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Bio-surveillance et évaluation du risque toxique en milieu aquatique

Par jfcarion — Dernière modification 21/07/2017 10:07
mise à jour des connaissances

réalisé par Pascale Naim

Les enjeux environnementaux et sanitaires liés aux pollutions toxiques dans les milieux aquatiques sont au cœur de nombreux débats de société et la prise de conscience de la nécessité de réduire la pollution toxique est de plus en plus importante.

Les polluants toxiques ont des impacts non seulement sur l'environnement, mais aussi sur la santé humaine, avec des conséquences économiques non négligeables. La pollution peut avoir des effets irréversibles sur les écosystèmes comme la disparition d'espèces, la contamination de la chaîne trophique…. De plus, les coûts économiques de la dépollution sont importants (construction de stations d'épuration pour les industries, mise au point de nouveaux procédés, décontamination de sites et sols pollués...).

De nombreuses substances chimiques, pesticides, médicaments, métaux lourds…, sont présentes en mélange, à faibles doses et en permanence dans les cours d'eau.

  • Sous quelles formes chimiques ces molécules agissent-elles ?
  • Quels sont leurs effets sur les organismes vivants ? Sont-ils capables de résister ou de s'adapter ?
  • Comment mesurer les concentrations toxiques dans le milieu ?

 

L’objectif des chercheurs est double :

  • Comprendre l'impact de la contamination chimique sur la vie aquatique aux niveaux de concentrations observés dans les milieux naturels,
  • Améliorer les outils de diagnostic induits par la Directive cadre européenne sur l'eau (DCE) en intégrant le risque toxique.

 

Les travaux se fondent sur :

  • L'observation des réponses des organismes dans différentes conditions d'exposition chimique.
  • Les mesures chimiques et biologiques sur le terrain,
  • La modélisation des essais menés au laboratoire sur des espèces références.

 

Les toxiques

La Bio-disponibilité

La Bio-toxicité

La Bio-accumulation

Les Bio-marqueurs

Les Bio-indicateurs

Sources

 

LES TOXIQUES

  La pollution toxique de l'eau a plusieurs origines : elle peut provenir des rejets ponctuels (industries, stations d'épuration urbaines,...), de rejets ponctuels dispersés (DTQD : déchets toxiques en quantités dispersés : rejets de nombreuses PMI, PME, artisans...) et/ou de rejets diffus moins bien connus (épandage de pesticides en agriculture, retombées de micropolluants émis dans l'atmosphère, lessivages des voies routières et autoroutières,...).

Les substances peuvent être présentes dans le milieu naturel et dans les rejets sous plusieurs formes :
- dissoutes dans l'eau,
- adsorbées sur les matières en suspension et/ou les sédiments,
- accumulées dans les tissus des organismes aquatiques animaux ou végétaux.

 

Polluants métalliques Radio-éléments Polluants organiques

pas biodégradables


- toxiques par accumulation dans les tissus des organismes vivants


- toxiques en grande quantité, mais souvent indispensables à la vie en petite quantité (oligo-éléments).

La concentration d'un radioélément est l'activité spécifique qu'il présente dans l'échantillon, exprimée en Bq/kg ou en Bq/l.

 


Les bryophytes et les sédiments sont de bons supports . Les bryophytes fixent et accumulent les iodes.

= produits de synthèse issus de l'activité anthropique.


- PCB : polychlorobiphényles, substances chlorées non biodégradables. Forte affinité pour les lipides, se bioaccumulent fortement par la chaine alimentaire dans la graisse des poissons.
- Hydrocarbures HAP issus de la combustion incomplète des produits pétroliers : activités urbaines (chauffage), industrielles et de transports. Peu solubles dans l'eau, se bio-accumulent dans les graisses, notamment des poissons et des mollusques. Nombre d’entre eux sont cancérigènes.
- Pesticides ou phytosanitaires. Ceux contaminant fréquemment les milieux aquatiques (rivières ou eaux souterraines) sont soumis à des restrictions d'usage et surveillés.

 
 Les caractéristiques des polluants vont conditionner leur migration dans le sol, sous-sol, les eaux souterraines ou les eaux de surface.
Leur densité, la viscosité, la solubilité, les conditions d'équilibre entre phase liquide ou dissoute et phase vapeur et la biodégradabilité vont conditionner leur transport.

 

cycle pollution.jpg

Cycle simplifié de propagation des polluants anthropiques dans les compartiments naturels.  

