L’insuffisance surrénalienne au service de la compréhension de l’axe hypothalamo-hypophyso corticosurrénalien dans la phase de résistance au stress
Mise en garde : Article écrit en première intention pour répondre à une commande de la DGESCO dans le cadre de la production de ressources pour la formation au grand oral, et publié en Mai 2021 sur le site eduscol.
Cet article est repris par les auteurs, sur le site ACCES, afin de valoriser la partie neuroscience en particulier avec l'approche historique de la découverte du stress par Hans Selye, mais également par la présentation de travaux d'autres chercheurs tel Roger Guillemin, physiologiste américain et prix Nobel de médecine en 1977 pour ses travaux sur le complexe hypothalamo - hypophysaire.
Mots-clés
Oral en interaction, argumentation, travail de compétences dans le cadre de l’épreuve du Grand oral, évaluation formative, classe puzzle, fiches outils : fiche d’aide à la préparationde la réponse orale et fiche d’évaluation de l’oral pratiqué.
Références au programme
Nouveau programme de la spécialité SVT applicable dès la rentrée de septembre 2020 pour le thème "Corps humain et santé".
Comportement et stress : vers une vision intégrée de l’organisme.
L’adaptabilité de l’organisme.
Connaissances
Une autre conséquence des agents stresseurs au niveau cérébral est la sécrétion de CRH par l’hypothalamus : le CRH met à contribution l’axe hypothalamo-hypophysocorticosurrénalien, entrainant dans un second temps la libération du cortisol. Le cortisol favorise la mobilisation du glucose et inhibe certaines fonctions (dont le système immunitaire).
Notions fondamentales : axe hypothalamo-hypophyso-corticosurrenalien, CRH, cortisol.
Compétences
Liées aux SVT
• Recenser, extraire et exploiter des informations pour mettre en évidence la libération dans le temps du cortisol et ses effets.
• Positionner sur un schéma bilan les interactions entre les trois systèmes nerveux, endocrinien et immunitaire.
• Communiquer dans un langage scientifiquement approprié.
Liées à l’oral
• Convaincre, construire une argumentation, pratiquer l’oralité.
• Développer un propos en public sur un sujet déterminé.
• Adapter sa prise de parole à la situation de communication.
Scénario et objectifs
Objectifs et stratégie de formation
Entraîner les élèves à s’exprimer sans notes dans le cadre d’une « classe puzzle » pouvant être réitérée sur une même classe sur plusieurs séances au cours de l’année ou tout au long de la scolarité au lycée.
Modalités de travail
La « classe puzzle » correspond globalement à une forme de travail en groupe qui peut donner lieu à une multitude d’applications. Il s’agit d’une méthode pédagogique, mise en oeuvre pour la première fois en 1971 au Texas par le psychologue Elliot Aronson. Cette méthode avait comme objectif premier de favoriser la collaboration et les échanges entre élèves pour leur permettre de progresser. Elle encourage les protagonistes à échanger, argumenter, et coopérer, permettant ainsi la maîtrise langagière et au-delà la préparation du Grand oral, tel qu’il est défini dans le B.O.E.N. spécial n° 2 du 13 février 2020.
Quel est le principe d’une classe puzzle ?
Selon l’interprétation de Philippe Meirieu donnée sur son site, une classe puzzle réussie doit rendre la coopération entre chaque élève nécessaire en s’assurant que l’apport de chacun d’entre eux est indispensable au travail de tous.
Comment ?
L’objectif notionnel ciblé lors de la séquence est envisagé sous l’abord de plusieurs segments différents, qui prennent chacun tout leur sens, lors de la mise en commun.
Étape 1
Chaque élève est chargé d’étudier un des segments », grâce à un corpus documentaire (qui peut comporter une partie expérimentale), ou à une expérimentation à mettre en oeuvre et à interpréter. Chaque élève devient ainsi « Expert » d’un des segments du sujet d’étude. Pour ce faire, les experts travaillent donc individuellement, puis se réunissent en « groupes d’experts ».
Étape 2 :
Les élèves réunis en groupes d’experts peuvent alors confronter ce qu’ils ont compris ou trouvé, et améliorer leur compréhension. Les élèves, toujours dans le souci de « dire juste » pourront alors construire leur argumentation, en collaboration, et tendre vers l’un des objectifs du Grand oral, qui est de « montrer sa capacité à prendre la parole en public de façon claire et convaincante ».
Afin de pouvoir préparer la réponse orale par l’écrit, une fiche « guide » peut être donnée aux élèves, pour les aider à organiser et à structurer leur réponse.
Étape 3 :
Chaque proposition établie en groupes d’experts est ensuite restituée par chacun des élèves en groupe-puzzle. Chaque groupe-puzzle est constitué d’un représentant de chacun des groupes d’experts.
Dans chaque groupe-puzzle, un temps de parole est donné à chaque « Expert » de chaque segment. À cette occasion, les élèves se rendent compte de l’articulation de chacun des segments, concourant ainsi à la résolution de la problématique de départ.
