LE DOSAGE DU CORTISOL SALIVAIRE : UN TEST ELISA AVEC PRODUITS DE SUBSTITUTION
OBJECTIFS NOTIONNELS ET MÉTHODOLOGIQUES
Le nouveau programme de spécialité SVT de terminale aborde le concept de « stress biologique ». Il y est précisé que : « La réponse de l’organisme (au stress aigu) est d’abord très rapide : le système limbique est stimulé, en particulier les zones impliquées dans les émotions telles que l’amygdale. Cela a pour conséquence la libération d’adrénaline par la glande médullo-surrénale. L’adrénaline provoque une augmentation du rythme cardiaque, de la fréquence respiratoire et la libération de glucose dans le sang. Une autre conséquence des agents stresseurs au niveau cérébral est la sécrétion de CRH par l’hypothalamus : le CRH met à contribution l’axe hypothalamo-hypophyso-corticosurrénalien, entrainant dans un second temps la libération du cortisol. Le cortisol favorise la mobilisation du glucose et inhibe certaines fonctions (dont le système immunitaire). Le cortisol exerce en retour un rétrocontrôle négatif sur la libération de CRH par l’hypothalamus et favorise le rétablissement de conditions de fonctionnement durable (résilience) ».
On comprend donc que l’adaptation de l’organisme à un stress aigu repose largement sur une réaction du système nerveux. Le programme ne l’indique pas explicitement, mais il convient de distinguer une réponse rapide et une réponse plus lente :
Ainsi, c’est au cours de la réponse « lente » au stress aigu qu’il se produit une stimulation de la sécrétion de cortisol par le cortex-surrénalien.
Une personne victime de stress aigu ou de stress chronique présente donc un taux de cortisol plasmatique mais également salivaire supérieur à la normale. Cela explique que le dosage du cortisol salivaire soit devenu un indicateur de ce phénomène.
PRINCIPE DU TEST ELISA PERMETTANT LE DOSAGE DU CORTISOL SALIVAIRE
Puits vide :
Des anticorps anti-cortisol sont fixés au fond du puits :
On dépose dans le puits une solution contenant du cortisol lié à de la β-galactosidase :
Les molécules de cortisol liées à de la β-galactosidase se fixent sur les anticorps anti-cortisol :
On rince :
On dépose ensuite une solution d’ONPG (ortho nitro phényl β galactopyranoside) représenté ici par les petits rectangles gris :
Or, la β-galactosidase accrochée aux molécules de cortisol catalyse la transformation de l’ONPG en une molécule colorée :
Voilà pour le principe général.
À présent, repartons du puits initial contenant des anticorps anti-cortisol :
On dépose alors dans le puits un échantillon de salive ET une solution contenant du cortisol lié à de la β-galactosidase. Or, la salive contient du cortisol (losange seul) :
Il se produit donc une compétition vis-à-vis des anticorps entre le cortisol salivaire et le cortisol lié à de la β-galactosidase :
On rince :
On dépose ensuite une solution d’ONPG (ortho nitro phényl β galactopyranoside) :
Et on obtient une solution colorée. Mais, moins que précédemment puisque dans notre schéma il y a deux fois moins de β-galactosidase qu’en l’absence de cortisol salivaire :
Imaginons, pour finir, que l’on dépose dans le puits initial une solution contenant du cortisol lié à de la β-galactosidase ET un échantillon de salive très riche en cortisol :
Il se produit donc une compétition vis-à-vis des anticorps entre le cortisol salivaire et le cortisol lié à de la β-galactosidase, mais cette compétition tourne vite à l’avantage du cortisol salivaire, bien plus concentré :
On rince :
On dépose ensuite une solution d’ONPG (ortho nitro phényl β galactopyranoside) :
Et la solution ne change pas de couleur puisque le puits ne contient tout simplement pas de β-galactosidase !
