Le diagnostic de la maladie d'Alzheimer
Le diagnostic de la MA se fait en absence de marqueurs biologiques accessibles
Il se base alors sur l'élimination des autres formes de démences décrites ici (démence frontotemporale, démence à corps de Lewy et démence vasculaire) et sur l'étude clinique du vivant du patient. On arrive à obtenir un diagnostic de probabilité lors de l'interrogatoire de l'entourage, du patient (au cours duquel les tests MMS et de Dubois sont appliqués) et via des examens neuropsychologiques (tel que l'épreuve de Grober-Buschke).
Les différents types de démence
La notion de démence
La démence (du Latin demens) est une réduction acquise des capacités cognitives suffisamment importante pour retentir sur la vie du sujet et entraîner une perte d'autonomie. Les zones particulièrement atteintes peuvent être la mémoire, l'attention et le langage. Dans les dernières étapes de la démence, les personnes atteintes peuvent être désorientées en temps (ignorant le jour, la semaine, le mois ou l'année), en lieu (ignorant où ils se trouvent) ou en personne (ignorant qui ils sont).
Les personnes atteintes peuvent aussi présenter des signes de psychose et de délire.
L'évaluation neuropsychologique est indispensable à la détermination d'un état démentiel. Elle comprend d'abord une évaluation des mémoires. Certaines épreuves nécessiteront une évaluation par un neuropsychologue. L'apprentissage de listes de mots fait partie des épreuves les plus valables pour déterminer l'existence d'un troubles mnésique et son type. L'épreuve doit se composer en 2 temps différents. On présente d'abord la liste de mots à mémoriser en demandant au patient de les lire à haute voix puis de les désigner en réponse à leur catégorie sémantique. On s'assure de l'encodage en demandant de rappeler les mots avec des indices sémantiques. ans un second temps on teste les performances en rappel différé en demandant au sujet de rappeler la liste des mots en fournissant si nécessaire aussi les indices sémantiques. Cette étape permet de juger des capacités de stockage et aussi d'oubli. C'est sur ce modèle qu'est construite l'échelle qui fait référence, l'échelle de Grober & Buschke. D'autres mémoires sont à évaluer comme la mémoire de travail (mémoire à très court terme), étudiée par la capacité de restitution immédiate d'une série de chiffres. Cette épreuve est appelée empan de chiffres. D'autres mémoires peuvent être testées comme la mémoire sémantique et la mémoire implicite.
L'évaluation de l'orientation temporelle est associée à celle de l'orientation spatiale appréciée par les questions portant sur le nom et l'adresse de l'hôpital, l'étage du cabinet, le nom de la commune. Des questions aux proches permettront de tester la capacité d'orientation dans les lieux familiers ou non. Cet élément devra être distingué des errances comme dans les démences frontotemporales plus proches de la persévération ou de l'instabilité psychomotrice que de la désorientation spatiale.
La pensée abstraite et le jugement peuvent être explorés par exemple par la tâche de similitudes, les explications de proverbes, les critiques d'histoires absurdes, la résolution de problèmes arithmétiques.
Le langage doit être examiné dans toutes ses composantes, orale, écrite, de lecture comme de compréhension. Les bilans de langage comprennent souvent une épreuve de dénomination, un test de compréhension, l'écriture de phrases spontanées ou non avec la recherche d'une dysorthographie, mais aussi la perte de la ponctuation. Doit être pris en compte le niveau socioculturel comme pour les autres épreuves.
Les différentes praxies (mouvements coordonnés) sont à tester, l'apraxie réflexive, l'apraxie visuo-constructive (figures géométriques en spontanée ou en copie), l'apraxie idéomotrice (en particulier les gestes symboliques) et l'apraxie idéatoire. Les capacités gnosiques (de reconnaissance) sont à évaluer aussi bien dans la reconnaissance des objets que des visages. L'évaluation de ces différentes fonctions neuropsychologiques peut être menée avec un entretien structuré.
Par ailleurs, différents outils quantifient la sévérité cognitive de la démence :
- Le Mini Mental State (MMS) comprend 30 questions et est scoré sur 30 points. Le degré de sévérité de la démence est considéré comme léger avec un score supérieur à 20, modéré entre 10 et 20, alors qu'en dessous de 10, la démence est sévère.
- L'échelle de Mattis est plus informative et plus sensible que le MMS particulièrement dans les dysfonctionnements frontaux et sous corticaux. Le score maximal est de 144.
- L'ADAS-cog est surtout l'échelle de référence dans l'évaluation de l'efficacité des thérapeutiques de la maladie d'Alzheimer.
