Les isotopes de l'Oxygène
Rédigé par J-M Greffion, Lycée A. Thierry, Blois
et T.LHUILLIER, Lycée Claude de France, Romorantin
Les isotopes dans l'eau
L'eau (océan, vapeur, pluie, glace, etc.) est constituée essentiellement à partir de l'isotope 16 de l'oxygène qui est le plus répandu.
le rapport H218O/H216O dans l'eau est de l'ordre de 1/500.
Ce rapport est mesuré par spectrométrie de masse (Explication de la spectrométrie de masse sur le site de l'académie de Nancy) et a permis de montrer des variations extrêmement faibles de ce rapport dans les océans (de l'ordre de ±0,1%) et un peu plus important dans les précipitations, pluie et neige(de l'ordre de±3% ).
Lorsque l'eau de mer s'évapore, la molécule H216O légère passe plus rapidement dans la phase vapeur que la molécule lourde H218O. La vapeur d'eau s'évapore essentiellement dans les régions tropicales les plus chaudes. Dès le processus d'évaporation, la vapeur d'eau contient environ 1% d' 18O en moins par rapport à l'eau des océans. Ce déficit est exprimé en référence à une composition standard proche de celle de l'océan mondial, c'est le d18O (point sur le d18O) . Cette masse d'air humide est ensuite transportée vers les plus hautes latitudes.
Deux phénomènes interviennent alors:
- Lors de chaque condensation de la vapeur d'eau, les molécules H218O se condensent préférentiellement par rapport aux molécules H216O. La vapeur d'eau s'appauvrit alors en 18O. Au cours de sa migration vers les pôles (et de son refroidissement) , la masse d'air subit des condensations successives qui l'appauvrissent en isotope lourd. Les précipitations se fabriquent à partir de vapeur d'eau de plus en plus appauvrie en isotope lourd. Le d18O des précipitations diminue (-10, -20, -30, -40 pour mil)
- Le refroidissement de la masse d'air accentue le fractionnement isotopique. Pour deux masses d'air de composition isotopique identique, les précipitations seront plus riches en 18O si la condensation s'effectue à des températures les plus basses. Les différences sont faibles. Le fractionnement isotopique est de 10 à à 25°C , de 14 à à -20°C.
Ces deux phénomènes existent en même temps dans la nature et semblent se contrecarrer si l'on raisonne sur les précipitations. Si on parle des masses d'air, il n'en est rien. Ils jouent dans le même sens pour accentuer l'appauvrissement de la masse d'air en 18O.
Lors de la migration vers les pôles, le phénomène d'appauvrissement de la vapeur d'eau en isotope lourd par condensations successives l'emporte largement sur le phénomène d'enrichissement des précipitations lié à la baisse de température (effet trois fois plus faible que le précédent).
Cartes mondiales de la teneur en 18O des eaux de précipitation
L'analyse du d18O des précipitations actuelles et la mise en corrélation avec les températures a permis de montrer qu'il existait une relation linéaire entre la moyenne annuelle des température et le d18O des précipitations (sous forme de neige aux pôles).Voir la démarche proposée sur ce thème.
Cette linéarité est à la base du "thermomètre isotopique" : plus il fait froid, plus la teneur isotopique des précipitations en 18O est faible. Ceci s'explique par l'appauvrissement de plus en plus poussé en 18O de la masse d'air par des condensations successives à des températures de plus en plus froides.
Appliqué en un site donné, cette correspondance a permis de reconstruire les variations du climat à partir des enregistrements isotopiques le long de carottes obtenues par forage des calottes glaciaires de l'Antarctique et du Groenland.
Les deux droites couramment utilisées (une pour le Groenland, l'autre pour l'Antarctique) ont été construites à partir de données concernant des stations différentes en Antarctique et au Groenland (variations spatiales). Les droites construites à partir de l'étude d'un seul lieu (variations temporelles d'une station du Groenland ou d'une station d'Antarctique) ne montrent pas une grande différence de coefficient directeur. On peut donc les utiliser pour retrouver les variations de températures de l'air par mesure du d18O de la glace aux différents niveaux d'une carotte (intervalle d'incertitude ± 20 à 30 %).
Les isotopes dans les carbonates
Ils sont mesurés à l'aide d'un spectromètre de masse dans le calcaire des tests des foraminifères. Le standard de référence pour le calcul du d18O des carbonates est un rostre de Bélemnite du Crétacé.
Ce d 18O dépend non seulement de la composition isotopique de l'eau au sein de laquelle s'est effectuée la précipitation mais également de la température de cette eau.(voir le point sur le d18O)
L'analyse du d 18O des foraminifères benthiques (vivant au fond) reflète en première approximation uniquement les variations de la composition isotopique de l'eau de mer . La température au fond est alors considérée comme constante. L'accumulation de glaces très pauvres en 18O aux pôles a pour conséquence un enrichissement corrélatif de l'eau de mer en H218O. Les variations du d18O des foraminifères benthiques informe alors des variations du volume des calottes glaciaires et permet de calculer les variations du niveau de la mer.
L'analyse du d 18O des foraminifères planctoniques permet de connaître la température (locale) de l'eau de surface après avoir établi grâce aux foraminifères benthiques la part des variations de composition isotopique de l'eau de mer.
En présence de calottes glaciaires le d18O des eaux douces et marines varie considérablement en fonction des conditions climatiques et dépend étroitement du volume des glaces aux pôles. Les fluctuations du volume des glaces influent considérablement sur la composition isotopique de l'océan.. Les variations du d 18O des carbonates reflètent alors essentiellement celles de d18O eau et le signal thermique est estompé.
Enfin, l'analyse isotopique des carbonates des foraminifères benthiques permet de corréler à longue distance les carottes des sédiments provenant de divers bassins océaniques. En effet, les variations du rapport 18O/16O des eaux sont sensiblement les mêmes en tout point de l'océan parce que celui-ci se mélange en un temps de l'ordre du millénaire.