Les élèves sont alors amenés à construire ensemble la synthèse de leurs interventions, de leurs questionnements, et de leurs échanges. À ce niveau encore, une aide peut être apportée, au départ par une formulation écrite de cette réponse commune finale.
Étape 4 :
L’évaluation du travail final, qui correspond à la restitution orale de chacun des groupes-puzzles devant la classe, se fait en temps limité d’une durée maximale de 5 minutes.
• Corpus documentaire donné aux élèves.
• Fiche « guide » pour la préparation de la restitution orale.
• Fiche évaluative de la restitution orale
Déroulement
Travail avec le groupe classe (15 minutes)
Les élèves ont abordé dans des séances précédentes le travail sur la phase aigüe du stress, se traduisant par des réponses complexes physiologiques et comportementales de nature globalement « stéréotypée » et impliquant la perception des agents stresseurs avec l’activation du système limbique, permettant l’intervention de l’axe adrénergique.
L’objectif de ce cours est alors de traiter la phase de résistance au stress permettant l’intervention de l’axe hypothalamo - hypophysaire - corticosurrénalien.
Dans la phase de problématisation, on propose aux élèves de rentrer par le biais d’un jeu de rôle dans le personnage d’un médecin pour lequel chacun de ses deux médecins internes lui proposent un diagnostic expliquant l’évolution d’un cas clinique d’une patiente hospitalisée pour de multiples fractures, à la suite d’un accident. Compte tenu des fortes douleurs liées à ses fractures, une pompe à morphine a été posée sur la patiente, mentionnée comme choquée et stressée à la suite de l’accident.
Les élèves vont donc devoir, grâce à l’étude du dossier médical de la patiente et à partir d’un corpus documentaire, trancher entre les deux diagnostics proposés par les médecins internes :
• le premier pense que l’insuffisance surrénalienne est liée à la mise en place de la pompe à morphine ;
• le second pense que l’insuffisance surrénalienne est due à un dysfonctionnement de la voie nerveuse impliquée dans la gestion du stress qui a été engendré par les multiples lésions de l’organisme induites par l’accident.
Phase 1 : étude individuelle (20 minutes)
Sur un groupe de 16 élèves, les élèves vont travailler individuellement sur l’un des 4 corpus documentaires présentés en annexe :
• GROUPE D’EXPERTS 1 : Compte rendu clinique de la patiente et travail sur les travaux de Hans Selye sur les effets du stress sur le thymus (mise en évidence de l’ACTH).
(Niveau : experts confirmés)
• GROUPE D’EXPERTS 2 : Compte rendu clinique de la patiente et travail sur les corticosurrénales (mise en évidence du cortisol et du lien avec l’ACTH).
(Niveau : experts débutants)
• GROUPE D’EXPERTS 3 : Compte rendu clinique de la patiente et travail sur les travaux d’origine mettant en évidence la relation causale entre le CRH et l’ACTH.
(Niveau : experts confirmés)
• GROUPE D’EXPERTS 4 : Compte rendu clinique de la patiente et travail sur les effets physiologiques du stress sur le système immunitaire et la glycémie.
(Niveau : experts débutants)
Chaque élève appréhende le corpus documentaire et restitue sa compréhension par le biais d’une prise de note synthétique, revêtant la forme de mots clés reliés entre eux par des flèches traduisant les relations de causalité.
Phase 2 : Groupe d’experts (25 minutes)
Les 4 élèves ayant travaillé sur le même corpus de documents se réunissent par groupe d’experts pour établir une réponse unique.
Phase 3 : Groupe-puzzle (35 minutes)
Chaque expert fait état de la réponse de son groupe d’experts.
Chaque groupe-puzzle élabore la réponse finale, qui sera traduite à l’oral, et désigne un orateur. Il réalise ainsi l’entraînement à l’oralité de ce dernier.
Phase 4 : Mise en commun (5 minutes par groupe, soit 20 minutes en tout)
Chaque orateur de chaque groupe-puzzle restitue le travail de son groupe, répondant ainsi à la problématique. Lors de chaque passage, les élèves évaluent la qualité de l’oralité.
Il n’est pas exclu, compte tenu de la densité de la séance, que les présentations orales soient réalisées lors la séance suivante, afin de laisser une plus grande place à la préparation orale et à la remédiation par auto-évaluation et évaluation formative de la part des autres élèves et du professeur.
Quelle ouverture possible après cette classe-puzzle dans le programme notionnel sur le stress ?
La séance qui fera suite à cette séance sur l’étude de l’axe hypothalamohypophyso-corticosurrénalien portera sur le travail du rétrocontrôle par le cortisol qui peut se réaliser par l’étude d’un cas clinique d’un patient hospitalisé pour des lombalgies inflammatoires pour lequel les médecins envisagent une tuberculose surrénalienne. Cette étude médicale à partir de la tuberculose surrénalienne, appartenant au syndrome de la maladie d’Addison, a le mérite de suivre la même démarche que celle historique ayant amené à mettre en évidence le rétrocontrôle par le cortisol sur l’axe hypothalamo-hypophysaire lors de la phase de résistance du stress.