Certaines échelles ont défini des stades de démence en prenant en compte à la fois les troubles cognitifs, certaines capacités d'autonomie et certains troubles du comportement. C'est le cas de la Global Détérioration Scale (GDS) qui définit 7 stades de gravité.
L'évaluation de l'autonomie est aussi nécessaire dans la détermination d'un état démentiel. Elle peut se faire avec des échelles comme celle de Blessed ou l'IADL (Instrumental Activities of Daily Living). Elle mesure 8 items. Lorsque les patients ne sont plus au domicile, l'échelle de Nosger paraît plus adaptée.
Le terme de démence a gardé une place importante en tant que marqueur de la sévérité du déclin cognitif garantissant dans les critères de maladie d'Alzheimer une spécificité diagnostique. Toutefois ce stade n'est pas nécessaire pour suspecter la présence d'une maladie neurodégénérative grâce au développement d'outils neuropsychologiques plus sensibles et de méthodes d'évaluation comportementale pour faciliter le diagnostic des démences non Alzheimer.
Les deux diagnostics différentiels principaux sont la confusion dont la réversibilité des troubles est un des symptômes cardinaux, et la dépression évoquée comme diagnostic principal très facilement lors de troubles de l'humeur rendant aveugle le médecin et l'entourage à l'existence des troubles cognitifs.
La démence de la maladie d'Alzheimer ou démence sénile
Autrefois distinguées, la démence sénile constitue avec la MA du sujet jeune depuis plusieurs années une entité unique en raison de la présence de lésions neuropathologiques identiques.
Les motifs de consultation sont variés et dépendent du type de spécialiste auquel les patients ou les familles s'adressent. En début de maladie, les neurologues sont consultés parfois par le patient, le plus souvent par l'entourage pour une plainte de mémoire, pour des troubles du langage, des troubles de l'exploration visuelle, pour des difficultés d'orientation spatiale. Les psychiatres sont consultés eux pour une dépression atypique ou des manifestations anxieuses. Les gériatres exerçant presque exclusivement en milieu hospitalier voient plus souvent les patients au moment d'un syndrome confusionnel favorisé par la survenue d'une pathologie surajoutée. Les gériatres insistent actuellement sur la survenue fréquente d'une perte de poids dès le début de la MA. Une des particularités de l'examen lors de la MA est la nécessité d'avoir un entretien avec un proche pour retracer l'anamnèse (historique de la maladie pour un patient), préciser les déficits et les troubles du comportement et les conditions de vie en raison des troubles de mémoire mais surtout de l'anosognosie (méconnaissance par l’individu de sa maladie).
Il existe différentes formes cliniques de la MA influencée par l'âge (les formes du sujet âgé sont souvent des atteintes mnésiques prédominantes par rapport à la triade classique aphasie (perturbation du langage), apraxie (altération de la capacité à réaliser une activité motrice), agnosie (impossibilité à reconnaître ou à identifier un objet), avec une évolution plus lente), ou par la localisation des lésions (une atteinte hémisphérique gauche pouvant ressembler à une aphasie progressive par atrophie lobaire, une forme postérieure avec syndrome de Balint...).
La démence frontotemporale
(DFT) est la seconde cause de démence dégénérative après la MA, mais elle reste encore méconnue, d'autant qu'elle peut répondre aux critères de MA comme à ceux d'épisode dépressif ou plus rarement maniaque.
La DFT survient tôt dans la vie (avant 50 ans) mais quelques formes commencent plus tard. Il existe une réelle difficulté à poser un diagnostic sur cette démence ; on note une notion familiale.
-
phase de début
On retrouve des troubles de la personnalité et du comportement bien avant les troubles cognitifs : apathie, isolement, irritabilité, émotivité excessive, troubles de l'attention, des conduites sociales, du langage.
-
phase d'état
À ce moment là, on retrouve des troubles cognitifs associés aux troubles du comportement et de la personnalité. Les principaux troubles cognitifs sont des troubles de l'attention, de la mémoire de travail et des fonctions exécutives. Les autres troubles sont sensiblement les mêmes qu'au début : apathie, désinhibition, troubles de l'humeur, des conduites alimentaires...
La DFT est un syndrome qui correspond à plusieurs entités histologiques ayant en commun une dégénérescence lobaire frontale et temporale antérieure. L'entité la plus ancienne et la plus classique mais qui reste rare, est la maladie de Pick. Ce terme est réservé aux formes histologiques avec corps de Pick et cellules ballonnées.
Les zones en rouges ont une forte activité cérébrale (débit sanguin) opposées aux zones en noires |
Observations de coupes transversales succesives de cerveau d'une patiente atteinte de la maladie de Pick (atrophie lobe frontal).