David Delmail http://www.univ-ubs.fr/1290600507630/0/fiche___article/&RH=ACTU

 

LA BIO-DISPONIBILITE

La biodisponibilité d’un polluant désigne sa capacité à entrer en contact et à exercer un effet sur les organismes cibles et non cibles voire, pour les substances sujettes à une bio-amplification, à s’accumuler dans les organismes et dans l’édifice trophique.

C'est le statut physique (adsorbé, solubilisé) ou chimique (complexé, ionisé) dans lequel se trouve un polluant et qui conditionne son écotoxicité.

  • Un polluant bio-disponible est un polluant auquel les organismes sont directement exposés.
  • Au contraire, un polluant non bio-disponible est un polluant auquel les individus ne sont pas exposés. C'est le cas par exemple des polluants stockés dans les sédiments. Lorsqu'ils sont stockés, ils ne présentent un risque que pour les organismes fouisseurs (exemple : vers, larves), les organismes vivant uniquement dans l'eau ayant peu de chances d'y être exposés (exemple : les poissons).

Si nous prenons l’exemple du Hg fixé dans les sédiments, il est sous forme non toxique pour les organismes qui vivent dans les sédiments car non bio-disponible. Le Hg qui se trouve en solution dans les sédiments est, à l’inverse, toxique pour les organismes des sédiments car bio-disponible pour eux.

 

biodisponibilité1.jpg

Agence de l’eau Rhône Méditerranée    sierm.eaurmc.fr/sdage/documents/guide-technique-sdage-7.pdf

Cependant, les substances toxiques des sédiments sont à surveiller :
d'une part en raison du risque de remise en solution lors de crues, par exemple,
d'autre part en raison du risque de transmission par la chaîne alimentaire.

biodisponibilité2.jpg

INERIS / Normes qualité de l’eau

 

LA  BIO-TOXICITE

La directive cadre sur l’eau (DCE) du 23 octobre 2000 (directive 2000/60) vise à donner une cohérence à l’ensemble de la législation avec une politique communautaire globale dans le domaine de l’eau. Elle définit un cadre pour la gestion et la protection des eaux par grand bassin hydrographique au plan européen avec une perspective de développement durable.

Pour déterminer les normes de la qualité de l’eau (NQ) de la Directive Cadre sur l’Eau, des critères de toxicité et d’écotoxicité des organismes aquatiques, ont été retenus.

 biotoxicite1.jpg

 INERIS / Normes qualité de l’eau

Pour évaluer la toxicité d’une substance, des tests de laboratoire standardisés sont utilisés. Le principe est de déterminer à quelle concentration une substance provoque des effets toxiques (mortalité, baisse de reproduction, baisse de respiration, …) afin d'appréhender les effets de cette substance sur les populations du milieu.

biotoxicite2.jpg

NERIS / Normes qualité de l’eau

 

Des organismes vivants sont mis en contact avec les substances à tester et les effets de cette exposition sont observés. Pour une évaluation correcte de la toxicité, il est nécessaire d’effectuer ces tests sur plusieurs organismes de la chaîne trophique (en général : bactéries, algues, daphnies (micro-crustacés), poissons…).


Selon les manifestations dans le temps, on distingue deux types de toxicité :

  • La toxicité aiguë se manifeste après une exposition très courte à une concentration élevée de substance toxique (la notion de concentration élevée est à relativiser, les polluants toxiques sont toxiques à des doses de l'ordre du microgramme par litre.

Pour les essais de toxicité aigüe, les résultats sont généralement exprimés par une CE 50 (Concentration Efficace). La CE 50 est la concentration pour laquelle les effets sont observés pour 50 % des individus testés. Les effets observés sont, par exemple, la létalité (le «E» est alors remplacé par le «L» CL50) ou l’inhibition de la mobilité (le «E» est alors remplacé par le «I» CI 50).

  • La toxicité chronique se manifeste après une exposition longue à une concentration faible de la substance toxique. La substance peut exprimer sa toxicité de différentes façons.
    Elle peut se bio-accumuler dans les tissus de l'organisme. Après un temps de latence suffisamment long, la concentration accumulée dépasse le seuil de toxicité chronique et les effets toxiques s'expriment.
    La substance peut également provoquer à de faibles concentrations de légers symptômes. Lorsque ces symptômes se prolongent dans le temps, ils entraînent un dysfonctionnement de l'organisme beaucoup plus important.

biotoxicite3.jpg

Agence de l’eau Rhône Méditerranée sierm.eaurmc.fr/sdage/documents/guide-technique-sdage-7.pdf

Exemple : le toluène
Seuil de toxicité aiguë = 6,3 mg/l (tests effectués sur poissons, Oncorhynchus kisutch, pendant 96 heures).
Seuil de toxicité chronique = 1,4 mg/l (tests effectués sur poissons, Oncorhynchus kisutch, pendant
40 jours).