Comparons les résultats des trois situations :
- puits dans lequel n’a pas été déposé de salive OU une salive dépourvue de cortisol = coloration très intense
- puits dans lequel a été déposé de la salive contenant un peu de cortisol = coloration peu intense
- puits dans lequel a été déposé de la salive contenant beaucoup de cortisol = absence de coloration
La concentration de la salive en cortisol est donc inversement proportionnelle à l’intensité de la coloration du puits.
PRINCIPE DU TEST ELISA AVEC PRODUITS DE SUBSTITUTION
Commençons par la correspondance des produits :
- gel d’agar = anticorps anti-cortisol
- solution de soude plus ou moins concentrée = salive plus ou moins riche en cortisol
- eau = cortisol lié à de la β-galactosidase :
- jus de choux rouge = ONPG (ortho nitro phényl β galactopyranoside)
À l'aide d'une micropipette, on coule au fond des puits 40 μL de gel d’AGAR, préparé en mélangeant 0,5 g d’agar dans 50 mL eau. Ce gel représentera les anticorps anti-cortisol fixés au fond du puits :
On prépare des solutions de soude à différentes concentrations, lesquelles représenteront les différentes salives à tester. Plus la soude est concentrée moins la salive qu’elle représente sera riche en cortisol. Dans cette manipulation la solution de soude C1 a une concentration de 1 mol/L. On a préparé la solution C2 en diluant 10 fois la solution C1, puis la solution C3 en diluant 10 fois la solution C2, etc.
À l'aide d'une micropipette, on verse dans chaque puits 20 μL de l’une des solutions de soude PUIS 20 μL d'eau. Cette dernière représente le cortisol lié à de la β-galactosidase. C'est l'étape où le cortisol lié à de la β-galactosidase et le cortisol salivaire entre en compétition vis-à-vis de la fixation sur les anticorps anti-cortisol.
On attend une minute puis on vide les puits. Il ne reste que le gel d’agar, solidement fixé au fond. Et ce gel est imprégné de la solution de soude.
On a préalablement préparé du jus de choux rouge en suivant la recette suivante :
- couper en lamelles un quart de choux rouge
- recouvrir d’eau puis porter à ébullition durant 30 minutes
- filtrer à l’aide d’une passoire
- le jus obtenu se conserve une semaine au frais dans un flacon teinté
Le jus de choux rouge a une jolie couleur… violette :
À l'aide d'une micropipette, on verse 20 μL de jus de choux rouge dans chacun des puits que l’on a rincé et au fond desquels demeurent le gel d’agar imprégné de soude. Le jus de choux rouge représente l’ONGP parce que sa couleur dépend du pH, autrement dit de la concentration de la soude qui imprègne le gel d'agar.
ATTENTION : le produit de substitution de l'ONPG est donc coloré, alors que dans le vrai test l'ONPG est incolore. Il en résulte une différence dans la lecture des résultats. Il n’apparaître pas ici une seule couleur plus ou moins intense, mais une gamme de couleurs allant du violet au jaune en passant par le vert.
Sur la photographie suivante on compare le puits témoin (solution violette) ne contenant pas de soude, au puits ayant accueillit la solution de soude la plus concentrée (solution jaune).
Résumons :
- couleur violette = pas de changement de couleur du jus de choux rouge en l'absence de soude
- couleur verte = changement de couleur du jus de choux rouge au contact d'une soude peu concentrée
- couleur jaune = changement de couleur du jus de choux rouge au contact d'une soude très concentrée
On va donc dire aux élèves que :
- l'ONPG est une substance de couleur violette qui change de couleur au contact de la β-galactosidase. Elle devient verte s'il y a un peu de β-galactosidase et jaune s'il y en a beaucoup. Les différentes nuances de vert et de jaune traduisent des concentrations croissantes de β-galactosidase
- on rappelle que - comme dans le vrai test - la concentration en β-galactosidase est inversement proportionnelle à la teneur en cortisol de la salive
- si l'ONPG (le jus de choux rouge) rencontre une grande quantité de cortisol lié à de la β-galactosidase il devient jaune. Mais, pour qu’il y ait beaucoup de cortisol lié à de la β-galactosidase sur les anticorps (le gel d‘agar) il faut qu’il y ait peu ou pas de cortisol salivaire.