Source = Copyright © Atlas of Brain Perfusion
Observation d'un encéphale d'une personne atteinte de la maladie de Pick
Source = www.alzheimer-adna.com
Corps de Pick dans la région hippocampique : des anticorps contre la protéine Tau permettent de visualiser les corps de Pick. Leur présence dans les neurones du cortex (couches II et III, interneurones) et dans la région hippocampique (cellules granulaires du gyrus dentatus) permet de donner le diagnostic CERTAIN de maladie de Pick.
Source = www.alzheimer-adna.com
Contrairement à la maladie d'Alzheimer, aucune prépondérance féminine n'a été rapportée dans les DFT. L'âge moyen de début varie de 51 à 58 ans avec des extrêmes de 21 à 76 ans. La fréquence d'Apo E4 ne paraît pas plus élevée dans ce cas de démence. Il existe des formes familiales liées à une mutation sur le chromosome 17 comportant un tableau de DFT associé à un syndrome extrapyramidal et à une amyotrophie (atrophie musculaire).
Au début, on retrouve des troubles de la personnalité et du comportement bien avant les troubles cognitifs : apathie, isolement, irritabilité, émotivité excessive, troubles de l'attention, des conduites sociales, du langage. Pendant longtemps, les patients lorsqu'ils ne sont pas trop apathiques, obtiennent de bonnes performances aux épreuves psychométriques réalisées en consultation. Avec l'évolution, des réponses impulsives ou de type "je ne sais pas" sont de plus en plus fréquentes, mais très sollicités, ils répondent souvent correctement.
A un stade plus tardif, on retrouve des troubles cognitifs associés aux troubles du comportement et de la personnalité. Les principaux troubles cognitifs sont : trouble de l'attention, de la mémoire de travail, des fonctions exécutives. Les autres troubles sont sensiblement les mêmes qu'au début : apathie, désinhibition, troubles de l'humeur, des conduites alimentaires... L'évaluation est gênée par la latence des réponses et par les persévérations. Malgré une logorrhée (flux de parole), le langage se réduit souvent avec des manques du mot et des paraphasies (substitution lexicale) surtout sémantiques (sens proche), des commentaires stéréotypés, des persévérations et une écholalie. La mémoire épisodique contrairement à la MA est préservée pendant longtemps. Le rappel libre peut être faible, mais les patients bénéficient des indices et leur reconnaissance est bonne. Le rappel différé ne montre pas d'oubli notable. Toutefois un important syndrome amnésique peut être observé bien que plus rarement. Les troubles praxiques sont rares comme les gnosiques. L'orientation temporelle peut être perturbée mais pas l'orientation spatiale.
Les scores aux échelles d'intelligence standards peuvent être dans les normes pendant plusieurs années d'évolution, comme le QI. Les tests évaluant les fonctions frontales sont souvent perturbés mais parfois ne sont pas très sensibles en début de maladie. L'évaluation comportementale est l'examen le plus sensible dans cette pathologie et des outils dimensionnels ont alors leur intérêt. En effet, 2 patients atteints par une DFT peuvent avoir une symptomatologie opposée comme mutisme versus désinhibition orale ou apathie versus instabilité psychomotrice. La forme est en rapport avec la localisation prioritaire des lésions, s'il s'agit d'une atteinte orbito-frontale avec tendance à la désinhibition ou d'une atteinte dorso-latérale avec prédominance de l'apathie. L'importance des signes affectifs et comportementaux explique la fréquence des consultations psychiatriques de première intention. Au niveau de l'autonomie la perte est souvent plus sévère que le déclin cognitif ne laisse supposer. Il s'agit plus souvent d'une incapacité à faire plus qu'à pouvoir faire. Cette perte d'autonomie n'est pas habituellement reconnue par le patient qui prétend tout faire chez lui.
La démence à corps de Lewy (DCL)
La démence à corps de Lewy est une affection neurodégénérative intermédiaire entre la MA et la maladie de Parkinson qui partage de plus un certain nombre de symptômes avec les démences vasculaires comme les hallucinations visuelles.
Les corps de Lewy sont des inclusions neuronales cytoplasmiques habituellement connues comme marqueur de la maladie de Parkinson et situées dans la substance innominée de Reichert (partie du cerveau au sein du prosencéphale basal constituée d'un ensemble mal défini de structures incluant le noyau basal de Meynert et une partie du striatopallidum ventral (dont le noyau accumbens), d'une part et une partie du complexe amygdalien d'autre part)).
La façon dont se constituent ces corps est inconnue.
Maladie d'Alzheimer | Maladie à corps de Lewy |
Atrophie temporale interne en IRM plus sévère dans la maladie d’Alzheimer que dans la maladie à corps de Lewy ; deux cas confirmés par l’examen histologique, à sévérité de démence égale au moment de l’imagerie.
