ou le poly I-C, analogue d’ARN double brin et agoniste du TLR-3, semblent offrir de nouvelles pistes pour la production de futurs vaccins dirigés contre les HPV comme adjuvants capables de promouvoir une réponse cellulaire.
Ils pourraient s’avérer très utiles pour rompre la tolérance induite par les protéines oncogènes d’HPV (E6 et E7) en annulant le microenvironnement anti-inflammatoire généré par les cellules infectées exprimant ces protéines virales.
De manière plus générale, l’induction d’une réponse pro-inflammatoire peut être envisagée pour rompre la tolérance induite par HPV.