Homologation des substances chimiques de synthèse

L’autorisation de mise sur le marché de nouvelles substances (pesticides, molécules organiques de synthèse, substance minérale…) est conditionnée par la prise en compte de leur niveau de toxicité sur toute une gamme d’organismes aquatiques ou terrestres. L’utilisation de bio-essais permet de quantifier cette toxicité.

 

LA BIO-ACCUMULATION

La bio-accumulation est l’accumulation de substances toxiques dans les tissus des organismes vivants.
C'est le cas par exemple des toxiques cumulatifs qui vont s'accumuler dans les tissus des organismes et dont les effets toxiques ne se produiront que lorsque leur dose d'effets sera atteinte.

Tous les organismes vivants sont ainsi capables, à divers degrés, d'accumuler des substances toxiques, ce qui peut, dans un certain nombre de cas, entraîner des phénomènes de transfert et d'amplification dans la chaîne alimentaire, avec des teneurs observées d'autant plus fortes que l'organisme est élevé dans la chaîne alimentaire.

Les paramètres utilisés sont le facteur de bio-concentration (BCF) et le facteur de bio-accumulation (BAF) qui mesurent les concentrations d’un polluant dans l’organisme.
 

bioaccumulation1.jpg

INERIS / Normes qualité de l’eau

 

bioaccumulation2.jpg

INERIS / Normes qualité de l’eau

 

Cependant, très couramment on s’appuie sur le coefficient de partage octanol/eau (ou Kow) pour prédire la capacité d’un polluant à se bio-concentrer. Cette valeur est une estimation du partage de la substance entre l'eau et les graisses des tissus, elle rend compte de la tendance d’une molécule à s’accumuler dans les membranes biologiques des organismes vivants.
 

Le coefficient de partage octanol/eau est donné par Log Kow ou est égal au logarithme du rapport des concentrations de la substance étudiée dans l'octanol et dans l'eau. LogKow = Log(Coct/Ceau).
Si cette valeur est élevée, le risque de bio-accumulation est important. Elle est donc utilisée pour prédire l'accumulation de la substance dans les tissus graisseux, des poissons notamment.

Si l’affinité pour l’octanol est forte … alors l’affinité pour les lipides est forte

 

Où se font les prélèvements?:

Les sites de prélèvements sont répartis sur les principaux cours d'eau et nappes, de manière stratégique dans l'objectif de recueillir des mesures en aval des principaux bassins hydrographiques ou hydrogéologiques, en aval immédiat des principales sources de pollution mais également dans des secteurs de référence peu contaminés.
Les substances sont recherchées sur différents supports afin de bien cerner la contamination :
l'eau brute (eaux de surface et eaux souterraines)
les sédiments (eaux de surface)
les matières en suspension (eaux de surface)
les mousses aquatiques (bryophytes) (eaux de surface).

Il est important d'avoir des mesures sur chacun de ces compartiments, car ils fournissent des informations complémentaires sur l'état de contamination du milieu :

  • les sédiments sont des pièges à micropolluants, ils donnent une indication sur la pollution historique du cours d'eau.
  • Les bryophytes, qui sont des mousses aquatiques, bio-accumulent les métaux. Leurs concentrations dans les bryophytes donnent une indication sur la pollution métallique chronique du milieu sur les trois derniers mois.
  • Les mesures sur eau et matières en suspension donnent une indication sur la pollution du milieu au moment du prélèvement. Ces deux mesures se complètent, pour des raisons de physico-chimie : certains polluants sont adsorbés (fixés) sur les matières en suspension alors que d'autres sont solubilisés dans l'eau.

 

LES BIOMARQUEURS

Le principe des bio-marqueurs est de mesurer les molécules biochimiques produites (en général des molécules de détoxication) ou inhibées dans l’organisme en présence de toxiques. Ainsi, on mesure la réaction des organismes aquatiques à l’échelle de la cellule, avant que les effets toxiques ne soient létaux ou sub-létaux.
Le plus souvent ces mesures sont réalisées sur des poissons, parfois sur des mollusques.

biomarqueurs1.jpg

Agence de l’eau Rhône Méditerranée sierm.eaurmc.fr/sdage/documents/guide-technique-sdage-7.pdf

Les bio-marqueurs peuvent traduire divers types d’atteinte et de toxicité :

  • Des atteintes cellulaires, des anomalies chromosomiques tels que les micro-noyaux, échange de chromatides, peuvent être interprétées comme des indicateurs d’effets polluants mutagènes et potentiellement cancérogène.
  • Des effets repro-toxiques ( atteinte de la fertilité mâle et/ou femelle, tératogénèse) constituent un critère de toxicité à long terme.
  • Des modifications enzymatiques sont fréquemment mesurées. Ex : cholinestérase sanguine inhibée par des insecticides organophosphorés, activité aminolévulinate déshydratase (ALAD) inhibée par le plomb, enzyme à cytochrome P450 (activité EROD) du foie ou poumons augmente sous l’effet des hydrocarbures, PCB ou dioxines.