Source = www.alzheimer-adna.com
Observation de corps de lewy (microscope photonique coloration hématoxyline et éosine). Source = www.er.uqam.ca
Cette maladie touche plus les hommes que les femmes. L'âge d'apparition est un peu plus jeune que la moyenne d'âge des malades présentant une maladie d'Alzheimer. Les formes pures de DCL s'observent plus chez les sujets plus jeunes.
La démence dite à corps de Lewy peut débuter de la même façon que la maladie d'Alzheimer : déficit cognitif progressif, troubles de l'attention, hallucinations visuelles en association avec un syndrome extrapyramidal (les troubles amnésiques affectant surtout la mémoire de récupération). Les déficits prédominent sur les tests attentionnels et les capacités visuo-spatiales. Une des caractéristiques du déclin cognitif est d'être fluctuant, le malade pouvant perdre ou gagner plusieurs points au MMS par exemple entre 2 moments de la journée.
L'évolution est souvent rapportée comme souvent plus rapide que celle de la maladie d'Alzheimer, mais cette caractéristique est peut être en relation avec l'intolérance aux neuroleptiques qui ont été souvent prescrits en raison de la fréquence des hallucinations. Si elles ne sont pas spécifiques à un type de démence, leur survenue en début de déclin cognitif, leur caractère visuel, avec une critique partielle, doivent faire évoquer une DCL. Ces hallucinations concernent souvent des animaux ou des personnes le plus souvent inconnues. Elles sont très précises pouvant être décrites avec des détails. Ces hallucinations visuelles s'accompagnent plus d'hallucinations auditives (les personnages s'adressant aux patients) lors de DCL que lors de MA ou de DV. Elles doivent être persistantes et ne pas survenir seulement durant quelques jours comme lors d'état confusionnel. Elles peuvent être à l'origine d'activités comme la préparation des repas pour les personnages imaginaires ou de constructions de moyens de protection pour éviter leur survenue. Les hallucinations auditives isolées sont beaucoup plus rares.
Toutefois, la maladie peut se déclarer pour certains patients par des symptômes parkinsoniens, fréquents mais inconstants. La rigidité et la bradykinésie sont beaucoup plus fréquents que le tremblement de repos. L'asymétrie des symptômes est rare. Les symptômes peuvent être de faible intensité avec une marche plus lente, une amimie (absence de mimique), une voix hypophonique, une instabilité posturale. Ces symptômes peuvent être améliorés par de faibles doses de L-Dopa. Des myoclonies (contraction musculaire rapide, involontaire, de faible amplitude, d'un ou plusieurs muscles) et des dystonies (contractions musculaires intenses et involontaires, prolongées) peuvent être observées lors de DCL. Les chutes répétées peuvent être un signe précoce, elles doivent faire rechercher une hypotension orthostatique et des manifestations dysautonomiques.
La sensibilité aux neuroleptiques fait partie des caractéristiques de la maladie avec une fréquence élevée de syndrome malin avec décès possible. En dehors des symptômes psychotiques, les manifestations anxieuses et dépressives peuvent être inaugurales de ce type de maladie dégénérative. L'Apo E4 est aussi un facteur de risque de DCL. Ces patients peuvent être adressés en première intention à un psychiatre pour survenue d'un délire tardif.
La démence vasculaire
Le concept de démence vasculaire réunit des pathologies très différentes comme les démences par infarctus multiples, par infarctus unique stratégique situé dans le thalamus ou dans la tête du noyau caudé, par état lacunaire ou par leucoencéphalopathie ou encore par des affections génétiques comme la maladie de CADASIL (Cerebral Autosomal Dominant Arteriopathy with Subcortical Infarcts and Leukoencephalopathy). Le diagnostic rend indispensable la réalisation d'une IRM afin de confirmer la pathologie vasculaire initiatrice (AVC par exemple).
L'association à une maladie d'Alzheimer est fréquente surtout avec l’âge et l'exclusion d'un processus dégénératif associé est actuellement une des plus grandes difficultés diagnostiques en consultation de la mémoire. L'évolution sera un argument important pour exclure une participation dégénérative, les formes vasculaires pures pouvant rester stables pendant plusieurs mois. Au niveau comportemental, l'apathie est souvent présente, mais d'autres symptômes peuvent d'observer comme un trouble du contrôle émotionnel, une désinhibition, des hallucinations visuelles ou auditives, une irritabilité.
L'établissement du diagnostic
La mission des spécialistes (neurologue, gériatre, psychiatre) est de faire subir au patient des tests neuropsychologiques afin de construire le diagnostic, celui ci ne sera qu'un diagnostic de probabilité. En l'absence de marqueurs biologiques accessibles de la maladie d'Alzheimer, (les dysfonctionnements se limitant uniquement au système nerveux central), le diagnostic reste essentiellement clinique du vivant du patient.