- à l’inverse, si l'ONPG ne rencontre pas de cortisol lié à de la β-galactosidase il va rester violet. Cela implique que le cortisol lié à de la β-galactosidase n’a pas pu se fixer sur les anticorps anti-cortisol (le gel d’agar) parce que la salive contenait beaucoup de cortisol.
- dans la situation intermédiaire, c’est-à-dire si la salive contient un peu de cortisol, l'ONPG va rencontrer un peu de cortisol lié à de la β-galactosidase ce qui suffira à provoquer son changement de couleur, laquelle passera du violet au vert.
Cette manipulation présente l'avantage d'être peu couteuse et de donner rapidement des résultats faciles à interpréter.
PISTES D'EXPLOITATION PÉDAGOGIQUE
On ne fait pas un test sans raison, aussi l'enseignant doit-il prendre soin de construire des conditions qui à la fois requièrent et légitiment le dosage du cortisol salivaire.
Une première possibilité, sans doute la plus simple, consiste à émettre l'hypothèse qu'une personne X est stressée. Sachant que le stress induit une augmentation de la sécrétion de cortisol, l'hypothèse sera conservée si le taux de cortisol salivaire de X se révèle significativement supérieur au "taux moyen" dans la population.
Cependant, ce taux moyen ne correspond pas à une valeur unique mais à une gamme de valeurs toutes considérées comme normales. En effet, le taux de cortisol salivaire varie beaucoup d'un individu à l'autre, sans que cela ne traduise un état pathologique ou l'incidence d'un stress. Et chez un même individu le taux de cortisol salivaire peut fortement varier au cours de la journée, là aussi de façon tout à fait normale.
Cela offre l'occasion de faire réfléchir l'élève au traitement statistique permettant de déterminer les valeurs minimales et maximales qui bornent le taux de cortisol salivaire considéré comme sain dans une population.
Une seconde solution consiste à partir non pas de la cause de la sécrétion du cortisol, mais de la conséquence de cette sécrétion. Puisque l'on sait que le cortisol stimule la néoglucogenèse, un excès de cortisol provoque une hyperglycémie, tandis qu'une faible libération de cortisol peut entraîner une hypoglycémie.
Dans un cas comme dans l'autre, l'étiologie d'une glycémie anormale présente l'avantage d'être multifactorielle. Ainsi, l'élève va-t-il raisonnablement hésiter entre de nombreuses causes, l'hypothèse d'une variation de la sécrétion de cortisol n'étant qu'une possibilité parmi d'autres.
On peut par exemple travailler sur la maladie d'Addison, laquelle se caractérise par une absence de sécrétion de cortisol qui déclenche ponctuellement des crises d'hypoglycémie. Or, contrairement à une idée très répandue, les vraies crises d'hypoglycémie sont rares et on leur attribue à tort de nombreux malaises d'origines diverses (malaise vagal, crise d'angoisse, …). Lorsqu'elles surviennent, elles peuvent traduire un insulinome, l'effet secondaire d'un médicament (maladie iatrogène), une consommation d'alcool à jeune ou encore une maladie auto-immune comme la polyarthrite rhumatoïde parce que les IgM activent les récepteurs à l'insuline.
POUR ALLER PLUS LOIN
- Djordje Bozovic, Maja Racic et Nedeljka Ivkovic, Salivary Cortisol Levels as a Biological Marker of Stress Reaction, in Medical Archives, 2013
- Marie-Pierre Moisan et Michel Le Moal, Le stress dans tous ses états, in Médecine Sciences, 2012