Utiliser ÉduAnat2 pour mettre en évidence les aires cérébrales impliquées dans l’audition
“Entendre la musique”, voilà l’un des thèmes que l’on doit traiter dans le cadre de l’enseignement scientifique, en classe de première.
Cette fonction va bien au delà de la simple perception du son, puisqu’il s’agit de montrer qu’un traitement a lieu dans le cerveau, traitement permettant d’interpréter “l’univers sonore”.
Pour rappel, voici un extrait du programme :
Des aires cérébrales spécialisées reçoivent les messages nerveux auditifs. Certaines permettent, après apprentissage, l’interprétation de l’univers sonore (parole, voix, musique, etc.).
Capacité ou savoir faire : interpréter des données d’imagerie cérébrale relatives au traitement de l’information sonore.
A la lecture du programme, nous voyons que plusieurs approches sont possibles, et s’il est tentant d’envisager de mettre en évidence les aires impliquées dans la reconnaissance des paroles (aire de Wernicke notamment), dans les faits nous ne disposons hélas pas de matériel manipulable par les élèves, hormis sous la forme de documents.
C’est pour cette raison que nous proposerons à la place d’étudier l’activité cérébrale accompagnant l’écoute de musique, et en particulier de l’implication des structures cérébrales jouant un rôle dans les émotions.
Remarque technique : les IRM proposés à l’étude ne peuvent pas être ouverts avec l’ancienne version d’EduAnatomist. Cette ancienne version n’étant plus supportée par l’équipe, il est de toute façon fortement recommandé de passer à ÉduAnat2.
Première partie : mise en évidence d’une activité au niveau du cortex auditif
Avant de s’intéresser à ce qui fait la spécificité émotionnelle de la musique, nous allons visualiser l’activité des aires auditives sur une IRMf.
Source : wikipédia
Pour cela nous allons utiliser le dossier “13141SonVersusSilence” de la banque AnaPeda.
Ce dossier comporte une IRM anatomique et une IRM fonctionnelle obtenues par le protocole suivant : le sujet est exposé alternativement à des sons bisyllabiques (60 par minute, dépourvus de sens) et à des périodes de silence. L’IRM fonctionnelle obtenue montre les aires cérébrales davantage activées durant les périodes d’exposition aux sons bisyllabiques.
L’IRMf (ici avec un seuil de 50, le seuil préconisé de 70 ayant tendance à quasiment masquer l’activité de l’hémisphère droit) montre une activation du cortex auditif, situé sur la partie supérieure du lobe temporal.
On notera que cette activité se concentre dans l’hémisphère gauche. A notre avis, cette plus forte activation pourrait être liée au fait que même s’ils sont dépourvus de sens, les sons bisyllabiques pourraient tout de même être de nature à solliciter les aires du langage, notamment l’aire de Wernicke proche (dans l’hémisphère gauche).
Deuxième partie : mise en évidence de l’activation de l’amygdale cérébrale
Il s’agit à présent de montrer que l’écoute d’une musique active d’autres aires que le simple cortex auditif.
On dispose pour cela d’IRM fonctionnelles (aimablement mis à notre disposition par les auteurs de l’étude, Stefan Koelsch, Stavros Skouras et al.) résultant d’une étude “The roles of superficial amygdala and auditory cortex in music-evoked fear and joy”.
Cette étude portait sur 18 individus auxquels on a fait écouter différents extraits musicaux, choisis pour leur connotation émotionnelle. Certains morceaux étaient plutôt effrayants, d’autres joyeux, ou neutres.
Ces stimuli auditifs peuvent être téléchargés (afin de les faire écouter aux élèves) sur la page des auteurs.
L’IRMf qui nous intéresse est “IRMsujet13142MusiqueJoyeuseVsTerrifiante”, car c’est celui qui montre le mieux l’activation de l’amygdale superficielle. Cet IRMf met en évidence les zones davantage activées lors de l’écoute d’une musique joyeuse par rapport à une musique terrifiante.
Il est situé dans le dossier “13142MusiqueEtEmotion” de la banque AnaPeda.
Remarque technique : il nous est souvent signalé que l’IRM anatomique correspondant est “flou”, ou bien légèrement décalé sur la gauche (par rapport à l’IRMf). Cela est tout à fait normal, car il s’agit d’une IRM moyenne, “standardisée” (rappel : 18 individus différents ont participé à l’étude, l’IRMf obtenu ne l’a pas été sur une seule personne).
De plus, l’IRMf est déjà “seuillé”, il faut donc régler le seuil à 0.
Résultat obtenu avec un seuil de 0. Le curseur est centré sur l’amygdale.
On constate une forte activation des aires auditives primaires, mais également de l’amygdale superficielle, structure cérébrale jouant un rôle essentiel dans l’évaluation de la valence émotionnelle.
Source : wikipédia
Un lien intéressant peut être réalisé avec le circuit de la récompense, traité dans le thème 3 du programme de seconde (partie “cerveau, plaisir, sexualité”). En effet, l’amygdale superficielle est impliquée dans les processus hédoniques, et son activation peut déjà être mise en évidence lors de l’étude des aires cérébrales activées par le plaisir sexuel (nouveau programme de 2de).
Cela est soulevé dans cet extrait de la publication scientifique originelle :
“Superficial amygdala and its role for joy and fear. The superficial amygdala (SF) showed higher BOLD signal values bilaterally during joy compared to the fear stimuli. These findings corroborate previous reports of (right) SF activation in response to pleasant joyful music (compared to unpleasant music-like noise, Mueller et al., 2011). Due to its dense anatomical connections to the ventral striatum (from which it evolved phylogenetically, Nieuwenhuys et al., 2008), the superior amygdaloid complex has so far been implicated in positive emotion and hedonic processes (Nieuwenhuys et al., 2008), in line with our results.”