Les troubles de la mémoire prédominent dans le tableau clinique et leur association progressive avec des troubles du langage, des perturbations des gestes élaborés (praxie), des troubles de la reconnaissance (troubles gnosiques) font penser à la MA. Le diagnostic se renforce au fur et à mesure que l'examinateur objective une démence établie par des critères cliniques et des tests neuropsychologiques, et qu'il élimine d'autres causes possibles de déclin cognitif.
L'imagerie cérébrale et la biologie ne permettent pas de faire le diagnostic, mais sont pratiquées pour rechercher des causes de démence " curable " (telles que l'hématome sous-dural, la tumeur cérébrale, l'hypothyroïdie…). Lors de ces premiers examens, la biologie, le scanner ou l'IRM se révèlent normaux., on ne parlera que de maladie probable, sachant qu'après confrontation anatomopathologique, le diagnostic est pourtant sûr à 90%, ne laissant place qu'aux diagnostics de démences vasculaires ou dégénératives autres (maladie des corps de Lewy, démences sous-corticales).
A la mort du patient, l'hypothèse de la MA pourra être validée par un examen neuropathologique du cerveau révélant une présence de dépôts de substance amyloïde et de neurones en dégénérescence neurofibrillaire en abondance dans les régions hippocampiques et corticales associatives.
Le diagnostic clinique repose sur l'interrogatoire du patient, de son entourage et sur l'exploration neuropsychologique.
L'interrogatoire de l'entourage
Il vise à évaluer le mode de vie du patient ; différents points à étudier :
- Son autonomie (est ce qu'il fait ses courses, sa toilette?, est ce qu'il appelle / répond au téléphone...?)
- Ses habitudes antérieures (est ce qu'il avait l'habitude de compter, de lire...?)
- Son évolution (un changement brutal peut correspondre à une dépression, les patients atteints de la maladie d'Alzheimer présenteront un changement plutôt lent)
L'interrogatoire du patient
Avant tout, le médecin doit établir une relation de confiance avec son patient afin que le stress de ce dernier ne vienne pas fausser les tests à venir.
Interroger la personne sur sa biographie
En première approche
Quelles sont les dates correspondants à la naissance, au mariage, à la naissance des enfants (ou petits enfants), au départ en retraite, à la deuxième guerre mondiale...?
Si ces premières questions permettent d'explorer les capacités cognitives du patient (mémoire flash), elles doivent être nuancées par le fait que certaines personnes (généralement des hommes) n'ont pas une mémoire aiguisée des dates.
Quel est le niveau d'étude ?
Cette question est primordiale car certaines parties des tests (calcul, langage...) peuvent être difficiles pour des personnes n'ayant pas l'habitude de pratiquer des exercices similaires (ici on ne peut alors pas révéler une perte des fonctions cérébrales).
Quelle est l'actualité ?
Au delà de l'évaluation cognitive (mémoire évènementielle), ces questions permettent d'approcher le mode de vie du patient.
Test IADL Instrumental Activities of daily living (Echelle de Lawton)
Test psychométrique d'activités de la vie courante et d'autonomie. Généralement le patient consulte son médecin de famille pour des troubles mnésiques et ou de comportement (souvent accompagné de la personne vivant avec lui au quotidien qui a constaté ces troubles). Le médecin soumet le patient à un test de type I. A. D. L. fondé sur des questions relatives aux activités pratiques de la vie quotidienne (capacité à utiliser le téléphone, les moyens de transport, à prendre ses médicaments et à gérer son budget) pour savoir si le sujet présente une démence non encore diagnostiquée ou s'il est susceptible de la développer dans l' année. [ ]
Le test I. A. D. L. est basé sur des activités de la vie courante. Chaque grande activité ou capacité est subdivisée en activités liées à celle-ci. Par exemple, la capacité «utilisation du téléphone» est subdivisée en:
- 1 je me sers du téléphone de ma propre initiative, cherche et compose les numéros
- 2 je compose un petit nombre de numéros bien connus.
- 3 Je réponds au téléphone, mais n' appelle pas.
- 4 je suis incapable d'utiliser le téléphone.
Dans un premier temps, l'examinateur attribue une note de 1 à 5 (1 étant une preuve d' autonomie pour cette activité et de 2 à 5 une perte d'autonomie) basée sur les réponses du patient et/ou en tenant compte de l' avis de la personne vivant au quotidien avec lui.