Les élèves pourront être amenés alors à devoir doser le cortisol salivaire par le test ÉLISA, afin de pouvoir tester le diagnostic de tuberculose surrénalienne.
Analyse du dispositif
Avantages
Comme l’indique Aronson, la « classe puzzle » n’est pas anarchique, mais au contraire demande une organisation stricte, où le professeur crée une situation d’interdépendance structurelle, qui encourage les élèves à prendre une part active dans leurs apprentissages.
Les élèves s’y sentent valorisés et s’investissent en structurant leurs connaissances pour répondre à une situation problème.
Chaque élève devient une personne ressource indispensable pour les autres élèves, tout en restant dans sa position d’élève. De fait, l’éventuelle position de compétition entre les élèves, s’estompe laissant place à un véritable travail d’équipe, où l’enseignant n’intervient qu’en qualité de personne-ressource facilitatrice. Sans être impliqué directement dans le processus d’apprentissage, le professeur encadre les élèves dans le développement de leur autonomie, et de leur capacité à coopérer.
Les élèves sont obligés de participer oralement, et ainsi de restituer ce qu’ils ont compris.
Lors du passage du travail individuel au travail collectif en « groupe d’experts », la confrontation des explications sur un même corpus, peut mettre en valeur les différences d’interprétation et même les erreurs interprétatives. L’intérêt est donc de mener les élèves sur les chemins de la remédiation, et sur la compréhension de la manière dont les résultats s’interprètent. Enfin, les élèves en difficulté sont aidés dans les « groupes d’experts » par leurs pairs, et se sentent valorisés dans le groupe-puzzle, où ils sont obligatoirement force de propositions. Il convient ainsi de préciser que ce type de classe permet de mettre en valeur une des méthodes possibles de gestion de l’hétérogénéité. En effet, il peut être envisagé des corpus documentaires impliquant des groupes d’experts ayant différents niveaux d’expertise, allant du « débutant » au « confirmé ». L’avantage est alors d’inciter les élèves plus fragiles à oser participer dans leur groupe d’experts, et ensuite dans le groupe puzzle. Les élèves en difficulté se trouvent ainsi valorisés et en position de réussite, ce qui les invite à engager ou poursuivre leurs efforts. Les classes puzzle ont le mérite d’être motivantes aussi bien pour l’élève que pour le professeur.
Points de vigilance
Les élèves perdent facilement du temps en ayant la volonté d’élaborer une réponse écrite, aussi bien en « groupes d’experts » qu’en « groupe-puzzle ». Ainsi, les élèves les plus scolaires ont tendance à se priver d’échanges oraux, aux dépens d’une volonté de soigner un écrit, qui n’est pourtant pas attendu.
A contrario, les élèves plus fragiles passent rarement par l’étape de l’écrit et sont généralement plus à l’aise à l’oral. Cependant, la construction de leur réponse orale est parfois assez maladroite aussi bien sur le plan langagier que sur le plan scientifique. Le professeur doit alors s’attacher à faire répéter les élèves réunis en groupe, en cherchant à les alerter sur la nécessité d’employer un langage plus châtié et à éviter le langage du quotidien. En cela, les fiches « guide » doivent présenter des critères de réussite, pour la restitution orale, et éventuellement les écueils à éviter.
Autre point négatif, réunis en groupe-puzzle, le sentiment de compétition entre les groupes est très vite réanimé. Les élèves ont tendance à oublier l’objectif de la séance et au lieu de bien écouter chaque groupe, ils entrent plutôt dans une joute, recherchant auprès de l’enseignant, le groupe qui pourrait être gagnant. Afin de contourner cette situation et de favoriser l’écoute active de l’ensemble de l’auditoire, on peut leur proposer d’évaluer l’orateur du groupe-puzzle. Pour ce faire, il convient d’adapter la grille d’évaluation du Grand oral proposée dans le B.O. spécial n° 2 du 13 février 2020.
Enfin, il est à préciser que la mise en place de ce type d’organisation de travail en classe puzzle peut être difficilement maîtrisable en termes de temps lors des premières séances abordées ainsi avec les élèves. Ils mettent du temps à bien s’approprier le mode de fonctionnement. Il est donc conseillé de limiter le nombre de documents du corpus documentaire pour faciliter l’interprétation, et laisser le temps aux échanges. Toutefois, on peut dépasser cet obstacle en privilégiant une pédagogie différenciée (attribution des corpus documentaires en fonction du niveau de chaque élève).
Il est nécessaire d’envisager aussi une progressivité dans l’oralité, en tolérant, lors des premières séances de ce type, la présence des notes, pour permettre ensuite aux élèves, lors des classes puzzles suivantes, de s’en détacher progressivement.
Sites de référence
• THE JIGSAW CLASSROOM
• Version française du JIGSAW