Exemples de bio-marqueurs parmi les plus utilisés

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Si la toxicité est démontrée avant les perturbations notables du métabolisme, chez un organisme, il est possible d’exploiter cette information en terme de gestion des risques.

 

LES BIO-INDICATEURS

Un bio-indicateurs écologiques de toxicité repose sur le principe de la sélection des organismes aquatiques résistants aux pollutions au détriment des organismes sensibles.

Un bio-indicateur approprié doit idéalement présenter les caractéristiques suivantes :

  • Abondance dans le milieu et cosmopolitisme : les organismes sélectionnés doivent permettre une application géographique et temporelle large des techniques de bio-indication.
  • Localisation en début de chaîne alimentaire, c’est-à-dire au plus proche des transferts de nutriments et d’énergie : les producteurs primaires sont ainsi particulièrement sensibles aux variations environnementales, même légères.
  • Cycle de vie simple et court, afin de révéler les changements ponctuels ainsi que les modifications sur le long-terme .
  • Facilités d’identification morphologique jusqu’au niveau de l’espèce (John 1998).
  • Protocoles d’échantillonnage sur le terrain simplifiés, notamment dans l’optique d’une utilisation par les opérateurs pour la surveillance en routine du niveau de qualité des eaux.

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A l’échelle d’un peuplement, les individus ou les espèces les plus faibles vont disparaître sous la pression du polluant (mort ou fuite), laissant la possibilité aux espèces résistantes de se développer davantage. Ce phénomène entraîne l’établissement de peuplements dont la structure reflète la qualité de l’eau, notamment au travers de l’analyse des présences/absences. Ils serviront de bio-indicateurs.

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Exemples de bio-indicateurs : Indice oligochètes (vers vivant dans les sédiments des cours d'eau) qui permet d’évaluer la qualité biologique des sédiments fins ou sableux et indique des tendances fortes sur l’incidence écologique des micropolluants organiques et métalliques.

Exemples d’utilisation de bio-indicateurs :

  • Étude de l’impact de rejets toxiques sur les organismes aquatiques

Dans les secteurs contaminés, l’application d’un bio-indicateur permet d’évaluer l’effet réel de la pollution identifiée sur les organismes et de mesurer le niveau de perturbation de l’écosystème.

  • Suivi de l’état écologique des masses d’eau

La Directive Cadre européenne donne comme objectif à atteindre le bon état écologique des masses d’eau. L’utilisation d’un bio-indicateur permet d’estimer la qualité des peuplements aquatiques, toutes pressions polluantes confondues et de révéler d’éventuelles perturbations a priori non visibles et sur lesquelles il convient d’agir.


Sources :

  • Evaluation du risque toxique dans les milieux aquatiques. Quels outils pour quelles perspectives ? Didier Pont, UR HBAN et Jeanne Garric, UR MALY

http://www.set-revue.fr/levaluation-du-risque-toxique-dans-les-milieux-aquatiques

  • POLLUTION TOXIQUE ET ÉCOTOXICOLOGIE /BASSIN RHÔNE-MEDITERRANÉE-CORSE

Agence de l’eau Rhône Méditerranée. sierm.eaurmc.fr/sdage/documents/guide-technique-sdage-7.pdf

  • Les substances dangereuses / Eco-toxicologie et normes de qualité/INERIS

http://parlonstechneau.univ-rennes1.fr/2008/files/INERIS_substances_dangereuses_3_eco_toxicologie.pdf

  • Que sait-on de la biodisponibilité des contaminants dissous dans le milieu aquatique ? Par Catherine Gourlay-Francé, François Delmas, Nicolas Mazzella et Marie-Hélène Tusseau-Vuillemin http://www.set-revue.fr/node/28/illustrations
  • Comprendre l&rsqrsquo;impact anthropique sur l’environnement grâce aux organismes photosynthétiques. David Delmail.

http://www.univ-ubs.fr/1290600507630/0/fiche___article/&RH=ACTU

  • Utilisation des bio-indicateurs pour la surveillance des émissions et des risques.

http://www.invs.sante.fr/publications/2005/dechets/pdf/2-4.pdf

 

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