Dans un deuxième temps, la note obtenue pour chaque activité est simplifiée en un codage binaire 0 (si le sujet est autonome pour une activité donnée) ou 1 (si le sujet n' est pas autonome pour la même activité). Une moyenne de ce codage binaire pour chaque capacité est ensuite réalisée et les résultats sont interprétés de la manière suivante :
- Si la note globale ne dépasse pas 1, alors le sujet est considéré comme autonome pour la capacité en question.
- Si la note globale est égale ou supérieur à 2, alors le sujet est dépendant pour la capacité en question.
Ces résultats permettent au médecin de prendre une décision pratique, à savoir, référer à un spécialiste pour le diagnostic de [ ] démence le plus rapidement possible (si pour 3 ou 4 de ces capacités le sujet est jugé dépendant) ou bien refaire le test l'année suivante (si pour une ou deux compétences seulement, le sujet est jugé dépendant). Le plus souvent, les médecins généralistes sont en relation avec un centre spécialisé où ils peuvent recommander leur patient dans un délai raisonnable.
Exemple: Monsieur Dupond et son épouse viennent consulter leur généraliste, pour des troubles mnésiques et comportementaux récents de monsieur Dupond.
Capacité |
Activités liées |
Codage** |
|
Nom |
Cotation* |
||
Utiliser le téléphone |
1/4
|
Il se sert du téléphone de sa propre initiative, cherche et compose 5 (un petit nombre) numéros bien connus. |
0 |
Moyen de transport |
4/5 |
Il ne peut voyager qu'accompagné. |
1 |
Prise de médicaments |
2/3 |
Il est incapable de prendre ses médicaments lui-même, à moins qu' ils ne soient préparés à l'avance. |
1 |
Gestion d' un budget |
1/3 |
Il est autonome (gérer les dépenses, faire des chèques, payer des factures). |
0 |
*Cotation : correspond à la réalisation de la capacité sur un nombre précis d' activités.
**codage : 0 pour autonome, 1 pour dépendant.
Dans cet exemple, deux capacités sont codées 1 parmi les quatre (moyen de transport, prise de médicaments). Comme la modification est survenue dans l'année, le généraliste oriente le patient vers des spécialistes qui feront passer une batterie de tests.
Sous cette apparente simplicité du test un problème majeur se pose. En effet, bien souvent le médecin généraliste attribue les troubles de mémoire à un phénomène lié à l' âge et demande au patient de revenir si le problème persistait alors que tout trouble de la mémoire devrait être considéré comme pathologique et motiver un bilan psychométrique. En effet, la phase démentiel de la MA est précédée d' une phase « infra - clinique » au cours de laquelle on ne trouve que des troubles de mémoire qui peuvent, à tort, être considérés comme banaux pour l'âge. Les tests neuropsychologiques permettent de distinguer les troubles mnésiques bénins, des troubles mnésiques pathologiques.
La mission des spécialistes (neurologue, gériatre, psychiatre) est de faire subir au patient des tests neuropsychologiques afin de construire le diagnostic, qui est, rappelons le, un diagnostic de probabilité. Le MMSE est un test de débrouillage et ne permet pas, à lui seul, de faire le diagnostic de MA. L'imagerie cérébrale et la biologie ne permettent pas de faire le diagnostic, mais sont pratiqués pour rechercher des causes de démence « curable » (telles que l' hématome sous-dural, la tumeur cérébrale, l'hypothyroïdie…).
Lors de ces premiers examens, la biologie, le scanner ou l'IRM se révèlent normaux., on ne parlera que de maladie probable, sachant qu'après confrontation anatomopathologique, le diagnostic est pourtant sûr à 90% ne laissant place qu' aux diagnostics de démences vasculaires ou dégénératives autres (maladie des corps de Levy, démences sous-corticales [ ] ).
La seconde étape est la mise en pratique des tests
Le test qui fait actuellement consensus est le test MMS ou Mini Mental State (GRECO) qui permet d'évaluer les fonctions cérébrales dans leur ensemble. Il fait partie des tests réalisés systématiquement lors de l'entrée d'un patient en service de gériatrie.
Ce test fait partie de l'évaluation neuropsychologique dont l'objectif est double : authentifier le déclin cognitif et caractériser les troubles. Plusieurs tests existent mais le MMS est le plus couramment utilisé car il est simple, rapide et universel.
Le MMS, est une échelle basée sur un système de score (dont la note maximale est de 30) permettant d'évaluer le degré de gravité de l'atteinte cognitive (voir tableau ci-dessous).
Les atteintes cognitives étudiées sont : l'orientation, l'apprentissage, l'attention et le calcul, le rappel, le langage et les praxies constructives.