Remarque : bien trop souvent on caricature le rôle de l’amygdale à celui de “centre de la peur”. Comme on a pu le voir avec le plaisir sexuel et la musique, ce n’est pas sa seule fonction.
Exemples de scénario pédagogique
En fonction des conditions matérielles (dédoublements, salle informatique), l’enseignant pourra opter pour une approche très simple (proposer aux élèves de vérifier si des structures impliquées dans les émotions – structures peut-être déjà vues en 2de – sont activées lors de l’écoute de musique), ou une approche par tâche complexe.
C’est cette dernière approche que nous proposons.
Situation déclenchante :
“Depuis son AVC, Raphaël a vu son comportement changer radicalement. L’un des moindres concerne son aptitude a apprécier la musique. Raphaël, qui était pourtant mélomane, s’est totalement désintéressé de la musique (on parle d’amusicalité). Il décide alors de consulter son médecin, en lui déclarant que même si son audition est toujours aussi bonne, la musique ne lui procure plus aucune émotion, ni joie, ni tristesse. Son médecin lui prescrit alors une IRM fonctionnelle.”
Questionnement :
Quelles sont les structures cérébrales impliquées dans l’incapacité de Raphaël à éprouver des émotions lorsqu’il écoute de la musique ?
Matériel :
- logiciel ÉduAnat2
- dossier “13141SonVersusSilence” avec document explicatif (reprendre les données présentes sur cet article)
- dossier “EcouteMusiqueNormal” contenant l’IRM anatomique “IRMsujet13142.anat.nii.gz” (avec le STL associé) et l’IRM fonctionnelle “IRMsujet13142MusiqueJoyeuseVsTerrifiante.fonc.nii.gz”
- dossier “EcouteMusiqueRaphael” contenant l’IRM anatomique “IRMsujet13142.anat.nii.gz” (avec le STL associé) et l’IRM fonctionnelle “IRMsujet13142MusiqueVsSilence.fonc.nii.gz” renommé en “IRMRaphaelMusiqueJoyeuseVsTerrifiante.fonc.nii.gz”. Ce fichier “simulera” la réaction du cerveau de Raphaël à l’écoute d’une musique joyeuse versus une musique terrifiante (seules les aires auditives primaires seront activées). Il faudra également expliciter que l’on utilise le même IRM anatomique “standard” (moyenne d’un grand nombre d’IRM anatomiques) afin de pouvoir comparer les situations (sinon les élèves risquent de s’étonner de ne pas voir la lésion de Raphaël).
- document présentant le rôle des amygdales dans les émotions (et éventuellement dans le plaisir, il faut éviter de réduire la fonction de l’amygdale aux émotions négatives)
document fictif présentant les conséquences de l’AVC de Raphaël (lésion bilatérale des amygdales)
Exemple de document pouvant être utilisé pour illustrer la lésion bilatérale des amygdales.
Exemple de résultats obtenus :
Aides :
aides techniques sur l’utilisation d’ÉduAnat2 (fiches techniques)
Evaluation :
Il y a plusieurs dimensions à évaluer dans ce travail, nous proposons de n’évaluer que celle concernant la mise en évidence du rôle joué par les amygdales dans l’évaluation émotionnelle de la musique (ceci afin d’éviter d’avoir un curseur illisible).
- L’élève a su mettre en évidence l’activation des amygdales sur l’IRMf, l’interpréter correctement, et montrer que l’absence de cette activation chez Raphaël est à l’origine de son amusicalité.
- L’élève a su également mettre en évidence l’activation des amygdales sur l’IRMf lors de l’écoute de musique joyeuse, mais pas son absence d’inactivation chez Raphaël, ou alors ne l’a pas interprété correctement.
- L’élève a su mettre en évidence l’activation des aires auditives primaires sur l’IRMf mais n’a pas identifié l’activation des amygdales.
- L’élève n’a pas su lire ni interpréter les IRMf.
Conclusion :
L’exploitation des IRMf associés à l’écoute de musique aura permis de montrer que la perception d’un stimulus auditif complexe (comme la musique) met en jeu des structures cérébrales spécialisées, notamment des aires “primaires” (réception des messages nerveux en provenance de l’oreille interne) et des structures impliquées dans l’évaluation des émotions.
Cette approche permet également de faire le lien avec le circuit de la récompense vu en classe de seconde, renforçant ainsi la notion de structures cérébrales impliquées dans les processus hédoniques.
Complément possible
La banque d’images Anapeda intègre depuis peu une IRM anatomique montrant une tumeur dans l’aire auditive. Le patient présente des troubles de l’audition, notamment des hallucinations auditives.
Il s’agit de l’image IRMsujet12222 qui se trouve dans le dossier Anapeda
12ImagerieAnatomique\122PathologiesLesions\1222TumeursCerebrales\12222TumeurAudition
IRM en pondération T1 montrant l’emplacement de la tumeur dans l’hémisphère gauche. Une IRM en pondération T2 (contraste inversé attention) est également disponible.
IRM en pondération T1 montrant l’emplacement de la tumeur dans l’hémisphère gauche. Une IRM en pondération T2 (contraste inversé attention) est également disponible.
Liens :
Article sur le site pédagogique disciplinaire de Nice : ÉduAnat2, quels changements ?
Télécharger la banque d’IRM AnaPeda
Fiche technique pour interpréter une IRM anatomique
Fiche technique pour interpréter une IRM fonctionnelle
Extraits musicaux utilisés pour IRMsujet13142MusiqueJoyeuseVsTerrifiante
Archive contenant les fichiers pour le dossier “EcouteMusiqueRaphael”