Deux ce ces atteintes, l'orientation et le rappel sont étroitement liés à des troubles de la mémoire, ces derniers étant les premiers symptômes qui dominent le tableau clinique de la MA dans la plupart des cas. Toutefois, ces troubles de mémoire ne sont pas spécifiques de la MA et peuvent se rencontrer dans d'autres pathologies : démence vasculaire, dépression…
Le spécialiste dispose de consignes de passation (nombre de points accordé à chaque réponse, temps accordé pour répondre, nombre d' essais accordé pour chaque réponse etc ...).
Il implique trente questions : chaque réponse juste vaut 1 point. Si la réponse est fausse ou s'il n'y a pas de réponse, c'est 0.
Questions | Score 0 ou 1 | Précisions sur le protocole médical | |
Orientation |
Quelle est la date complète d’aujourd’hui ?
Questions portant sur le lieu où se trouve le patient : |
0/1 0/1 0/1 |
Pour la question sur la région, en France,
on considère que la réponse est juste
si la personne donne une zone géographique
plus précise (beaucoup de personnes âgées ont connu la création des régions administratives mais le terme région révèle pour eux un caractère plus local.
Par exemple, le Beaujolais à la place de la région Bourgogne. Pour la question sur l'étage, le médecin veillera à ce que le patient n'ait pas de repères (volets fermés) afin que sa réponse soit une mémorisation et non une déduction. |
Apprentissage |
Les mots "clé, citron et ballon" sont dits par le médecin, le patient doit les répéter aussitôt et les retenir afin de les répéter ultérieurement. |
0 ou 1 | Le médecin peut compléter ces mots : par exemple, le citron est un fruit. |
Attention et calcul |
- Le médecin demande au patient de compter à partir de 100 en retirant 7 à chaque fois. |
0/1 |
|
Rappel |
Ici, le médecin demande au patient de redonner les 3 mots qu’il devait retenir précédemment. |
0 ou 1 |
En cas de non réponse, le médecin peut donner un indice : par exemple, "il s'agissait d'un fruit" Si le patient répond faux malgré cet indiçage, alors il y a intrusion : par exemple, la personne donne le mot "pomme". |
Langage |
Le médecin demande successivement au patient : |
0/1
|
Pour le crayon, il faut être délicat et ne pas vexer le patient par rapport à une réponse qu'une personne non démente peut juger comme étant extrèmement simple. Pour la phrase à répéter, on vérifiera que des défauts d'audition n'interfèrent pas. Pour l'ordre triple (feuille de papier) le praticien montre la tâche à accomplir. Souvent les patients se trompent car ils réalisent les ordres trop rapidement (dans ce cas les consignes ne sont pas répétées). Pour la phrase à relire, on vérifiera que des défauts de vision n'interfèrent pas. |
Praxie constructive |
- L’examinateur demande au patient de recopier le dessin suivant : |
0 ou 1 | Le dessin est toujours un pentagone, là encore les problèmes de vue peuvent modifier la réponse. |
Interprétation des résultats :
Le score normal maximal est de 30.
- Si le score est inférieur à 10, l'atteinte cognitive est sévère.
- Si le score est inférieur à 18, l'atteinte cognitive est modérée.
- Si le score est supérieur ou égale à 23, l'atteinte cognitive est légère.
En pratique, on considère qu'il existe une probabilité de développer une maladie d'Alzheimer si le MMS est inférieur à 26.
Toutefois, ces scores doivent être nuancés par le niveau d'étude, une personne ayant le baccalauréat est considérée comme saine si son MMS est entre 26 et 30 alors qu'un patient n'ayant pas le certificat d'étude peut être sain avec un MMS allant jusqu'à 22 ou 23.
Pour une exploration plus précise des capacités cognitives, on réalise le test de Dubois.
Celui ci consiste à montrer cinq mots au patient :
MUSEE
LIMONADE
SAUTERELLE
PASSOIRE
CAMION
Le médecin réalise trois niveaux d'encodages afin que le patient mémorise ces mots :
- le premier niveau est une lecture à voix haute des mots par le médecin ;
- le second consiste à décrire ces mots : "il y a un bâtiment, une boisson, un insecte, un accessoire de cuisine et un véhicule" ;
- le dernier repose sur le fait que le patient doit par exemple indiquer quel est le bâtiment.
On demande alors au patient un rappel immédiat des cinq mots (pas forcément dans l'ordre) : chaque bonne réponse vaut 1 point, cette première restitution est donc notée sur 5.
S'il a fallu réaliser un indiçage (le mot qui vous manque est un bâtiment) avant d'obtenir une bonne réponse alors le point est tout de même accordé.
S'il y a intrusion (école au lieu de musée) alors le point n'est pas donné.
Environ 6 à 7 min plus tard, on demande un rappel différé des mots noté lui aussi sur 5.
Si le score est inférieur ou égal à 7 alors une suspection de la maladie d'Alzheimer est établie.
Au cours du temps nécessaire entre les deux rappels, d'autres tests rapides peuvent être pratiqués.
- le médecin fournit une feuille sur laquelle il a dessiné un cercle représentant une horloge, puis il demande au patient de replacer les heures puis de dessiner les aiguilles sur 10h 10min
- le médecin fournit une feuille sur laquelle trois bouteilles sont dessinées (une verticale, une horizontale et une oblique), puis le praticien dessine un niveau d'eau dans les deux premières bouteilles (environ 1/3 du volume) avant de demander au patient de mettre le niveau d'eau dans la bouteille inclinée.
- le médecin demande au patient de dessiner un cube (il faut alors savoir qu'environ 15% de la population saine ne peut pas le faire du premier coup sans erreur).
Si tous les indicateurs vont en direction d'un déficit des fonctions cognitives, praxiques ou gnosiques alors des examens complémentaires sont réalisés par un neuropsychiatre.
Le médecin demande également une IRM pour éliminer un autre type de démence telle que la démence vasculaire et éventuellement révéler le niveau d'atteinte de l'hippocampe qui est la première zone cérébrale à s'atrophier en cas de maladie d'Alzheimer.
L'exploration neuropsychologique
Celle ci est très complète et fait intervenir une multitude de tests permettant d'évaluer très précisement l'ensemble des fonctions cérébrales et leur niveau d'atteinte.
Parmi ceux ci nous ne citerons que l'épreuve de Grober-Buschke qui permet de définir le type de troubles mnésiques (orientant vers une origine corticale, hippocampique ou sous-cortico-frontale).
L'épreuve de Grober et Buschke est un test de mémoire épisodique. Il consiste en l'apprentissage d'une liste de 16 mots, dont l'encodage est contrôlé et favorisé par un indiçage sémantique. Cette épreuve permet d'évaluer différents processus mnésiques tels la récupération et le stockage. A partir du profil mnésique, il est possible de faire des hypothèses concernant les régions cérébrales dysfonctionnelles (par exemple un trouble de la récupération sera évocatrice d'un dysfonctionnement frontal).
Cette épreuve est basée sur le principe selon lequel le rappel d'un item sera plus facile si le contexte au moment du rappel est identique à celui au moment de l'encodage.
On procède donc à l'encodage de 4 séries de 4 mots de catégories sémantiques différentes (soit 16 mots). Concrètement, on montre au patient une planche sur laquelle sont inscrits 4 mots puis on note les phases de rappel.
Questions | Seuil pathologique 75-100 ans | Protocole médical | |
Phase de rappel immédiat et d'apprentissage |
- rappel immédiat indicé - rappels 1 - rappels 2 - rappels 3 |
- <13/16
- <14/16 - <14/16 - <14/16 |
On demande au patient de lire le mot correspondant à la catégorie demandée par l'examinateur. Puis on lui redemande d'évoquer les mots de chaque catégorie sémantique demandée (rappel immédiat indicé). En cas d'échec, on remontre la planche pour un nouvel encodage, mais uniquement pour les items échoués. 3 essais maximum par planche sont réalisés. On procède ainsi pour les 4 planches de mots. On note les intrusions lorsqu'il y en a. On demande ensuite de compter en arrière pendant 20 secondes (tâche distractrice). Cette épreuve est répétée à 3 reprises, avec entre chaque épreuve une tâche distractrice de 20 secondes (comptage à rebours). |
Phase de reconnaissance |
- reconnaissance correcte - acceptation de distracteurs sémantiques - acceptation de distracteurs neutres |
- <15/16 - >0 - >0 |
Il est demandé au patient de reconnaître les 16 mots parmi une liste contenant 48 mots dont certains sont des distracteurs sémantiques et d'autres des distracteurs neutres. On note les fausses reconnaissances neutres et associées sémantiques. |
Rappel différé (à 20 min d'intervalle) |
- rappel libre - rappel total |
- <5 - <14 |
20 minutes après, on demande au patient d'évoquer les mots encodés, en rappel libre et rappel indicé. |
Toutefois, pour les patients de haut niveau socioculturel, il y a un effet plafond de ce test. Ces sujets peuvent avoir des scores normaux tout simplement parce que le nombre de mots n'est que de 16. C'est souligner l'intérêt de l'épreuve de rappel indicé à 48 items.
Dans la maladie d'Alzheimer, l'atteinte du cortex entorhinal (péri hippocampique) empêche l'encodage. Le rappel libre est donc bas, comme le rappel indicé. La sensibilité diagnostique de ce test est de 86 %.
Sources :
Entretien avec le Docteur Boge
www.alzheimer-adna.com
www.alzheimer.lille
pathology.mc.duke.edu
alzheimers.about.com